vendredi 28 mars - par Michel Lebarillec

Les Hyperboréens et les Grecs

Extrait d'un prochain ouvrage en cours d'écriture.

Nous venons de voir que pour Diodore de Sicile au premier siècle avant JC, Hyperborée était le nom que les Grecs donnaient à l'Irlande. Et comme l'explique Bernard Sergent dans le livre des Dieux, Celtes et Grecs, II, on sait que de nombreuses similitudes existaient entre le culte irlandais de Lug et celui d'Apollon par les Grecs (p167) :

Après l'étude des caractères communs attribués à Lug et à Apollon dans les sociétés de leurs adorateurs respectifs, on montrera que ces deux Dieux ont des rapports précis avec :

- une arme de jet et un instrument de musique à cordes ;

- des animaux : le corbeau, le cheval, le chien ou loup, le sanglier et le porc, le roitelet, le serpent, la tortue, l'ours, le dauphin ou phoque, "l'aigle pourri", le cygne, le coq ;

- un végétal : la pomme ;

- des nombres : le trois, le sept et le neuf ;

- enfin, une danse.

Pour tout cela les points communs entre Lug et Apollon sont rigoureux, et au plus les différences, lorsqu'il y en a, tiennent à l'histoire des sociétés qui les ont vénérés, et consistent en inversions, ou décalages. Compte tenu de ces phénomènes, on va voir se dessiner des tableaux comparatifs complets, confirmant les résultats de la partie précédente, et montrant l'homologie totale du grand dieu celtique et du grand dieu grec. 

Un autre point commun relevé par l'auteur concerne les jeux de Lug en Irlande et ceux célébrés à Delphes en l'honneur d'Apollon (p318) :

La fête de Lugnassad, à Tailtiu, était l’occasion d’une assemblée, de festins, d’échanges, de mariages, et aussi de jeux, les "Jeux de Lug" si souvent mentionnés par les textes.

(....)
On célébrait à Delphes plusieurs fêtes ; la plus importante, consacrée à Apollon, s’appelait les Púthia. Il est frappant de voir combien elle a de points communs avec Lugnassad. 

Ces points communs sont bien trop nombreux pour ne pas impliquer un échange culturel durant une longue période entre les deux peuples. Et que les Hyperboréens soient le nom que donnaient les Grecs aux Celtes habitant en Irlande ne devrait constituer qu'une demi surprise car de quel autre peuple mentionné dans les écrits grecs aurait-il pu s'agir ? Et le fait qu'ils aient été celtes avait d'ailleurs déjà été évoqué par Plutarque dans la vie parallèle des hommes illustres : il indiquait qu'Héraclide du Pont, un astronome du IVème siècle avant JC, affirmait que la prise de Rome avait été faite par des Gaulois venus des pays hyperboréens.

Il est aussi assez instructif de se pencher sur les différents peuples ayant occupé successivement l'Irlande dont la liste est donnée par le Lebor Gabála Érenn (le Livre des Conquêtes d'Irlande). On trouve le nom de ces peuples dans l'article Wikipédia consacré aux Fomoires, demi-dieux de la mythologie celtique irlandaise (https://fr.wikipedia.org/wiki/Fomoires) : 

Ils combattront les peuples successifs de l’Irlande : Partholoniens (bataille de Mag Itha), Nemediens (batailles de Badbgna, Ros Fraechain, Murbolg, et de la Tour de Conaind), et Tuatha Dé Danann (bataille de Mag Tuired). Seuls les Fir Bolgs échappent à leur agressivité. 

Cette liste est à rapprocher de celle des peuples hyperboréens citée par l'historien grec Hérodote au IVème siècle avant JC dans son livre Histoires (https://fr.wikipedia.org/wiki/Arimaspes) :

