mardi 19 février 2013 - par Dancharr

Une retraite pour la vie

C’est mathématique. Après les complémentaires, ils s’attaquent à la principale, bien forcés, eux qui seront les derniers à trinquer. Il faut s’y résigner, mais le pire est pour demain disent les pessimistes, pour après demain disent les optimistes, quand un actif s’occupera de 10 centenaires et que le nouvel emprunt servira seulement l’intérêt des anciens. Il ne restera que les yeux pour pleurer, la soupe populaire pour manger, une corde pour se pendre.

À moins que… quoi ? dites-vous avec une petite angoisse en regardant le fiston, la bambina et un vague espoir en attendant la suite ! Relax, pas d’affolement, c’est de la fiction, du mauvais cinéma, du Scream à la corbeille, comme d’habitude. Ça n’arrivera jamais. Mais, surtout, j’ai la solution : la rente perpétuelle. Un héritage des anciens temps, gagé sur des valeurs éternelles. Leurs avantages vous mettront en appétit :

  • Jouissance immédiate, dès la prise de conscience ;
  • Vente libre ;
  • Pas de quotas ;
  • Pas d’intermédiaire, de commission, de frais de garde, de frais de port, d’impôt ;
  • Les dividendes sont payés en nature, au fur et à la mesure des besoins ;
  • Et, surtout, c’est gratuit, c’est cadeau.

Les cramponnés à leur bas de laine, à leurs bons du trésor, au livret A, B, C, les fanatiques du CAC 40 qui roulent en Citron chaussé de Michelin, qui carburent au Total, se saoulent au Pernod, digèrent du Danone, se garent chez Vinci, pas de souci, c’est compatible. Mais attention au krach, s’en dégager avant l’écroulement de la Baliverna, enfin, c’est vous qui voyez.

Vous trépignez, vous vous attendez au mieux. Ouvrez vos yeux, il arrive avec :

L’air pur

Ce mélange gazeux ne supporte pas la médiocrité. Sa consommation est permanente. Il alimente le sang en oxygène, ce gaz de la vie. Son absence est mortelle. L’air est de première nécessité, d’où sa place en tête de gondole. Je m’intéresse à sa qualité extra : l’air pur. Le cahier des charges est sévère. Son prélèvement se fait dans un environnement vierge de toutes émissions de gaz nuisibles : oxyde de carbone, hydrogène sulfuré, oxydes d’azote, vapeurs suffocantes, même les gaz rares doivent respecter leur quota. Les gaz anesthésiques, capables d’endormir la vigilance et l’esprit critique, sont prohibés.

Les fauteurs d’air vicié sont éliminés : seules les voitures électriques sont admises dans l’enceinte. Les fumeurs, les individus souffrant de mauvaise haleine sont interdits de séjour, les pétomanes priés d’aller jouer de leur musique ailleurs.

AIR PUR doit être le pilier de votre portefeuille. Il lui donnera du souffle, de la force.

L’eau de source

Autre valeur vitale, l’eau est un besoin, une nécessité, un devoir à rendre à votre rein droit mais aussi, et même un UMP doit le savoir, à votre rein gauche. Il y va de votre santé. L’eau doit être pure : ni nitratée, ni mazoutée. Le plus sûr est qu’elle soit de source. La ressource est épuisable car la consommation augmente. La denrée devient rare. L’offre réussit à équilibrer la demande car les sourciers s’activent. Heureusement, le coudrier est un arbre qui pousse bien, brûle mal.

Attention, ne confondez-pas, je parle de l’eau de source sauvage. Rien à voir avec l’eau du robinet parfumée à la javel, l’eau du puits enrichie en nitrates et surtout de son ersatz, l’eau dite de source estampillée Danone, Nestlé. Captive dans sa bouteille de polypropylène, vendue très cher pour payer la pub, c’est une eau en conserve. Pitié pour elle, ne soyez pas complice. Faites un effort, oubliez l’eau embouteillée, sortez des sentiers battus, lancez-vous à la découverte de sources inconnues, jouez au sourcier des eaux nouvelles.

