mardi 7 novembre 2017 - par C’est Nabum

Où cours-je ?

Question existentielle

En cette période où le cucurbitacée est à l’honneur, joue même les lumières pour éclairer nos peurs et nos angoisses, il me semble naturel de me poser cette question le temps de m’arrêter quelques instants au bord du chemin. N’ai-je d’ailleurs jamais rien fait d’autre que courir, après je ne sais quoi ou bien je ne sais qui ?

Je me souviens ainsi de mon enfance. J’ignorais tout de la marche, chose étrange qui me semblait réservée aux grandes personnes, celles qui avait cessé d’aller le nez au vent, avançant bien trop sérieusement dans l’existence. Je courais ou bien je faisais de la bicyclette mais jamais je ne me déplaçais dans les rues de ma petite ville autrement qu’en forçant le pas, en allant d’un pas aérien vers une destination qui ne savait attendre.

J’allais chercher le pain en courant, je retrouvais mes copains en faisant de même. Je ne me déplaçais pas, je filais pour que se réduise au minimum l’intervalle de temps qui me séparait de mon point de départ à mon but à atteindre. C’est ainsi que je fis connaissance avec l’impatience, cette éternelle compagne qui me prive à jamais de sérénité.

Adolescent, je devins un coureur à pied, non par talent, ma préférence allant vers le sprint pour lequel, semble-t-il j’avais quelques prédispositions, mais par nécessité après un petit soucis physique. Je dévorai les kilomètres en un temps où ce n’était alors que de la course à pied, sans mot anglais ni équipement sophistiqué. Cela dura longtemps, très longtemps même jusqu’à ce que des tendons d’Achille récalcitrants vinrent interrompre cette habitude.

Je remplaçais la course par la marche à la condition de la rendre lointaine, au long cours, une aventure humaine faite de rencontres et d’improbable. Je commençais donc à courir autrement et après autre chose que la route qui défile. Il y avait l’écriture en toile de fond, le récit détaillé des rencontres, des sensations, des anecdotes et la course effrénée vers un lectorat fugace.

Je courais après une gloire illusoire ou bien quelques jupons que j’avais fort peu de chance d’atteindre, faisant tout pour fuir les passages obligés de cette vanité dérisoire. Mais, toujours aussi gonflé d’orgueil que de contradiction, ma course ne cessait guère. Vous en avez sous les yeux le plus bel exemple avec l’un de ces billets quotidiens que j’écris ainsi sans jamais lever le pied ni le stylo depuis bientôt dix ans.

La course avait débuté ailleurs également, dans le monde sportif où je jouais les imposteurs de service, revendiquant des compétences qui n’étaient sans doute pas les miennes. Cependant, à ce jeu de dupe, je me montrais plus habile que les autres car ce sont eux que je faisais courir tandis que je surveillais leurs agitations désespérées avec un chronomètre. Je les faisais marcher en les faisant courir.

La chute fut plus terrible encore. La course immobile vous prive d’équilibre, je ne pouvais que me retrouver à terre, le nez dans la poussière ou le gazon, l’ambition en capilotade. Il me fallait reconstruire un nouveau champs de course, une nouvelle arène où battre de la semelle et rêver à des grands desseins.

La scène remplaça le stade, la Loire bouta le rugby de ma vie. Je courais vers d’autres destinations, cette fois, il n’y avait plus d’intermédiaires, je ne pouvais me cacher derrière ceux que j’avais couché sur une feuille de match. J’étais seul à m’agiter avec mes inquiétudes, mes doutes, mes freins. Il n’est rien de pire qu’un frein quand on veut courir après soi-même sans jamais prendre le temps de se retourner.

Le temps est venu désormais de décompter celui qui reste, de cesser de filer, insouciant vers des ailleurs incertains. L’inertie de l’âge, des douleurs, des regrets, des échecs est de plus en plus évidente. Le mouvement cesse d’aller de soi, je suis englué par mes doutes et mes erreurs. Je ne cours plus, je piétine et parfois je recule. Je manque d’allure en somme.

Alors, au bout de ce billet qui tourne en rond, je n’ai toujours pas de réponse à moins que la seule qui convienne soit la même pour chacun de nous. Je me traîne vaille que vaille jusqu’à la ligne d’arrivée, celle pour laquelle il n’est pas besoin de lever les bras au ciel. Encore heureux si je puis la franchir sur mes deux jambes et avec un peu de vitesse. La lente érosion des capacités physiques privant bon nombre des participants à ce marathon de la vie de cette ultime victoire sur la camarde : partir la tête haute sur ses deux pieds.

Je ne vous ai pas fait marcher, j’avais besoin de coucher sur le papier ce texte absurde et impudique. Je cours encore mais je ne sais plus vraiment vers quoi. Je crains qu’un mur se dresse sur mon chemin, c’est du moins le sentiment de l’heure. Me voilà à bout de course et de mots, le souffle court, les jambes lourdes, la tête vide, je perçois la vacuité de cette vaine agitation. N’est-ce pas au final, qu’un mouvement immobile qui s’achèvera pas mes inévitables points de suspension ? Qui sait ...

