Sur le pied de naguère
L'auparavant des souffleurs de vent…
Il était une fois, de bien plus loin qu'autrefois un avant au-delà d'auparavant dans un jadis d'une mémoire en abysse. C'est de cet ailleurs, fait de jours bien meilleurs qu'ils songent à vous prendre par le cœur à la condition que pour un bref instant ou encore plus longtemps, vous acceptiez de leur prêter vos oreilles.
Étrange prétention que de réclamer votre attention et pas seulement votre écoute, entendre ne leur suffit pas, ils espèrent que vous leur ferez le don merveilleux de votre compréhension. Pour eux, les mots ne sont pas toile de fond tandis que la musique couvre insidieusement leur murmure, ils gonflent la grand-voile qui vous conduira au royaume de naguère.
Que le vent nous vienne d'Armorique ou bien de la Lorraine, c'est avec leurs gros sabots qu'ils vous invitent à les suivre dans un voyage fluvial qui fera le gros au gré des turbulences. C'est au grain qu'on reconnaît le marin, que ce grain fut de sable ou de tabac. Ils en mettront un coup pour souquer ferme et vous mener à bon port au terme d'un curieux voyage.
Ne prenez pas la peine de faire des manières, ce ne sont que des gueux partis sans un bagage. S'ils vous enchantent, ce sera de contes et chansons dits à la cantonade sans se soucier des modes et de l'air du temps. Le vent, qu'il soit de travers ou bien en poupe les gonflera de cet orgueil que se permettent les artisans, fiers de l'ouvrage bien fait.
D'ailleurs ils vous en apportent la preuve en vous accordant quelques extraits de leurs productions respectives. La rime avec eux a des raisons que la déraison ignore au point d'en perdre la tête. À vous de venir accoster près d'eux, d'ouvrir grandes vos écoutilles sans vous préoccuper de la foule impavide qui passera son chemin.
Quand on est marinier
Quand on est marinier
on l’est pas pour de faux
On vit sur un bateau
et le bateau on l’a dans la peau.
Quand on a cette vie là
on ne la lâche pas comme ça,
Ça nous tient, ça nous prend,
quand on a ça dans le sang.
Moi j’ai connu des mariniers,
qui en ont bavé pendant des années
A courir après le chargement
pour nourrir femmes et enfants.
Ils travaillaient seize heures par jour,
au fret faut pas louper son tour
Surtout quand on est artisan,
le temps c’est aussi de l’argent.
Où vas-tu marinier ?
Où vas-tu marinier
En si bel équipage ?
Où vas-tu naviguer
Loin de ce beau rivage ?
Toi qui as mariné
Depuis ton plus jeune âge
Rêvais à d'autres quais
Pour poser tes amarres
Je vais bien loin d'ici
Dans des pays nouveaux
Ces belles colonies
Loin de nos vieux chapeaux
J'embarquerai à Nantes
Je laisse notre Loire
Pour de nouvelles amantes
Et grandes histoires
Fugue de nuit de la Gaillarde
Pour naviguer sur la Loire
On a construit une gabare
Un fier et joli bateau
Pour flâner au fil de l'eau
La piautre, le mât et la voile
Quatre-vingt-dix mètres de toile
Sur la rivière quelle allure
Bâbord ou tribord amure
Mais une nuit un équipage
De crétins, je l’dis sans ambages
A déflorer son honneur
L'envoyant faire voile ailleurs
On a coupé ses amarres
Profitant du vent de mare
Qui étouffait tous les bruits
Dans la pénombre et la pluie
...
La barque pleine
C'est la barque de mon tonton
Qui dès l'aube jusqu'au soir
Prend son cap mais tourne en rond
Ramer c'est toute une histoire
Fin pécheur d'vant l'Eternel
Ne vaut pas bon moussaillon
Et le bouchon d’la bouteille
Ne garantit pas l’Chinon
Garde un œil sur le flot
L'autre sur le tonneau