La ligne d’horizon

Le type même de la valeur tranquille. Sa stabilité est incomparable. Elle suit tous les mouvements de son heureux propriétaire. Vous avancez, elle avance. Vous reculez, elle recule. Je la conseille aux paralysés, aux immobiles, aux sédentaires, plus généralement à ceux qui veulent garder leurs économies en l’état et ne pas prendre de risques.

Le clair de lune.

La valeur cyclique par définition et sans surprise. Avec elle, on sait quand elle sera à son zénith, quand l’éclipse aura lieu et que son cours remontera. Son sommet reste la pleine lune. C’est un moment de majesté où sa plénitude éclaire le monde de sa lumière bleutée qu’aucun peintre n’a jamais pu saisir. C’est son heure de gloire et la raison de ma sélection. Sur les conseils du psychiatre qui me suit, je la recommande aux cyclothymiques. Leur humeur suivra ses phases. Ils seront enfin en harmonie avec le monde. C’est donc une valeur thérapeutique, recommandée par les meilleures facultés. Ceux dont la vue est fragile, qui, les nuits quand elle est pleine portent des lunettes de lune, préféreront, pour ne pas s’éblouir, le clair de l’un de ses croissants. Il y en a de toutes les dimensions et donc pour tous les goûts.

Le ciel étoilé.

La valeur est sélective et ne peut être proposée qu’à une clientèle très précise. CIEL ÉTOILÉ n’intéressera que des personnalités éprises d’infini et qui ne sont pas rebutées par les questions, primordiales. Elles ne doivent pas non plus être sujettes au vertige du vide sidéral. Cette peur se guérit facilement si l’on prend la peine de s’informer. Le vide n’est que relatif car rempli d’une foule de corpuscules en tous genres, très agités. Il y a même, trop loin pour être dangereuse, de l’antimatière qui renvoie au néant tout ce qui n’est pas de sa chapelle. CIEL ÉTOILÉ est présenté aux croyants intégristes sous l’appellation de VOÛTE CÉLESTE. Le produit est le même. Il s’agit seulement de s’adapter à une clientèle qui n’a pas complètement assimilé la découverte de Galilée.

CIEL ÉTOILÉ est très dépendant de la qualité du ciel. L’acheteur ne doit pas habiter sous le vent des tours de refroidissement d’une centrale nucléaire ou dans le voisinage d’un complexe pétrochimique. Il convient, pour profiter au mieux de l’action, d’aller bivouaquer dans une zone semi désertique d’un pays sec et où les cheminées n’ont pas droit de cité. Tamanrasset est la ville idéale. A cette condition CIEL ÉTOILÉ peut être acquis en toute sérénité. Mais n’oubliez pas : valeur sensible au dépaysement.

Le temps qui passe

Il ne s’agit pas du bon vieux temps ni du beau ou mauvais temps. Le premier ne reviendra pas et heureusement si on en croit les archives qui s’ouvrent enfin. Les autres sont trop capricieux pour être retenus. Le temps qui nous intéresse n’est donc pas celui supposé bon d’hier ni celui changeant d’aujourd’hui mais le temps qui passe, sans début ni fin prévisible. Dans ce temps-là, le Big Bang n’a été qu’un coup de tonnerre dans son éternité. Ce temps est, comme l’espace, son complice avec lequel certains le confondent, une valeur infinie qui, en plus, a la chance d’être éternelle. Elle ne se déprécie pas. Quelle autre valeur peut se targuer d’une telle qualité ? Immuable, elle laisse les autres traîner au fil de son courant. En vieillissant, on a l’impression qu’il accélère, pressé d’en finir. Le temps est propice aux illusions de perception. Il faut le savoir pour l’apprécier à sa juste vitesse. Sa faiblesse est là : le temps se transmet difficilement. Pour chacun, il a un terme et les pendules y sont remises à zéro. Je conseille à mes amis en grand âge de ne pas tarder à s’en débarrasser. Pour me résumer, LE TEMPS QUI PASSE vieillit mal. À acquérir et à consommer quand on est jeune.