« Il est constant que c'est dans le Nord de l'Europe qu'il y a de beaucoup le plus d'or. Comment il est obtenu, cela non plus je ne saurais le dire avec certitude ; on raconte qu'il serait soustrait aux griffons par les Arimaspes, hommes n'ayant qu'un œil. »
« Mais Aristée de Proconnèse, fils de Caystrobius, écrit dans son poème épique qu’inspiré par Phébus, il alla jusque chez les Issédons ; qu’au-dessus de ces peuples on trouve les Arimaspes, qui n’ont qu’un œil ; qu’au delà sont les Gryphons, qui gardent l’or ; que plus loin encore demeurent les Hyperboréens, qui s’étendent vers la mer ; que toutes ces nations, excepté les Hyperboréens, font continuellement la guerre à leurs voisins, à commencer par les Arimaspes ; que les Issédons ont été chassés de leur pays par les Arimaspes, les Scythes par les Issédons ; et les Cimmériens, qui habitaient les côtes de la mer au midi, l’ont été par les Scythes. (…) Plus au Nord, ce sont les Issédons qui affirment l'existence des hommes n'ayant qu'un œil et des griffons gardiens de l'or ; les Scythes répètent ce qu'ils ont appris d'eux, et nous autres le tenons des Scythes ; le nom que nous donnons aux Arimaspes est Scythe ; arima, en Scythe, signifie "un" ; et spou, "œil". » 

Alors, que le grec Hérodote nous parle d'hommes n'ayant qu'un œil, il est assez troublant d'apprendre que Balor, le roi des Fomoires, était justement un cyclope (https://fr.wikipedia.org/wiki/Balor) :

Selon les récits, c’est un géant borgne ou cyclopéen dont l’œil paralyse ou foudroie des armées entières. 

On voit que le rapprochement entre ces deux listes demanderait à être approfondi par des spécialistes de la mythologie du monde celtique irlandais.

Concernant la venue d'Hyperboréens en Grèce, on sait par Hérodote que des visites furent organisées : 

Ils ajoutent que, dans les premiers temps, les Hyperboréens envoyèrent ces offrandes par deux vierges, dont l'une, suivant eux, s'appelait Hypéroché, et l'autre Laodicé ; que, pour la sûreté de ces jeunes personnes, les Hyperboréens les firent accompagner par cinq de leurs citoyens, qu'on appelle actuellement Perphères, et à qui l'on rend de grands honneurs à Délos.... 

Un autre hyperboréen nommé Abaris aurait également rendu visite aux grecs entre le VIIème et le Vème siècle avant JC. Dans le dictionnaire infernal de Collin de Plancy, publié en 1863, on trouve le texte suivant le concernant :

Abaris, grand prêtre d’Apollon, qui lui donna une flèche d’or sur laquelle il chevauchait par les airs avec la rapidité d’un oiseau ; ce qui a fait que les Grecs l’ont appelé l’Aérobate. Il fut, dit-on, maître de Pythagore, qui lui vola sa flèche, dans laquelle on doit voir quelque allégorie. On ajoute qu’Abaris prédisait l’avenir, qu’il apaisait les orages, qu’il chassait la peste ; on conte même que, par ses sciences magiques, il avait trouvé l’art de vivre sans boire ni manger. Avec les os de Pélops, il fabriqua une figure de Minerve, qu’il vendit aux Troyens comme un talisman descendu du ciel : c’est le Palladium qui avait la réputation de rendre imprenable la ville où il se trouvait.

Les deux dernières phrases semblent décrire ce qu'on désignerait de nos jours comme un chamane, mais le terme le plus approprié serait certainement celui de druide, identique à ceux que décrits la mythologie celtique irlandaise.

Il nous reste à tenter de comprendre la première phrase, assez sibylline pour la croire tout droit sortie de la bouche d'une prêtresse du dieu grec :

Abaris, grand prêtre d’Apollon, qui lui donna une flèche d’or sur laquelle il chevauchait par les airs avec la rapidité d’un oiseau

On pourrait alors imaginer que la flèche d'or donnée par Apollon, divinité solaire, fasse allusion à un trait lumineux. Et si Abaris chevauchait ce trait, cela pourrait signifier qu'il se déplaçait en suivant cette ligne droite sur terre comme sur mer, comme le ferait un oiseau, rappelant ainsi la légende d'Apollon partant aux pays des Hyperboréens dans un char tiré par des cygnes. Bien sûr, il ne s'agit là que d'une interprétation mais cela permettrait d'éclaircir grandement le propos. Et de fil en aiguille, nous sommes amenés à faire le rapprochement avec l'alignement des temples solaires connu sous le nom d'épée de Saint Michel dont nous avons parlé précédemment

Il nous reste à tenter d'apporter une explication à la seconde phrase :

Il fut, dit-on, maître de Pythagore, qui lui vola sa flèche, dans laquelle on doit voir quelque allégorie.

