jeudi 2 juin 2016 - par Robin Guilloux

Ian Caldwell et Dustin Thomason, La règle de quatre

Ian Caldwell et Dustin Thomason, La règle de quatre (The Rule of Four), traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Hélène Le Beau et François Thibaux, Michel Lafon 2005

"Du sommeil que prit Poliphile, il lui sembla en dormant qu'il était en un pays désert, puis en une forêt obscure..." (Francesco Colonna, Le Songe de Poliphile)

Ian Caldwell (diplômé de l'université de Princeton) et Dustin Thomason (diplômé de l'université d'Harvard) sont des amis d'enfance. Ils ont tous les deux été élèves de la Thomas Jefferson High School for Science and Technology à Alexandria, Virginie.

"Depuis 1499, des savants tentent de décoder un chef-d'oeuvre de la Renaissance, Le Songe de Poliphile. Ecrit en cinq langues, orné de gravures érotiques et violentes, ce texte a résisté à tous les assauts, brisé des destins, des amitiés et des vies. Pourtant, deux étudiants de Princeton osent s'y mesurer et, au fil de messages cachés, découvrent l'histoire d'un prince du Quattrocento et l'existence d'une crypte secrète qui recèle des trésors inouïs. Ils croyaient échapper à la malédiction de cette énigme. Mais pour la défendre, certains sont prêts à mourir et à tuer."

Note historique : Réalisé par le célèbre imprimeur vénitien Aldo Manuzio, L'hypnerotomachia Poliphili ou "Le combat pour l'amour dans le songe de Poliphile" est une œuvre de la fin du Quattrocento, réputé être un des plus beaux livres imprimés au monde. La typographie est splendide et les gravures sur bois magnifiques. Il en subsiste aujourd'hui moins d'exemplaires que de la Bible de Gutemberg. L'identité et les motivations de son auteur demeurent mystérieuses. Ce n'est qu'en décembre 1999, soit cinq siècles après sa publication initiale, que le texte fut intégralement traduit en anglais. Le songe de Poliphile a inspiré de nombreux écrivains et créateurs comme Rabelais, Jean de La Fontaine, Gérard de Nerval, Salvador Dali, Georges Perec ou Roman Polanski

Mon avis :

Ce thriller ésotérique évoque plusieurs thèmes qui s'entrecroisent : celui d'une amitié entre quatre étudiants de dernière année de Princeton, Tom, Paul, Charlie et Gil - allusion transparente aux Trois mousquetaires d'Alexandre Dumas qui, comme chacun sait, étaient quatre -  ; des jeux interdits et dangereux dans les souterrains de l'université ; une relation problématique entre le narrateur, Tom Sullivan et son père ; une histoire d'amour entre Tom et Kate, une étudiante de seconde année ; la relation entre Paul et son mentor et père de substitution, le professeur Richard Cury, la rivalité entre Vincent Taft, un professeur de Princeton et Paul and last but not least, une énigme policière autour d'un meurtre commis dans l'enceinte de l'université durant le week-end de Pâques sur la personne d'un professeur.

Tous ces thèmes gravitent autour d'un centre commun : un ouvrage rarissime d'un auteur inconnu, datant de la Renaissance, Le songe de Poliphile, dont les énigmes particulièrement retorses ont découragé des générations d'érudits, Vincent Taft cherchant à s'approprier les découvertes de Paul.

Le titre du livre : "La règle de quatre" fait allusion aux quatre amis : Tom, Paul, Charlie et Gill. La règle de quatre fait également référence au procédé de décryptage de L'hypnerotomachia Poliphili qui repose sur le nombre quatre. Les nécessités du codage de ce message caché à travers tout le livre expliquent, d'après Paul, sa syntaxe bizarre ainsi que l'utilisation de néologismes et de langues différentes : la latin, le grec, l'arabe et l'hébreu.

L'auteur était anonyme, mais fut découvert grâce à l'une des nombreuses clefs cachées que contient le livre. En mettant à la suite, les lettrines des chapitres, on obtient le message suivant :

POLIAM FRATER FRANCISCUS COLUMNA PERAMAVIT
(Le frère Francesco Colonna brûla d'amour pour Polia)

L'auteur du manuscrit serait donc un certain Francisco Colonna, mais l'on ne sait pas précisément lequel entre un moine vénitien et un prince romain. Quant à Polia, on ignore toujours s'il s'agit d'une femme dont on ignore l'identité ou d'une allégorie.

Le 7 février 1497, Le moine dominicain Jérôme Savonarole fait brûler tous les signes de luxe des Florentins (tableaux, bijoux, objets précieux...) dans le "bûcher des vanités".

