samedi 25 mai - par C’est Nabum

Un rhum bien arrangé

 

Le capitaine au nom de fée…

 

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Il est des héros comme des renégats : la notoriété choisit l'avers en oubliant le revers moins brillant du personnage pour les premiers alors qu'il en va à l'exact contraire pour les seconds. Gloire et déshonneur sont ainsi les deux faces d'une même pièce. Les uns sauvent la face tandis que le mauvais sort accable les autres tandis que l’opprobre rejaillit sur leur mémoire.

Un certain Henry Morgan eut pu tout aussi bien être classé dans le registre noir des rebuts de la société, des détritus de l'histoire, des monstres et des canailles. Il l'était mais le destin a choisi l'amnésie ou l’amnistie pour toutes ces fautes afin de l'élever au rang de gloire mondiale et de paradigme de la réussite. Suivons donc ses pas en se pinçant les narines…

Mais n'allons pas trop vite en besogne et laissons le temps au jeune Henry de semer sa gourme. Né au Pays de Galles en 1635, le petit Henry est selon les sources, le fils d'un châtelain né avec une cuillère en argent dans la bouche ou bien celui d'un simple laboureur sans éducation. La légende s'empare de lui pour semer le trouble sur un passé propre à laisser place à toutes les hypothèses.

Quelle sera sa jeunesse ? Le flou demeure sans que l'homme s’épanchât sur cette période. Toujours est-il qu'il met les pieds sur un pont de la flotte de sa gracieuse majesté pour tourmenter les Espagnols en se faisant Corsaire. Ses succès le poussent à vouloir voler de ses propres ailes en quittant la fonction publique anglaise au profit d'une profession libérale bien plus lucrative : celle de Pirate.

Il penche naturellement pour les Caraïbes afin d'exprimer au mieux son sens du spectacle et des effets spéciaux. Il ne lésine nullement sur l'usage de l'hémoglobine pour semer son passage de cadavres et d'effrois. Une bonne réputation suppose de laisser des traces qui frappent les esprits. Il s’y emploie à merveille se faisant un nom chez les frères de la Côte.

Cependant, ses déboires sur l'eau n'en font pas un marin d'exception. Il renonce bien vite à cette boisson, plongeant avec délectation dans un alcoolisme qui fera sa réputation du côté du Rhum dont une marque a repris son nom. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard puisque ces exactions auront lieu sur la terre ferme, le pirate se faisant volontiers soudard pour emporter des cités portuaires.

Sa réputation enfle en proportion de ces gains colossaux au point où le roi lui-même sent ternir sa proche image. Il convient de mettre à la raison ces maudits pirates en leur demandant de choisir entre la corde ou la délation. En bon héros des temps modernes notre lascar n'hésite pas un seul instant : il se ferait renégat !

Son choix sera largement payant puisque nous seulement il garde la vie sauve en contrepartie de celles de quelques anciens collègues mais qui plus est il entre dans la politique, un monde aussi interlope que le sien. Il devient gouverneur de la Jamaïque sans jamais avoir fait de bobsleigh. Sa seule descente se fera toujours dans sa gueule en pente.

Il possède alors deux vastes plantations de cannes à sucre, histoire une fois encore de briller par un humanisme forcené. Son nom restera dans la légende se parant d'un parfum ambré qui fait bien peu de cas de la triste réalité du personnage. Nulle bonne fée n'a pu sauver une âme qui s'est noyée dans le stupre et la prévarication. Seul un rhum arrangé peut honorer comme il se doit cette outre prétentieuse qui finit son existence souffrant abominablement d'œdème par la faute d'un alcoolisme sévère.

Pour bien illustrer que ce fut un imposteur, la marque de rhum qui porte son nom est fabriquée à Porto-Rico et non à la Jamaïque. Clin d'œil de l'histoire assez amusant pour celui qui n'avait ni patrie ni morale.



14 réactions


  • Sirius Sirius 25 mai 15:19

    C’est un peu comme la famille Kennedy : Joseph Patrick, le père de celui qui a été président de la république étasunienne était un escroc, chef de la mafia irlandaise, coureur de jupons notoire, qui, outre le trafic d’alcool pendant la prohibition, a fait fortune en achetant en masse un titre pour faire gonfler son cours pour le revendre avant l’éclatement de la bulle, une pratique en partie de la responsabilité du krach de 1929, le point de départ de la Grande Dépression, avant d’être nommé premier président de la Securities and Exchange Commission (SEC), le « gendarme » des marchés financiers, par Roosevelt qui a dit quand on lui a reproché d’avoir introduit un renard dans le poulailler : « Take one to catch one » (adoptez-en un pour en attraper un).

    La suite fait partie de l’histoire avec un grand H : la méthode de Roosevelt n’a fait que s’accroitre et s’amplifier auw mains des héritiers d’un bandit de grands chemins dont l’un a été dézingué par une mafia concurrente dont le parrain a été lui aussi prédisent du même pays. Mais chuttt, il ne faut pas le dire.

    Les corsaires et les pirates ne sont pas les seuls à montrer plusieurs facettes.


  • sylviadandrieux 25 mai 16:07

    Je ne connaissais pas ce genre de rhum. Henry Morgan avait l’air d’un si sympathique garçon que l’on en a fait un rhum, de son patronyme.

    Il n’y a que la canaille dont on veut se souvenir. 


  • juluch juluch 25 mai 18:46

    les grands Nom sont souvent issues de la rapine et de la violence....


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