Fugacement votre.



15 réactions


  • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 7 novembre 2017 11:39

    Aïe : Jean Burgrave m’avait offert un livre (en 1988) : Belle du « SAIGneur » d’Albert Cohen. Avec en frontispice : le concombre masqué.


  • juluch juluch 7 novembre 2017 12:13

    Vous n’auriez pas feté votre anniversaire Nabum ?


    On vous sent mélanco là.... smiley

  • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 7 novembre 2017 12:18

    Chapitre III




    LULU


    Soirée du vendredi 10 octobre 2003 : pour retrouver aisément l’emplacment de sa voiture, se garer sous les feux d’un rêve berbère.


    L’appartement de Jean Burgrave surmonte toujours sept étages dans un vieil immeuble des années quarante. La rue est aménagée le long d’une voie ferrée,,,,,,, c’est l’Ode à la mer de la gare du Midi. 
    Olga gravit à nouveau les longues volées de marches pour rejoindre le seuil d’un passé ressurg.
    Alors que de nombreux événement avaient traversé son existence, rien ne semblait avoir changé depuis quinze ans dans la vie du peintre.
    Excepté quelques aménagement discets et de nouveaux tableaux accrochés au mur d’un long couloir, dont l’un, représentant un clown blanc, une rose glissée entre les dents, en équilibre sur un fil tendu entre deux nuages, l’appartement s’est cristallisé en un instant mort dans le passé. Le peintre semblait aussi figé dans le temps, comme une montre fracassée sur le sol, juste après un crime. Sa démarche est raide à l’image d’une d’une statue de SEL qui soudain se remettrait à marcher. Seul son regard semble avoir préservé sa vivacité d’antan, passant en un bref éclair de la tendresse la plus pure à la cruauté toujours aussi acérée que la lame d’un couteau berbère déposé sur la cheminée.
    L’histoire d’OLGA avecle peintre LE PEINTRE avait duré quatre mois, il y a quinze ans. Elle a laissé une cicatrice dans son passé. Le temps était venu de la refermer.


    cinq minutes après minuit : entrée de clownesse.

    Olga avait toujours aimé le cirque et particulièement les numéros avec des cochons. Elle tendit au peintre le livre d’un romancier du siècle passé, tombé dans l’oubli : LULU de félicien champsaur. Jean lui offrit en retour : « Le sourire au pied de l’échelle » d’Henry Miller dont il avait souligné de nombreux passages d’un trait rouge comme pour les imprimer au couteau dans le coeu du lecteur.

    Clownesse, un instant d’éternité a retrouvé son clown et planté son chapiteau en sa demeure.

    Suu la table du peintre trône un plat tout prêt sorti du four. Jean lui tend le moulin à poivre pour égayer la deuxième traite du lait, un reblochon, scellant ainsi leur nouvelle alliance. A la fin du repas, olga s’approche de la fenêtre pour y observer la rue : sa voitue stationne toujours sous le réverbère.

    « Dans l’encoignure d’une porte, l’inspectrice COLOMBE a tendu son oeil de verre dans la lumière pour éclairer le monde sur son ennui. »

    Déposé à même le sol, contre le mur de l’appartement, un tableau représente une jolie femme, un panier rempli de crustacés, déposé en équilibre sur sa hanche. A l’arrière, un bateau isolé semble tanguer dans la brume du matin sur le Canal de bruxelles.
    Le peintre lui raconte l’histoire de la découverte de l’oeuvre. Le jour où OLGA était venue à son exposition, il s’était dirigé vers le Vieux Marché aus Puces dans le centre ville.
    Il pleuvait beaucoup et le tableau adossé au tronc d’un arbre semblait avoir été oublié par un brocanteur pressé de partir.
    Intriguée, Olga lui demande de l’emprunter un certain temps. Dans la bas la la marine, une signature : BURGONDE.



  • L'enfoiré L’enfoiré 8 novembre 2017 10:24

    Bonjour Nabum,

    Que sais-je ? qu’entends-je ? qu’aspèr-je ? qu’on combre et ...
    maintenant, où cours-je ?

    Je suis comblé.

    Très bonne conclusion que je partage, que l’on prend quand on n’a plus rien à perdre, n’y à gagner et qu’on n’a plus rien à prouver : "Le temps est venu désormais de décompter celui qui reste, de cesser de filer, insouciant vers des ailleurs incertains. L’inertie de l’âge, des douleurs, des regrets, des échecs est de plus en plus évidente. Le mouvement cesse d’aller de soi, je suis englué par mes doutes et mes erreurs. Je ne cours plus, je piétine et parfois je recule. Je manque d’allure en somme".


  • Gasty Gasty 8 novembre 2017 10:58

    Il arrive un moment ou il faut savoir prendre une béquille. Moi c’est un volant, celui de ma voiture ou j’ai toujours un sentiment indéfinissable d’un passé dans mon dos et d’un futur devant moi.


  • Hector Hector 8 novembre 2017 11:51

    Pas très gai tout ça. A quand un joli conte Ligérien qui nous fasse oublier quelques instants la tristesse du monde ?


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