Le message crypté explique d'après Paul, que l'auteur de L'Hypnerotomachia Poliphili était un humaniste de la Renaissance vivant à Florence qui a construit une crypte pour mettre à l'abri des livres anciens et des œuvres d'art afin de les soustraire aux ardeurs iconoclastes du prêtre dominicain Jérôme Savonarole et de ses partisans.

Tom, le narrateur, est le fils d'un professeur qui a dédié sa vie à L'Hypnerotomachia Poliphili. On le voit lutter tout au long de l'histoire entre sa fascination pour ce livre et l'envie d'échapper à cette obsession qui s'est interposée entre ses parents et qui est maintenant un motif de discorde entre lui et son amie Kate.

On note une analogie entre les sous-sol de Princeton et la crypte où Francesco Colonna, l'auteur présumé de L'Hypnerotomachia Poliphila a caché des objets précieux en les soustrayant au zèle destructeur de Savonarole et de ses disciples.

Exécution de Jérôme Savonarole sur la Grand Place de Florence, le 23 mai 1498

Le thème du feu est également très présent dans le roman : Charlie est grièvement brûlé par des jets de vapeur dans les sous-sol de Princeton en voulant porter secours à Paul. Francesco Colonna et ses deux compagnons se brûlent grièvement en soustrayant des objets d'art, des tableaux et des manuscrits au "bûcher des vanités". Savonarole et deux de ses disciples sont pendus et brûlés sur la Grand Place de Florence et bien entendu, l'embrasement final de "L'Ivy Club".

On ne sait pas très bien si Paul et Richard Cury meurent dans l'incendie ou disparaissent et toutes les interprétations sont ouvertes - encore une énigme et la plus formidable de toutes ! -, d'autant que le symbole du phénix qui renaît de ses cendres est omniprésent dans le roman, avec le thème de la destruction par le feu.

Je passe sous silence deux ou trois informations essentielles pour sauvegarder la surprise finale !

Le roman développe par ailleurs des considérations philosophiques sur l'éternel conflit entre les valeurs morales, religieuses et spirituelles incarnées par Savonarole et les valeurs amorales, intellectuelles et esthétiques incarnées par Francesco Colonna.

On apprend beaucoup de détails - vrais et faux, car le roman de Caldwell et Thomason demande lui-même à être décrypté - sur les us et coutumes des universités américaines, sur la Renaissance italienne à Florence du temps de Savonarole et bien entendu sur le livre au titre imprononçable, L'hypnerotomachia Poliphili, plus simplement Le songe de Poliphile qui existe vraiment, dont des générations de chercheurs et d'érudits ont cherché à percer le mystère et qui continue à intriguer encore aujourd'hui, au point de susciter non seulement un roman : La Règle de quatre , mais une enquête sur le roman : La Règle de quatre décryptée, en attendant peut-être une contre-enquête !

Joscelyn Godwin La règle de quatre décryptée, Michel Lafon

"En refermant La Règle de quatre, les lecteurs s'interrogent : l'Hypnerotomachia Poliphili, ce livre vieux de cinq siècles au nom imprononçable, existe-t-il vraiment ? Contient-il des messages codés que nul érudit n'a réussi à déchiffrer jusqu'à nos jours ? Et Francesco Colonna, l'aristocrate romain prétendument auteur de cet ouvrage, appelé plus explicitement Le Songe de Poliphile est-il mort en arrachant les trésors de la Renaissance au bûcher allumé par un moine dément ? Qu'en est-il de cette académie secrète qui aurait caché des tableaux mythiques ? Où s'arrête l'histoire et où commence la fiction ? La Règle de quatre décryptée est une invitation au voyage, un périple inoubliable dans un monde fabuleux. Rencontrez ces écrivains, ces humanistes, ces peintres... Admirez les illustrations du Songe de Poliphile : vous constaterez qu'elles sont d'un érotisme troublant ! Un guide palpitant et exhaustif, indispensable pour comprendre toutes les facettes du roman de Ian Caldwell et Dustin Thomason."

"Suite au succès de La règle de quatre, des milliers de lecteurs ont tenté de mieux comprendre Le songe de Poliphile (Hypnerotomachia Poliphili), ce mystérieux livre écrit en 1499, en latin, grec, arabe et hébreu, orné de hiéroglyphes égyptiens et de symboles mystiques.

Qui pouvait, mieux que le premier traducteur anglophone de cet ouvrage, décoder les énigmes de La règle de quatre ? Dans ce guide palpitant et exhaustif, le professeur Godwin explique chaque facette du roman, démêle la réalité de la fiction et éclaircit toutes les ambiguïtés : qu'est vraiment l'Hypnerotomachia, qui en est l'auteur, que se cache-t-il derrière les thèmes et les personnages de La règle de Quatre ?" (source : éditeur)

Poliphile s'agenouillant devant la reine Eleuterylida




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