Si on prend le verbe voler au sens de plagier, on comprend alors que cela pourrait signifier que Pythagore reprit l'idée de la flèche d'or au profit d'Apollon, à savoir l'alignement des villes ou temples consacrés à Lug, dont certains avaient d'ailleurs été relevés par Bernard Sergent : 

En pays Carnute, B Robreau observe que trois des cités dont les noms paraissent dériver de Lugdunum, à savoir Lion-en-Sullias, Lion-en-Beauce et Laons, sont quasiment alignées sur un axe passant par Chartres : comme si Lugus contrôlait ici une ligne rectiligne. (P130)

Un scénario semble donc se dessiner sur la réalisation de cet alignement. Rappelons d'abord l'étonnant phénomène du temple de Newgrange en Irlande où au solstice d'hiver, les premiers rayons du soleil viennent éclairer le couloir réservé à cet effet. A ce moment de l'année qui indique le retour du soleil, celui-ci se lève au sud-est, donc pour les Hyperboréens, il peut paraitre naturel d'imaginer que le lieu de naissance de Lug se situe dans cette direction. Ensuite, l'idée germa sans doute d'aligner des lieux de culte des différents territoires celtes selon ce même axe. Et si on sait tous que les Celtes occupèrent l'Irlande, l'Angleterre et la France, en revanche on sait moins qu'ils avaient colonisé aussi une partie de l'Italie. Et ce sont sur ces sites consacrés primitivement à Lug que quelques siècles plus tard, on éleva les monuments dédiés à Saint Michel, à savoir :

- le monastère de l’île de Skellig Michael en Irlande

- le prieuré de Saint Michael’s Mount en Angleterre

- l’abbaye du Mont-Saint-Michel en France

- l’abbaye Saint-Michel-de-la-Cluse en Italie

- le sanctuaire de San Michele Arcangelo du Monte Gargano en Italie

On peut penser que l'alignement fut poursuivi par le monde grec avec le temple de Delphes, le sanctuaire de l'île de Délos et le lieu de culte d'Apollon sur l'ile grecque de Symi. Par contre, on aurait pu s'attendre à ce que Délos, lieu de naissance de Lug/Apollon soit le site le plus lointain sur la ligne droite, autrement dit le dernier point. Mais ce n'est pas le cas car c'est le site de Symi qui occupe cette place. Il est également curieux de constater que le trait se prolonge sur l'ile de Rhodes sous influence grecque à une certaine période, qui aurait elle aussi un rapport avec l'astre solaire (https://fr.wikipedia.org/wiki/Rhodes) : 

Selon Pindare, Hélios, le Soleil, est le premier à voir l'île sortir des eaux et la trouve si belle qu'il la prend sous sa protection.

Même si la notion de premier par rapport au soleil semble faire allusion à la situation de l'ile sur le tracé de la flèche d'Abaris, pour une raison qui nous est inconnue, ni l'ile de Rhodes, ni celle de Symi ne furent retenues comme lieu de naissance du dieu solaire.

Bien sûr, au cours des siècles suivants, de nombreux autres sites furent construits sur la même ligne, certains sans doute en toute connaissance de cause. Mais si notre raisonnement est exact, la référence à Pythagore permettrait de dater l'alignement coté grec autour du Vème siècle avant JC, ce qui reste compatible avec la date de construction des premiers temples bâtis à Delphes et à Délos, à savoir autour du VIème siècle pour le premier et du Vème pour le second. Pour la partie réalisée par les hyperboréens, les premiers sites seraient donc apparus quelque part entre 3200 avant JC, date approximative de l'édification de Newgrange, et la construction des temples grecs dédiés à Apollon. 

Si de nombreux points ont été éclaircis sur les hyperboréens et leur relation avec le peuple grec, quelques questions demeurent concernant la réalisation de cet incroyable alignement. Notamment pourquoi ce fut précisément cet axe qui fut choisi au lieu d'une autre ligne vers le sud-est plus ou moins parallèle ? Sur ce point, on peut cependant imaginer que c'est la préexistence d'au moins deux sites dédiés à Lug déjà présents sur cette ligne qui décida du trait à suivre. Mais surtout, comment plusieurs siècles avant JC un tel alignement a-t-il pu être réalisé sur plusieurs milliers de kilomètres avec les faibles moyens de l'époque ?