L’espace

L’ESPACE est une valeur piège. Il convient de l’aborder avec précaution. Seuls les adeptes du saut à l’élastique, du parachutisme sans parachute, du patin à glace sur un iceberg à la dérive dans les 40èmes rugissantes peuvent s’y risquer avec profit.

Sur terre, l’espace est limité par les murs, les barrières, les frontières, les champs de mines, les interdictions de stationner, de circuler, etc. Le ciel est certes un espace visible avec une limite qui va loin mais il est inaccessible car la pesanteur nous colle au sol. Pour y voyager, voyez les boîtes en fer blanc où on s’entasse pour courir le risque d’en tomber et de se faire mal.

L’espace est donc une illusion, un mirage dans certains endroits. Des escrocs vous proposeront des vues imprenables, des panoramas à couper le souffle. Méfiez vous. Notre espace est limité. Il se rétrécit même. La mer monte, la terre descend et il y a de plus en plus de monde. Si vous faites partie de ceux qui n’ont peur de rien, embarquez plutôt sur la prochaine fusée pour Saturne.

Si, difficile, votre bonheur n’est pas dans cette liste, vous le trouverez ailleurs. Épicure et bien d’autres vous conseilleront. Leurs valeurs sont recommandables. Vous pourrez les cultiver de façon intensive pour remplir votre retraite éborgnée.

Les bonheurs simples sont les plus accessibles : une gorgée de bière pour ceux qui l’aiment, mais ce peut être un clin d’œil, un coucher de soleil ou, si vous êtes un lève-tôt, un beau lever en regardant vers l’Est, une bonne fortune fortuite, une petite brise, une grosse vague si vous êtes surfeur, du froid quand il fait trop chaud, du chaud quand on a froid. En insistant vous en trouverez plein d’autres.

Les bonnes idées qui font les belles pensées donnent des bonheurs plus sophistiqués. Ils demanderont des sacrifices. D’abord, gagner du temps en ne le perdant plus à regarder monsieur Arthur, la famille Drucker, les cadavres des Experts, de Dexter, de Bones. Puis, en réapprenant à lire pour savoir ce que les livres ont à vous dire. Cette caverne d’Ali-Baba est à chercher sur les rayons des bibliothèques et dans les médiathèques. Et puis, entre deux promenades, deux rêves, deux lectures, vous aurez une petite faim. Plutôt que de remplir votre caddie de cochonneries surgelées toutes préparées, à réchauffer, apprenez à cuisiner, à mijoter des bons petits plats avec de bons produits, sans pesticides, achetés pas loin de chez vous. Vous économiserez dans le pharmacien, le chirurgien, éviterez l’obésité, le cancer, l’hypertension, l’infarctus, vous n’aurez pas perdu votre temps, vous éviterez des grands malheurs remplis de douleurs. Les valeurs que vous aurez ajoutées à votre troisième âge compenseront la baisse de revenus. Comprenne qui voudra !

 



9 réactions


  • alinea Alinea 19 février 2013 17:37

    Je suis parée alors ! J’espère tout de même ne pas devenir centenaire, oh la la ; sauf à regarder la lune, être surprise par ce que j’attends, et couler de douces soirées printanières sur mon fauteuil roulant ; mais ça ne fera pas tout. Il y a tout le reste, le corps qui se vrille ou part en vrac...
    Faut-il être pauvre pour être riche de tout ça ? Peut-être, peut-être pas ; pour lire il faut des yeux, j’espère que je garderai les miens jusqu’au bout..
    Bientôt la pleine lune ; elle est belle entre les quartiers, c’est vrai ; je l’aime énormément.. et le vent
    Merci pour ce voyage sans tambours ni trompettes, sans horaires qui nous stressent, sans destination qui nous perdent à coup sûr..
    Ce qui est donné à tous semble être dédaigné par les concurrents ; tant pis pour eux !


