mardi 3 octobre 2017 - par C’est Nabum

Une si longue attente

La tête chamboulée et le cœur en patouille …

Le Festival s’est refermé, la parenthèse enchantée laisse à tous les acteurs un étrange sentiment, un vide considérable et une étrange nostalgie. Nous avons vécu, cinq jours durant dans un songe, une exaltation unique qui nous a transportés dans une autre époque. La Loire retrouvait son agitation d’autrefois quand Jean de La Fontaine avait déclaré : « Il y a autant de presse sur le quai d’Orléans que sur celui de Constantinople ! »

Ce fut encore le cas pendant ces cinq jours où 230 embarcations voguaient entre nos deux ponts devant au total 700 000 visiteurs selon la police et les organisateurs enfin d’accord. Loin des baraques à frites, l’incontournable préalable désormais à la fête populaire, le quai était habillé des métiers d’antan. Charpentiers navals s’employaient à construire des fûtreaux, des cordiers commettaient des bouts en chanvre tandis que le forgeron frappait l’enclume, le tailleur de pierre sculptait des personnages extraordinaires. Plus loin, les poissons étaient dans le fumoir, le pêcheur relevait son carrelet et le mateloteur tissait le chanvre avec talent.

Il y avait tant à voir, tant à comprendre, tant à sentir et tant à partager que la tête vous tournait tandis qu’un peu partout résonnaient des chants mariniers et que parfois, un conteur parvenait à se faire entendre dans le grand brouhaha. Les acteurs se réfugiaient sur leurs embarcations, jouissant du spectacle tout en se pensant redevenus les témoins d’une époque révolue.

Il y avait du bonheur dans l’air, du soleil à foison, du vin et de la bière pour que tournent les têtes et se délient les langues et l’étrange parfum des banquets en plein air. Des amours sont nées sur le canal, des barques rappelaient alors le temps des véritables guinguettes. Les enfants des écoles suivaient leurs maîtres, les yeux écarquillés devant autant de sollicitations dans un capharnaüm jovial et mouvant.

Le public attendait sagement la possibilité d’embarquer pour partager, l’espace d’une demi-heure, ce songe d’une Loire retrouvée. Ils furent ainsi des milliers à se dire qu’ils avaient franchi l’espace temps. La poésie des spectacles pyrotechniques ajouta encore à l’enchantement général. Le feu d’artifice du samedi soir fut un moment unique à jamais inoubliable.

Quand la parade finale se fut achevée, les acteurs durent se préparer à descendre de leur nuage. Il y avait des yeux rougis d’émotion. Chacun ne pouvant accepter de glisser le mot fin à cet exceptionnel moment que le festival de Loire avait mis en scène dans une chorégraphie parfaite. Comment se résoudre à retrouver la réalité et son quotidien contemporain ?

Durant quelques jours encore ils essayèrent de repousser cet abandon. Ils voulaient tous rester dans cette bulle onirique, cette douce illusion intemporelle, cette union de tous dans une communion autour de leur Dame Liger. Chacun a, bien sûr, sa manière propre d’aimer la Loire mais tous célébraient ici le même culte ancestral.

Puis l’évidence s’impose. La cérémonie est terminée, les images sont désormais des souvenirs précieux, merveilleux tout autant hélas, que de simples clichés qui ravivent toujours cette incroyable nostalgie d’un Festival unique. Il leur faut désormais attendre deux longues années pour avoir le bonheur de croire encore à l’impossible. Déjà l’impatience les gagne dans le désir impérieux d’abolir ce temps qui sera forcément trop long.

Le quai se vide doucement de tous ces bateaux venus, pour certains de très loin. Qu’il va sembler vide désormais ! Comment ne pas croire que ce ne fut qu’un rêve, qu’un songe éveillé qui ne reviendra jamais ? Les cœurs sont lourds, bien plus que les têtes encore. La fatigue accentue ce malaise latent, ce pincement incessant qui fait tourner en boucle la terrible vérité : « C’est fini ! »

Les photographies, les films ne feront rien à la langueur qui ne cicatrisera qu’au retour de cette fièvre qui désormais revient toutes les deux années sur les rives de notre rivière et de ses affluents. Ils se retrouveront ici où là, dans des fêtes, des rassemblements qui chercheront à réveiller la flamme. Le Festival de Loire est une maladie incurable, il faut s’y résigner.

Nostalgiquement sien.



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