vendredi 18 février 2022 - par Alain Dussort

Adorations

Christophe d'halivillée a publié récemment Adorations (164 pages) aux éditions l'une/l'autre SENS&TONKA&CIE.

Cinéaste, réalisateur et écrivain, il s'est fait particulièrement connaître avec Ceux des fast food (1999), un documentaire sur les étudiants qui travaillent dans la restauration rapide.

Adorations est un vortex littéraire ponctué de virgules mais avec peu de points.

Cela fonctionne très bien.

Mickey {JPEG} Alba Decour est décédée, mère de nombreux enfants qui se déchirent pour récupérer sa fortune et la grande maison nommée l'Age d'or, où ils se retrouvent tous avec des adeptes pour un karaoké commémoratif Ahou ! Ahou !.

Alba était une artiste qui organisait des Actions de Passion de Masse (APM).

En tant qu'artiste, disait-elle, j'ai besoin d'habiter un désert, un territoire radicalement inhospitalier, à l'écart des métropoles, Lisieux est un concentré de l'esprit borné de la province française, la langue dominante est le ragot FaceBook, y règne la jalousie, la haine et le mépris de classe portés à l'incandescence, les groupes sociaux sont hermétiquement compartimentés, les riches vivent dans un rapport colonial avec les gens de la périphérie, sinon la weltanschauung est structurée par le porno et le foot, règne un séparatisme de fer …

 

La fratrie se partage plus ou moins en deux camps qui s'expriment directement tout au long du récit, tel Olivier :

fini de passer son existence à la crèche, fini de se la couler douce en dépression sous CDI, voire hilare en tétant des allocs, Alba ne l'as pas compris, elle persiste à s'imaginer qu'un soulèvement de tire-au-flancs camés au transféminomarxisme va renverser l'ordre des marchés, elle se croit en 1917 triomphant de Tintin le Blanc au pays des mohammed Lénine, quand ce n'est pas dans les foutraques années 70 à attendre que la taupe du Lock Ness émerge du lac de Washington ....

 

C'est Geoffrey, trader repenti « du surfascisme de la finance » qui aimait le plus sa mère :

 

Je suis Alba Decour, avais-je lancé, j'ai élaboré de multiples Actions de passion de masse, une de mes plus réussies s'intitulait Le jour du DAB est arrivé, ouvrez les camps de l'administration, ce jour-là j'avais marché à la tête d'une manifestation de cent jeunes queers de distributeur bancaire en distributeur bancaire, devant chaque DAB nous nous étions mis au garde-à-vous et avions égrené la liste des endettés anéantis par les crédits revolving, puis dans la foulée nous avions déclamé la liste des habitants de Lisieux figurant sur la liste rouge de la Banque de France, que d'émotions, nous avions conclu par un tonitruant A bas le surfascisme social-ethique, zbeulons l'ordre mondial des Gafam et du copyright, …

, l'oncle Alain, repenti inverse, lui répond … tu m'insultes, mon neveu, tu me chies sur la tête, tu ridiculises ma jeunesse, j'ai été Garde Rouge, et après, c'est du passé, je ne regrette rien, j'avais 18 piges, j'en ai 70, seuls les paumés ne changent pas, un jour Garde Rouge un autre économiste friedmanien, un jour trotskiste un autre CitiBank, un jour anarchiste social-démocrate un autre massacreur d'ouvriers et d'étudiants, un jour Cohn-Bendit un autre éborgneur de Gilets jaunes, que mille couteaux fleurissent, que mille dividendes éclatent, c'est ça le biz, c'est ça la vie, il avait tenté de me donner un coup de poing, ….

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Le récit monte ensuite en puissance avec des participants affublés de masque de Mickey, Pécresse, Marc Lévy, Claire Chazal et autres.

Une narration inquiète et joyeuse.

 

J'ai rencontré Christophe d'hallivillée la première fois en 1977 dans la mouvance du Collectif d'Intervention Autonome (CIA) après l'occupation de la fac de Tolbiac par les CRS et puis dans les séminaires de Félix Guattari et Toni Negri, où les locuteurs parlaient toujours « du post-fordisme comme les personnages dans Le meilleur des mondes d'Aldous Huxley « Oh Ford ! »

 

Est-ce que nous y sommes ?

En tous cas nous sommes beaucoup plus que tout cela ….

 



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