lundi 23 mai 2016 - par C’est Nabum

Retour à la Binette

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Il voyage en solitaire …

Après la folle soirée de l’Auberge, nous nous retrouvions dans celle-ci au petit matin pour partager un croissant et un café avec Madame le maire, juste avant de nous rendre dans l’école du village, un bâtiment neuf qui montre déjà quelques signes de lassitude ; la norme étant désormais de construire pour ne pas durer. Un progrès qui s’inscrit dans une logique qui m’échappe et dont je ne dirai rien pour ne pas offusquer les tenants du pragmatisme de cette époque résolument moderne !

Une classe de grande section maternelle et celle de CP m’attendent pour une petite animation. Quarante bambins, tous plus charmants les uns que les autres : c’est le privilège des écoles rurales. J’avoue ne pas être très à l’aise avec ce très jeune public, habitué que je fus à des élèves bien plus âgés. Mais qu’importe, il faut savoir se jeter à l’eau pour le voyage du Tacon.

Je me lance dans une explication rapide de notre projet avant que de passer une chanson du groupe LaBouSol dont j’ai écrit les paroles. Immédiatement les enfants reprennent le refrain de « Où vas-tu marinier ? » tandis que la directrice promet de la faire travailler pour le projet qu’elle va mener autour du thème de La Loire. Il faut dire que dans la classe, il y a le fils d’un pêcheur professionnel : ça donne des idées !

Je profite de l’aubaine pour dire un conte : « Pourquoi les poissons font-ils des ronds dans l’eau ? » Le succès est mitigé : nombre de gamins ne savent rien des secrets halieutiques. La maîtresse devra compléter cette lacune. Quand j’avais leur âge, pas un poisson de Loire ne m’était inconnu. Les temps changent … même au bord de la rivière. Un des enfants déclare que son oncle s’est noyé en Loire en allant à la pêche, c’est sans doute un motif de prudence.

Nous reprenons plusieurs fois la chanson que les élèves finissent par parfaitement chanter, mieux que moi en tout cas qui ne brille pas dans ce registre. Georges est sagement assis ; il est visiblement ému et photographie la scène pour l’immortaliser avec son nouvel appareil. Je m’amuse de le voir ainsi, si timide, lui qui d’habitude est plutôt hardi.

Nous sommes accompagnés jusqu’à nos bateaux par la troupe qui, il faut l’avouer, ne marche pas très vite. Le trajet prend autant de temps que celui de la veille sans qu’il y ait des contes dits à la cantonade. Les enfants nous regardent embarquer. Pour l’occasion, nous effectuons un départ fictif en remontant le courant. Nos esquifs ne sont pas chargés. Aucun enfant ne remarque l’erreur de destination : il y a du pain sur la planche !

Une fois les élèves partis, nous nous préparons réellement pour un trajet d’une vingtaine de kilomètres qui doit nous mener à La Binette : ce charmant lieu-dit qui se trouve sur la commune de Bou, là où la rivière fait un grand méandre. Le vent contraire rend la navigation pénible. Je devine que Georges manque de force ; il n’avait sans doute pas mesuré l’effort que suppose ce long voyage, il est malade.

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Nous arrivons à Châteauneuf ; mon camarade renonce avec sagesse. Il va retourner chercher sa camionnette pour se reposer un peu. Je continue seul le voyage avec un bon samaritain qui veillera sur moi à distance. Durant quarante minutes, je me bats littéralement contre le vent contraire. Je dois me mettre à genoux dans l’embarcation, me pencher en avant et piocher comme un galérien pour maintenir le bateau droit. Le fort courant me permet d’avancer à bonne allure, cependant !

Je passe le pont de Jargeau. Je le redoutais quelque peu mais la hauteur d’eau fait que c’est une formalité. Je vois sur la cale de Saint Denis-de-l’Hôtel un appel de phare, je pense que mon coéquipier est déjà revenu. En m’approchant je reconnais Nounours, cet ami discret sur lequel on peut toujours compter. Il a servi de chauffeur à mon camarade et nous l’attendons.

Je grignote deux petits palmiers en guise de repas du midi. Quand Georges arrive je repars, lui donnant rendez-vous à la Binette. Cette fois le vent me laisse du répit. Je profite d’une Loire haute, forte, belle et relativement calme. J’éprouve une certaine sérénité à avancer seul ainsi, perdu au milieu de cette immensité. Par prudence, je choisis une rive que je longe, ne cherchant pas à prendre le meilleur courant. Qu’importe, je profite du spectacle et de cette quiétude que m’octroie la rivière cet après-midi. Quel plaisir intense !

J’avance vite, je vole pourrais-je dire. Le paysage défile. Je croise un groupe de sept cygnes qui s’envolent à mon passage, ils n’ont pas l’air d’être Indiens. Tout va bien ! Déjà, la digue de La Binette se profile au loin. Je suis arrivé bien plus vite que je ne le pensais. Je vais devoir attendre qu’on vienne me chercher !

Je vais attendre longuement, très longuement. Sottement, je me suis délesté de mon ordinateur et je passe ce temps vide à essayer de dormir un peu, vainement. Je vais ainsi attendre deux heures trente avant de trouver Chantal qui passait par là au cas où … J’en suis ravi. Quant à Georges, au bord de l’épuisement, il a sombré dans une longue sieste. Je ne peux lui en vouloir ; sa mine m’inquiète même : il est aphone et malade.

C’est ainsi qu’il rentre chez lui pour aller se coucher. La soirée à Bou se fera sans lui. C’est pourtant une vingtaine d’amis qui viendront partager le repas et les nombreuses bouteilles. Quel beau moment de convivialité à l’initiative de Chantal et Jean-Jacques ! Je dis deux ou trois sornettes tout en passant bien plus de temps à raconter notre début de périple.

Je vais dormir chez moi : une nécessité pour refaire le plein de linge propre. Un peu de confort ne saurait nuire à la suite du périple. Que les puristes du voyage pardonnent cette entorse à la déontologie du routard. J’ai encore un long programme devant moi. Bonne nuit les terriens, l’aventure continue.

Rechargement vôtre.

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Photographies tirées des archives de Alain Pavard-Doisneau

 



2 réactions


  • juluch juluch 23 mai 2016 12:56

    Vous en tout cas c’est la forme.....vous en aurez fait des rencontres dans ce voyage qui n’est pas terminé....


    toujours là pour vous suivre !
     smiley

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