    • Dancharr 19 février 2013 20:17

      Alinea,

      Mes valeurs boursières sont sur le marché depuis toujours et je vois que vous les avez dénichées sans m’attendre. Il faut savoir seulement quelles sont les vraies richesses. Les vôtres sont à rendre jalouse l’héritière la plus riche. J’espère votre exemple contagieux, sinon, tant pis pour eux. On aura essayé.


  • In Bruges In Bruges 20 février 2013 09:33

    Mouais, d’amour et d ’eau fraiche, en quelque sorte.
    Mais les zamours sont mortes et l’eau du robinet pue le chlore.
    Alors quoi ?
    Et puis la vraie question, c’est : « est-ce que c’est dans cette vie-là que l’on paie ? ».
    Non ?


    • Dancharr 20 février 2013 11:07

      In Bruges mais surtout dans la lune. Revoyez ma copie : c’est gratuit, rien à payer, même après. Pour vos zamours : s’ils sont morts, tant pis pour eux, il y en a plein de vivants.

      Quant au robinet, on est bien d’accord : fermez-le et allez boire ailleurs.

      C’est pas une bonne réponse ?


    • In Bruges In Bruges 20 février 2013 11:37

      OK, OK. Je vois que vous avez un cellier, le mieux serait peut étre que l’on descende se sâouler à la cave.
      Mais je vois aussi en remontant dans le passé et votre blog que vous étiez médecin.
      Conventionné ? Parce que niveau conventions convenues, admettez que cet article devrait étre remboursé par la Sécurité Sociale, non ?
      Passez une bonne journée.


  • velosolex velosolex 20 février 2013 12:48

    Très bon article, plein d’humour et d’invention, ce qui nous change de l’air ambiant.
    Il faut en effet apprendre à changer le plomb en or si on veut s’en sortir.

    Je me permettrais de rebondir, sur l’eau des sources, et d’apporter ma petite contribution

    Une source en pleine forêt, que seuls les initiés connaissent. Vous savez, celle où Lancelot a sorti l’épée du rocher ! Nous y allons de préférence en semaine, pour éviter d’avoir trop à attendre. Il n’est pas rare qu’il y est déjà deux ou trois personnes remplissant déjà leurs bidons. Je ne sais combien de temps encore cette fontaine restera ouvert aux amateurs.

    En ces temps de contrôle et de sécurité, il ne serait pas étonnant qu’un inquisiteur à casquette installe des grilles autour de la fontaine, d’un air satisfait. Déjà, de temps en temps, des avis placardés sur les arbres, nous signalent que nous buvons cette eau à nos risques et périls.

    Des milliers et des milliers de personnes sont venus se rafraîchir à cette fontaine. Je suis persuadé qu’elle existait en des temps immémoriaux, et que Vercingétorix a trempé ses nattes dans la fontaine, pour boire un coup, avant de remonter sur son cheval, et filer à Gergovie, mettre une rouste aux armées de César.

    Mais pourquoi ne s’est il pas arrêté avant de filer à Alesia ?

    J’aime à imaginer les druides ramassant leur gui et leur buis dans les arbres autour, et des elfes et des fées cachées à nous espionner. Ou plutôt des gourgandines faisant des signes et des clins d’œil obscènes, invitant les étrangers à les rejoindre derrière les rochers !. Tant qu’à rêver, pourquoi se gêner ?Vous ne paierez pas plus cher pour obtenir une jolie fille, plutôt qu’un vieux barbu au regard sombre !

    D’ailleurs, bien construites, ces visions améliorent d’autant le goût de l’eau de Camors.

     

     Ce nom de Camors évoque les anciens dieux et la vieille langue qui se perd. Les choses et les êtres, sont bien sûr embellis par tous les mystères, et il faut bien se garder de les mettre à jour !

    C’est vraiment un lieu magique. Allez-y, vous y ferez des rencontres ! Des gens bien plus étonnants que la plupart des soiffards qui hantent les bistrots !

