samedi 10 août - par C’est Nabum

À la découverte du marché traditionnel

 

Quand le cabas tient le haut du panier.

 

Pour qui aime s'entasser dans les rayons des hyper-marchés, courir la promotion et les dates courtes ne peut comprendre le plaisir ineffable de faire son marché sur la place d'un village, au cœur des traditions, de particularismes régionaux et des expressions du pays. Il me vient pourtant l'envie de les convaincre de les inviter à changer de fournisseur pour leurs produits alimentaires.

Le premier écueil pour les béotiens de la chose réside dans la distinction de l'authentique et du factice, du local et du lointain, du producteur et du revendeur. Il ne suffit pas de se faire son opinion à la trogne du vendeur pour être certain de son choix. Il y a parfois des surprises en la matière. Certains autochtones n'hésitant pas à se fournir à Rungis ou sur d'autres plateformes pour accroître leur offre. L'ananas parmi les poireaux devrait vous mettre la puce à l'oreille.

Il y avait jusqu'alors une autre façon de distinguer les uns et les autres quoique celle-ci arrivait au terme de votre démarche commerciale. Le paiement chez les premiers se faisait jusqu'alors en espèces, cette manière ancestrale de conclure une relation commerciale. Hélas, il se trouve désormais dans la clientèle des collaborateurs du grand contrôle financier des gueux qui ne disposent plus pour leurs transactions que d'une carte de crédit ou d'un téléphone si bien que même les petits paysans ont dû se résoudre à cette entorse fâcheuse à la coutume.

Autre précision pour les adeptes inconditionnels de la grande distribution qui souhaiteraient tenter l'expérience du marché local, le conditionnement des produits privilégie des procédures qui risquent de vous mettre en défaut. La botte ou le vrac sont la règle et s'il y a parfois des barquettes, elles ne sont pas encloses dans du plastique et un suremballage. Il vous faudra prévoir des contenants adaptés, le cabas tenant ici le haut du panier.

Autre difficulté souvent rédhibitoire autrefois et en passe de tomber dans les oubliettes de l’uniformisation des pratiques, les unités pouvaient avoir une dimension spécifique et parfois locale. Il n'en est plus rien désormais et avec le kilogramme vous pouvez voyager tranquille. Même la livre ne fait plus recette tandis que même des vendeurs en ignorent l'usage quant au litre pour ce qui n'est pas liquide, son emploi est désormais obsolète. Même la douzaine va s'effacer devant la dizaine si le mouvement s'amplifie.

Tout ceci ne devrait pas vous poser de gros problèmes. Hélas la suite sera d'un tout autre tonneau et je vous invite à suivre une formation accélérée avant que de vous lancer dans l'aventure du commerce forain de proximité. Pour faire étalage de votre pertinence, il vous faudra en tout premier lieu connaître les fruits et les légumes de saison en associant cette connaissance élémentaire à une pratique locale de la production maraichère et fruitière. Il se peut que des tutos sur la toile puissent vous éclairer en ce domaine.

Reste l'épreuve souvent rédhibitoire pour les néophytes. La courtoisie, la politesse et le respect des autres sont de rigueur en ces lieux. Il vous faudra apprendre à dire bonjour, à attendre votre tour, à ne pas bousculer votre voisin, à ne pas compter vos mercis, à remercier en chaque étal tout en ne refusant jamais le petit brin de causette. Je reconnais que l'effort est conséquent pour certains et peut même les rebuter. Si par contre vous avez franchi cet obstacle majeur, il vous reste alors à peaufiner votre discours et votre compréhension de la langue.

Pour les débutants, aller au marché pour la première fois exige de se renseigner sur les conditions météorologiques et pluviométriques pour pouvoir tenir une conversation qu'il faudra parfois réitérer plus fois. D'autres sujets de discussion peuvent aussi surgir à l'improviste et s'enquérir de l'actualité locale n'est pas usurpé. Enfin, sachez que l'usage de la troisième personne du singulier peut vous être servi sans qu'il faille vous en offusquer.

Fort de ce bagage préalable, vous pouvez vous lancer dans cette merveilleuse aventure qui bien vite relèguera au rang de très mauvais souvenir vos achats dans les enseignes de la grande distribution. N'oubliez pas de me remercier, c'est l'usage en ce lieu.

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24 réactions


  • Gégène Gégène 10 août 10:33

    En même temps, si vous devez affronter le parfum d’aisselles, indignez-vous smiley


  • OJBA 10 août 13:48

    Jamais de marchés dans la région, ils ont été envahis, cannibalisés oserais-je, par des industriels de la distribution. Exemple cagette estampillée « tomates françaises », à un prix en relation, rechargée à la « va-vite », bonjour les tomates, par un pègreleux portant une caisse en carton avec moultes étiquettes. Un peu surpris, je suis allé voir dans le tas de cartons où elle avait été jetée : Espagne ! A priori, on peut rien avoir à dire sur les tomates espagnoles, elles sont moins chères. Mais ça c’est une fraude caractérisque et il faut « tomber dessus ». Une fois en rayon, qui saura faire la différence entre une française et une espagnole ? Maintenant, je vais au producteur, j’en ai la possibilité, 3 kg de tomates (dans la serre non chauffée culture bio) : attendez, je vais les cueillir ! Haricots verts : je n’ai ai plus de cueillis, et j’ai du monde, si vous voulez, allez les cueillir, 3ème rang à gauche, 50 ctes de moins au Kg ! ..... Ouvert 7j/7 de 7h à midi.


  • ricoxy ricoxy 10 août 14:06

     

    Un art de vivre « à l’ancienne » : les rapports humains.

     


  • xana 10 août 16:25

    Et ca n’est pas fini...


  • xana 10 août 16:34

    Merci C’est Nabun pour votre article.

    Autrefois je suivais davantage vos productions ligériennes, et souvent j’aimais bien votre ton poétique. Mais l’eau a coulé sur les roches, comme on dit au Canada. En Roumanie aussi.


  • juluch juluch 10 août 20:51

    Oui, un marché de village c’est sympas mais faut faire le tri....


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