A l'issue de cette étude historique sur les hyperboréens, il serait pertinent que des spécialistes des mondes celtes et grecs puissent apporter leur expertise pour valider au moins certaines conclusions auxquelles nous sommes arrivés. Car à n'en pas douter, le sujet est suffisamment vaste et les zones d'ombre tellement nombreuses que l'on peut espérer faire encore de nouvelles découvertes sur cette période de l'antiquité.

crédits photos : Wikipédia



2 réactions


  • Étirév 28 mars 16:21

    Borée ou Hyperborée ?
    Tout d’abord, faisons remarquer avec l’aide de René Guénon, qu’en sanscrit la « terre sacrée » polaire, siège du centre spirituel primordial de notre Cycle humain (Manvantara), est appelée « Vârâhî » ou la « terre du sanglier ». L’exact équivalent de « Vârâhî », est « Borée » ; la racine « var » (sanscrit), pour le nom du sanglier, se retrouve dans les langues nordiques sous la forme « bor » (de là l’anglais « boar », et aussi l’allemand « Eber »). Le mot « Borée » a donné le mot « Hyperborée » qui n’a été employé seulement par les Grecs à une époque où ils avaient déjà perdu le sens de cette antique désignation.
    Faisons également remarquer que dans la langue gauloise « Bor » signifie aussi un « foyer », un « orbe », un « cercle », qui répond exactement au « foyer de lumière » du soleil levant, de l’Aurore. En y annexant le mot « rhé », « course » en gaulois (la racine « Rad », roue, a créé le mot « Rhéda » ou « Réda », l’antique char de course des gaulois), nous obtenons le mot « Bor-rhé » ou « Boré », pouvant signifier la « Course du Feu de l’Aurore », ce qui nous rapproche du « Char de Phaéton », ce « Coursiers du Soleil », ou bien de la « Merkabah », le « Char céleste, Véhicule de Dieu, qui permet à l’âme de voyager à travers les sept cieux ».
    Pour revenir au « sanglier », c’est sur sa « terre » que résidait l’autorité spirituelle première, dont toute autre autorité légitime du même ordre n’était qu’une émanation. Il est donc naturel que les représentants d’une telle autorité aient reçu aussi le symbole du sanglier comme leur signe distinctif et l’aient gardé dans la suite des temps ; et c’est pourquoi les druides se désignaient eux-mêmes comme des « sangliers », bien que, le symbolisme ayant toujours des aspects multiples, on puisse en même temps y voir accessoirement une allusion à l’isolement dans lequel ils se tenaient à l’égard du monde extérieur, le sanglier étant toujours regardé comme le « solitaire » ; et il faut ajouter, du reste, que cet isolement même, réalisé matériellement, chez les Celtes comme chez les Hindous, sous la forme d’une retraite dans la forêt, n’est pas sans rapport avec les caractères de la « primordialité », dont un reflet au moins a toujours dû se maintenir en toute autorité spirituelle digne de la fonction qu’elle remplit.
    Chez les Celtes, le sanglier et l’ours symbolisaient respectivement les représentants de l’autorité spirituelle et ceux du pouvoir temporel, c’est-à-dire les deux castes des Druides et des Chevaliers, équivalentes, au moins originairement et dans leurs attributions essentielles, à ce que sont dans l’Inde celles des Brâhmanes et des Kshatriyas.
    De plus, le sanglier représentait anciennement la constellation qui, plus tard, est devenue la « Grande Ourse ». Précisons que dans la tradition hindoue, le nom le plus habituel de la Grande Ourse est « sapta-riksha » ; le mot sanscrit « riksha » (comme le celtique « arth », le grec « arktos » ou le latin « ursus ») est le nom de l’ours. Cependant, « riksha » désigne aussi une étoile, c’est-à-dire une « lumière » de manière générale (« archis », de la racine « arch » ou « ruch », « briller » ou « illuminer ») ; d’autre part, le « sapta-riksha » est la demeure symbolique des « sept Rishis », qui, outre que leur nom se rapporte à la « lumière », représentent la sagesse « supra-humaine », c’est-à-dire les sept « Lumières » par lesquelles fut transmise au cycle actuel la Sagesse des cycles antérieurs. C’est donc comme une sorte d’« Arche » dans laquelle est renfermé le dépôt de la connaissance traditionnelle, afin d’assurer sa conservation et sa transmission d’âge en âge. Dans une certaine période, le nom de « sapta-riksha » fut appliqué, non plus à la Grande Ourse, mais aux Pléiades, qui comprennent également sept étoiles. Rappelons que cette constellation a eu encore d’autres noms, entre autres celui de la « Balance ».