    Ce sont des habitués. Pourtant nous ne croisons jamais ici les mêmes personnes. Ils varient selon un rite et un calendrier précis, lié à l’épuisement de leur réserve en eau.

     Cette source coule par deux buses métalliques, située à un mètre du sol. Si bien qu’on peut se tenir à deux, à remplir ses bouteilles. 

    Les relations des gens seraient bien plus faciles, s’il existait partout ce genre de disposition. Pourquoi ne pas équiper ainsi les autobus, les avions et les rames de métro ?

     Des fontaines partout, pour un monde meilleur !

    L’eau ne fait pas que remplir vos bouteilles, ou se répandre un peu partout autour de vous. Elle vous envahit. Certains ne se rendent pas compte de ce genre de choses. Pour la même raison qu’ils ne s’aperçoivent pas qu’on peut s’envoler facilement au dessus des collines, avec un simple vélo sans vitesse ni guidon de course, ou sauter par-dessus les maisons !

    Ce sont des gens secs, du bout des pieds jusqu’au sommet de la tête. Leur corps ressemble au désert du Kalahari, et leurs rêves ne s’accouplent jamais dans l’eau des torrents avec ceux des autres. Ils boivent bien sûr, mais l’eau ne fait qu’effleurer leur corps, leur cours de vie, et rafraîchit tout juste les cailloux qu’ils ont dans la bouche.

    Généralement ils ne viennent pas ici, ou alors par mégarde, une fois, et n’y reviendront pas. Tout cela tient au magnétisme, ces choses que l’on explique pas, qui fait que les choses s’attirent ou se repoussent. 

     

    Il règne ici comme une retenue d’église ou de temple, quelque chose de très antique qui vous apaise. Alors on se rend compte de tout ce qu’on nous a volé, de tout ce qu’on a perdu !

     

     

    Ramenez-nous aux temps d’avant Jésus, ce grand plombier aux factures exorbitantes. Il est temps de se réveiller, de reprendre les armes !

    Pourquoi donc à t’on installé tous ces robinets dans les maisons, au lieu de venir ici, en toge romaine, à mater les vestales ?

    Il faut libérer l’eau, voilà l’évidence, la faire sortir des maisons, où ces foutus escrocs l’ont canalisée.

    Depuis cette mise en cage, et tous ces tuyaux de cuivre, le monde n’en finit pas de faire des barrages ! Sous le beau principe de progrès, on a détourné la parole de la bouche des gens, pour l’orienter vers le silence des maisons où elle se tarit et s’oxyde inexorablement, dans les postes de télé.

    C’est bien simple, si je n’étais pas si calme, je me mettrais en colère !

    Mais il n’y a rien à craindre, l’eau fait son office.

    Elle m’apaise, elle me dit « calme-toi, reste tranquille ! Bois un coup ça ira mieux ! »

    Et je me calme !

    Ecoutez l’eau ! Elle est toujours d’un bon conseil.

     

    Jamais je n’ai vu l’eau couler avec autant d’entrain que ce jour !

    Une buse d’écoulement est bouchée depuis quelques temps, et l’eau fraîche surgit du bassin, et nous inonde les pieds.

     C’est à peine si l’on parvient à tenir la bouteille de cinq litres, à deux mains, tant la pression est puissante.

    Heureusement, nous avons amené un petit tabouret en plastique, acheté précisément pour l’occasion. C’est un vieux paysan rencontré lors de notre dernière venue qui nous en a donné l’idée. Il était arrivé avant nous au volant de son camion, et s’était mis à remplir mille litres en jerricans divers.

    Voilà le genre de scénario qu’on peut redouter, avec une attente risquant de se prolonger jusqu’à la tombée de la nuit. Mais les gens qui viennent autour de cette fontaine sont forcément gentils, et vous font une place naturelle, vous laissant une des deux buses. C’est la qualité qui fait ça !

    Je suis sûr que si une bande de hell’s angels, débarquaient ici sur leurs bécanes, ils ressembleraient aux héros des albums de Babar.

    Faites confiance à l’eau. Elle transfigure !

