mercredi 19 février 2020 - par C’est Nabum

Un radeau sur la banquise

Pour briser la glace.

JPEG Nous sommes en 990, l’hiver avait été si rude cette année-là que la Loire toute entière fut prise par les glaces. L’embâcle car c’est ainsi qu’on nomme ce phénomène avait constitué sur le lit de la rivière une couche si épaisse de glace que les hommes pouvaient y aller librement, sans le moindre risque pour leur personne.

L’histoire que nous rapportent les moines de l’abbaye de Micy est quant à elle empreinte d’un peu d’exagération. Si le mensonge est un pêché, il convient cependant d’en abuser dès qu’on veut édifier le bon peuple. Pardonnons leur ces quelques abus qui nous permettent de vous narrer ici une aventure à peine croyable.

En dépit du fracas et du désordre que provoquent les eaux d’une rivière quand elles sont prises par la glace, alentour d’Orléans, la surface des eaux gelées était parfaitement lisse au point que les charrois pouvaient d’après nos chers chroniqueurs aller eux aussi sur ce chemin glissant. Passons sous silence les moyens adoptés pour éviter aux chevaux de glisser, nous pouvons bien nous satisfaire de la parole des témoins de l’époque puisqu’ils étaient bons bénédictins ayant foi dans tous les miracles de Saint Mesmin et de ses collègues bien heureux.

Ainsi donc nous devons prendre pour parole d’évangile la fable qui veut que deux serfs de Saint Marceau, deux frères qui avaient décidé de traverser la Loire gelée en équipage pour porter dans la grande ville des choux pour l’un et de la paille destinée aux bouchers de la cité pour l’autre. Le charroi était lourdement chargé quand ils évitèrent ainsi l’octroi du pont des tourelles.

C’est au milieu de la banquise que se produisit un incident terrible qui glaça d’effroi les témoins. Le glaçon sur lequel leur convoi passa se détacha de ses homologues et s’en alla à la dérive avec pour seuls passagers les deux frères pétrifiés d’angoisse. Leur radeau d’infortune fut embarqué soudainement par un flot violent et tumultueux, l’embâcle avait choisi son heure qui risquait d’être la dernière pour ces deux malheureux.

Une foule immense en dépit des conditions climatiques rudes se pressa sur le rivage pour assister, impuissante, à la dérive des deux frères. Ils allaient vers une mort certaine, les eaux particulièrement froides et tumultueuses, chargées de débris divers ne permettaient pas une échappatoire par les flots d’autant que ces culs terreux ne savaient pas nager.

Les deux naufragés ne pouvaient compter que sur la divine providence ce que fit d’ailleurs le marchand de choux. Leur radeau de glace arrivant devant le monastère de Micy, l’homme fut pris d’une ferveur chrétienne. Il s’agenouilla sur la glace et pria le maître des cieux de leur accorder la protection du brave Saint Mesmin, le vainqueur du dragon.

Le seigneur touché par sa requête réalisa un miracle. Le glaçon se brisa en deux et la moitié où se trouvait le maraîcher fut projeté sur la rive juste devant le monastère. Le miraculé se précipita dans la chapelle pour implorer le Saint patron de l’endroit d’intercéder désormais pour le salut de son frère.

C’est devant l’église de Saint André que sa prière fut exhaussée. La seconde moitié de la banquise se dirigea vers la rive et le marchand de paille se retrouva sur la terre ferme. En dépit de ses sabots de bois, l’homme se mit à courir comme s’il avait le feu aux fesses par ce temps glacial, pour rejoindre dans la chapelle du monastère son frère. Ils tombèrent tous deux dans les bras l’un de l’autre, échangeant des larmes et des prières sous le regard émerveillé des moines tous plongés en prières d’action de grâce devant ce miracle.

Le récit fut promptement couché sur le parchemin par un des moines dans le scriptorium de l’abbaye. C’est ainsi que cette merveilleuse aventure arriva jusqu’à nous. Il est dit également que les deux frères vécurent longtemps et ne manquèrent jamais le jour anniversaire de ce miracle, de porter des offrandes à l’abbaye de Micy en dépit des lourdes pertes qu’ils avaient eu à subir. Vous trouverez cet épisode dans le livre des miracles de Letald, c’est vous dire que je tiens cet épisode ligérien pour authentique.

Miraculeusement leur.



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