    Il y a, dans cette substitution de noms, une des marques de ce que les Celtes symbolisaient précisément par la lutte du sanglier et de l’ours, c’est-à-dire la révolte des représentants du pouvoir temporel contre la suprématie de l’autorité spirituelle.
    Il convient néanmoins de préciser que les deux symboles du sanglier et de l’ours n’apparaissent pas toujours forcément comme étant en opposition ou en lutte, mais que, dans certains cas, ils peuvent aussi représenter l’autorité spirituelle et le pouvoir temporel dans leurs rapports normaux et harmoniques, comme on le voit notamment par la légende de Merlin et d’Arthur.
    Chez les Grecs, la révolte des Kshatriyas était figurée par la chasse du sanglier de Calydon. Et faisons remarquer que le nom de « Calydon » se retrouve exactement dans celui de « Caledonia », ancien nom de l’Écosse : en dehors de toute question de « localisation » particulière, c’est proprement le pays des « Kaldes » ou Celtes, et la « forêt de Calydon » ne diffère pas en réalité de celle de « Brocéliande », dont le nom est encore le même, quoique sous une forme un peu modifiée, et précédé du mot « bro » (« pays » en Breton) ou « bor » (ou « boar »), c’est-à-dire du nom même du sanglier. Il est d’ailleurs probable que ce nom des Celtes, comme celui des Chaldéens (ou Kaldéens) qui lui est identique, n’était pas originairement celui d’un peuple particulier, mais celui d’une caste sacerdotale, exerçant l’autorité spirituelle chez différent peuples.
    Notons au passage que le mot « Lycaon », dont la racine grecque ancienne signifie « Loup » (le loup, « lykos », est pris ici dans son aspect lumineux, « lyké »), est presque la parfaite anagramme de « Calydon », cette citée d’Étolie, anagramme d’Étoile…
    Les premières manifestations de cette révolte remontent beaucoup plus loin que l’histoire ordinairement connue, et même plus loin que le début du Kali-Yuga, période actuelle d’« obscuration », et dans lequel elle devait prendre sa plus grande extension ; c’est pourquoi le nom de « bor » a pu être transféré du sanglier à l’ours, et la « Borée » elle-même, la « terre du sanglier », a pu par suite devenir à un certain moment la « terre de l’ours ».
    En effet, rappelons encore que chez les peuples du Nord, l’homme bestial était comparé à l’Ours. Le mot « barbare » ou « berber » (de bær-bor) signifiait chez les Boréens ceux qui portent l’ours, les hommes chasseurs, les insociables, doués d’une grande force musculaire. Par extension, on arriva à appeler ces hommes des « ours », ce qui voulait dire des gens non policés, vivant entre eux, loin des autres, et ne sachant pas se conduire dans la société des femmes. Cette épithète, d’abord mal prise, fut plus tard acceptée, et l’homme par réaction s’en para, comme d’un titre glorieux. Ainsi, dans le blason armorial commun des temps primitifs, l’ours figurait, et son nom « bor » (« ours » dans les langues Scandinaves) devint pour eux la racine du mot « Boréen ». Et, de fil en aiguille, le mot « Boréen » est devenu un titre d’honneur, dont on a fait « Baron » en Europe.
    Lors de la grande émigration de la colonie voyageuse des féministes, dans les contrées vierges où elles allaient dresser leurs tentes, ces femmes emportèrent les sciences et les arts sauvés du naufrage (c’est ce qui, dans la légende du déluge, est représenté, c’est-à-dire remplacé, par des animaux vivants).
    Et ceci explique que dans la grande révolution contre les femmes, alors que les hommes parcouraient toute l’Europe pour détruire leurs villes, ils trouvèrent seulement à l’Orient de la Baltique une nation imprenable, une invincible résistance. La Déesse des Estoniens avait là ses fidèles dévoués, établis pour pousser en avant la propagande féministe contre l’ennemi, dit Tacite. Ils portaient l’image du sanglier pendue à leur cou, c’est pourquoi du mot sus ils furent appelés Suiones (Suèdois), et du mot boar (sanglier) ils reçurent plus tard le nom de Borusses dont nous avons fait Prusse.
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