     

    « Dites donc, on peut dire que vous ne venez pas là pour rien ! »

    C’est comme ça, ici. Les propos sont libres, aquatiques, entre les membres de la secte des remplisseurs. Nous baignons dans la même eau, où nos particules se dissolvent, et échangent des électrolytes et des choses de l’âme. Nous pourrions ne pas nous parler, et nous comprendre, mais nous parlons quand même, riches de notre bonhomie.

    « Depuis que je leur donne de l’eau de Camors, ils ne veulent boire d’autre ! »

    « Et qu’est ce que vous avez, comme animaux ? »

    « Oh, des chiens, des chats, des chevaux, et des canards ! Je leur ai donné une fois, et maintenant ils ne veulent rien d’autre ! »

    Ce sont là des propos si sages, qu’on les croirait presque extraits d’une publicité. Pourquoi en effet ne pas faire confiance à ses animaux ? Les bêtes auront déjà pris la poudre d’escampette, quand vous serez encore sur la jetée, avec votre paire de jumelles, sans vous apercevoir que cette grosse lame là bas, est un tsunami qui va vous emporter, vous et vos certitudes imbéciles, et votre téléphone portable !

    « Cela ne m’étonne, dis-je. Les animaux ne se trompent jamais ! »

     

    Notre paysan n’est pas là aujourd’hui. Nous sommes d’ailleurs seuls, du moins pendant quelques minutes, le temps de commencer à remplir nos bouteilles. Pas un jour depuis, sans que je pense aux canards ravis, s’ébrouant le bec dans cette bonne eau de Camors.

    Puis je pense à ses chevaux, et même aux chiens, lapant vigoureusement, comme le feraient les musiciens de Brème, dans cette petite maison où ils vécurent heureux jusqu’à leur fin naturelle. Ce sont des pensées constructives, utiles pour le corps et l’esprit, en un mot la santé.

    Mais déjà une voiture arrive. C’est une grosse berline, une Mercedes, et l’homme qui en descend, n’a pas de bottes en caoutchouc aux pieds, mais danse sur ses mocassins vernis pour éviter les flaques.

    Nous lui faisons une petite place en lui cédant une des deux buses.

    « Le verre, nous dit-il. Il n’y a que ça. Pas de risque de dégradation du glucynol, ou phénoglécinol, et des dérivés plastique ! »

    Il remplit des litres et des litres de bouteilles de jus d’orange. Cet homme s’est imposé une cure avant de venir ici.

    « On n’en aurait jamais assez, lui dis-je. On prend deux cent litres d’eau à chaque fois ! Les bouteilles d’un litre, ce n’est pas assez pratique pour nous. Mais question dégradation du plastique, on se prémunit en couvrant notre stock d’une couverture, afin d’éviter les effets de la photo synthèse ! »

     

    A quoi bon aller au bout du monde, pour faire des rencontres hypothétiques, d’apprendre des langues étrangères que vous ne maîtriserez jamais assez pour demander davantage qu’une direction, ou encore l’heure qu’il est.

    L’heure, elle avance à l’horloge à votre montre. Il est urgent de ne plus perdre son temps en vain.

    L’eau va devenir de plus en plus précieuse.

    Et les rapports des gens, en dehors, de plus en plus vains.

    C’est pourquoi il faut aller chercher de l’eau à la fontaine !

     

    Je ne sais pas si je me fais bien comprendre !


    • Dancharr 20 février 2013 13:20

      Votre eau de Camors a du corps et met du baume au cœur. C’est une claire fontaine comme on savait les chanter. Avec vous, elle a trouvé un chantre à sa mesure et à celle de sa générosité.


  • travelworld travelworld 20 février 2013 15:34

    Il y a des retraités qui ont déjà compris, ils sont partis en Thaïlande (par exemple) où la vie est 3 fois moins chère, c’est sans doute notre futur !!!


  • Ruut Ruut 20 février 2013 15:45

    L’eau potable étant privée, l’air une qualité non garantie dans le temps......


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