Vin chaud et marché de Noël !
La foire à gogos !
La magie du commerce …
Je me souviens des vins chauds que nous trouvions dans les buvettes des stades. A l'époque, ce genre de boissons ne subsistait plus que dans quelques villages, dans les quelques régions encore à l'écart de cette modernité qui refusait délibérément tous les archaïsme de nos grands-parents. Seuls les hommes portant casquette à carreaux vissée sur la tête, osaient encore ce breuvage d'un autre temps.
En ce temps-là, il ne faisait pas bon réclamer un vin chaud dans un bar flambant neuf. On vous y regardait au mieux, avec condescendance, au pire, avec un mépris teinté d'ironie. Le vin chaud sentait la ruralité à plein nez, le passé qui n'arrivait pas à s'effacer, le mauvais goût des derniers buveurs de vin étoilé, la tisane des grands-mères et la vinasse des comptoirs.
C'était un temps où l'on ignorait tout des marchés de Noël, cette incroyable poussée du modernisme consumériste. C'était encore une époque où les rues résonnaient de quelques chansons de circonstance ; Tino Rossi sévissait encore et les commerçants de nos villes distribuaient des tickets de loterie. On dépensait dans son quartier et il n'était nul besoin de chalets en bois multicolores pour nous rappeler la venue toute proche de la belle magiede la nativité …
Puis une vague nous est venue de l'est, de Strasbourg, plus précisément. La mode, cette merveilleuse célébration de l'imitation et du conformisme, a déclaré de nécessité publique, l'édification des chalets marchands dans tous nos centres villes. De la couleur et des babioles made in china, des odeurs et des produits douteux de l'industrie agro-alimentaire, de l'artisanat de pacotille avec des itinérants du bijou ou de l'œuvre d'art illusoire.
Ce fut la grande plongée dans ce monde factice, piège à gogos, invitation à la fièvre acheteuse. Il fallait pousser les clients à la déraison ; les a ttractions firent leur apparition. La patinoire artificielle fut la première étape de ce merveilleux monde frigorifié. Puis la grande roue prit le relais pour atteindre les sommets du ridicule.
Pour s'appuyer sur le poids d'une tradition et offrir une dépense raisonnable au client de passage, le vin chaud est revenu en force. Devenu la boisson à la mode hivernale, il a retrouvé son prestige d'antan. Dans certains endroits, on se dispute même le droit de le vendre car il est la garantie d'un bénéfice juteux, pour peu qu'on se trouve à la bonne place. Certains se livrent même à quelques négociations souterraines pour obtenir ce nouveau privilège …
Mais qu'est-il donc devenu notre vin chaud maison ? À de rares exceptions, c'est le même produit standardisé qui vous est proposé dans toutes les échoppes. Caractérisé par une saveur médiocre, un équilibre plus ou moins judicieux des épices et des saveurs, pour ne choquer personne, c'est un ersatz de cette merveilleuse boisson d'antan où vous pouviez trouver le pire ou bien le sublime. Tout est aseptisé, préfabriqué par les inévitables officines de la vente en gros et de l'hygiénisme conquérant.
Quand il se trouve encore une confrérie capable de confectionner elle-même sa potion magique, de vilains accords la relèguent à l'écart de la foule, pour ne pas faire de tort aux marchands du temple. La magie de la fête passe toujours par des accords incertains ou des passe-droits honteux. Le marché de Noël est souvent l'illustration des postures de cour. On devine que telle association bénéficie des faveurs du Prince quand d'autres sont écartées sans ménagement. Certains privilégiés ont droit à la gratuité quand d'autres, mal venus, sont taxés comme au coin du bois.
Je n'aime pas ce monde qui persiste à nous faire croire que ce système est merveilleux. La crise, il ne faut pas la voir surtout, la pauvreté doit être reléguée bien loin de nos centres villes car ceux-ci sont dédiés, sans vergogne ni pudeur, au Dieu commerce. Les marchés de Noël sont le dernier avatar de notre indignité, de notre folie dépensière. C'est la fuite en avant vers une indigestion de choses inutiles, un étalage de verroteries et de confiseries artificielles. Ça dégouline de bonnes intentions trompeuses, de lumières clinquantes qui habillent le vide sidéral de cette ignominie ! Tournez manèges, buvez votre tisane insipide, participez à cette mascarade honteuse si cela vous chante. Ce sera sans moi !
Aromatiquement leur.