mardi 16 juillet 2013 - par C’est Nabum

Avale-Loire : étape 6

Amboise – Langeais

Il n'y a pas qu'une Loire !

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Je viens de parcourir environ deux cents kilomètres et je dois reconnaître que je ne cesse d'être surpris par la rivière qui se pare d'autres habits que ceux que je lui connais habituellement. Ma plus grande surprise de ligérien du Val d'Or fut de découvrir le coucher de soleil sur l'autre rive. Si j'avais observé attentivement une carte, je n'aurai pas du être surpris. Mais voyez-vous, pour moi, dans ma mauvaise foi d'homme attaché à son pays, je n'imagine pas un lever et un coucher de l'astre solaire en dehors de son lit merveilleux. C'est vous dire si je suis chauvin ...

Autre surprise, la variété des chemins empruntés par notre belle dame. À Sully, elle commence par ne pas savoir où aller, elle tournicote, elle vire, elle fait la belle, ne sachant vers quel direction prendre son envolle. Elle se décide finalement pour le Ponant en arrivant en Orléans. Auparavant, elle a joué la petite Seine, s'offrant une boucle immense qui contourne le village de Bou, prisonnier d'un méandre interminable. Puis elle plonge vers le sud-ouest.

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C'est entre Beaugency et Blois que je fus le plus désorienté. J'avais perdu ma bouteille d'or, ma boussole magique. La Loire ressemble à l'inverse de celle que j'avais suivi à pied de Digoin à Roanne. Elle s'offrait alors une lente remontée vers le nord. J'ai eu la surprise d'avoir le soleil en face de moi une bonne partie de la journée dans cette plongée vers le sud qui ne lui ressemble guère ...

Elle change de lit bien souvent la diablesse. Elle s'offre des espaces étroits, entourés de hautes levées, puis elle prend ses aises, s'élargit et devient plus dolente. Plus loin, elle ne cesse de se couvrir de petits îlots, des havres de paix pour une faune ailée. Elle rentre ensuite dans une série de beaux chenaux, des espaces larges et sans relief en leur milieu. Puis soudain, c'est le pays aux îles immenses, longues à n'en plus finir. Elles tiennent le haut du pavé jusqu'à Amboise.

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Les grandes îles tirent leur révérence, on revient à une ribambelle joyeuses et anarchique. Le navigateur s'y perd, peut se fourvoyer sur une passe sans eau. Le risque est plus grand de ne pas bien lire le passage. Elle ne se livre qu'à ceux qui la fréquentent assidûment. Plus loin, mais je n'y suis pas encore, elle retrouvera des îles si grandes qu'elle joue à s'offrir des bras qu'on prend pour des rivières.

Son sol n'est pas fait que de sable. Elle s'offre des champs de cailloux qui surgissent au gré de ses fantaisies. Des pièges à navigateur, des écueils redoutables. Elle s'accorde encore des bloques monstrueux, des vertiges de temps plus anciens qui briseraient n'importe quelle coque. Elle est parsemée d'arbres morts à la dépouille gigantesque qui ont dérivé à la volonté des hautes eaux et reposent n'importe où, danger redoutable à qui ne regarde pas où il va.

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Sa faune et sa flore me semblent pour l'heure assez homogènes. C'est du côté des humains qu'il y a une grande diversité. Je me retrouve à vous écrire ces quelques lignes sur la Loire, vous n'en êtes pas surpris mais à Saumur, à bien des encablures de ma halte du jour. Il y a là bordée marinière comme seuls les gars de la Loire d'un peu plus bas savent faire. J'ai été embringué par l'ami Alexis, me suis retrouvé dans l'estaminet du gars Raimbaud, chanteur de Loire et bistrotier au cœur pur. La soirée risque d'être délicate … et elle le fut !

Voilà la Loire de tous ses contrastes, de ses folies et de sa géographie. Voilà pourquoi je ne suis jamais rassasié et que j'aime à vous la décrire à longueur de billet. De ma longue journée de kayak, d'Amboise à Langeais, près de 50 kilomètres me dit-on, vous attendrez demain pour savoir les belles rencontres, les coups d'éclats et les jolis coups de main. On ne peut tout faire, il est fort tard et je ne suis pas prés d'être couché. 

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Demain sera un autre jour, demain sera une autre Loire. Elle est ce que les hommes ont contribué à la façonner, déplaçant ici le cours du Cher pour gagner une journée de navigation, se refusant ailleurs à la fantaisie de François 1er de la faire passer à Chambord. Elle résiste férocement, n'en fait bien souvent qu'à sa tête et ne reste pas éternellement là où elle passait auparavant.

Je vous laisse dériver au gré de cette fantaisie de billet. Le feu d'artifice de Saumur claque au loin, j'en termine avec ce récit quotidien et vous attend sur la berge ou la rive de mon Avale-Loire. Ne retenez qu'une chose , « Aimez la Loire, c'est elle qu'il faut croire ! »

Ligériennement vôtre.

 

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6 réactions


  • Claude Courty Claudec 16 juillet 2013 15:49

    Mais où sont donc passés tous ces écologistes et autres grands amoureux de la nature, de la verdure et des eaux pures ?

    A en croire le nombre de réactions, ils doivent être sur les routes ou en avion, vers le lieu de leurs sacro-saints congés annuels.
    En tout cas la balade fluviale et la Loire elle-même, retiennent moins l’attention et suggèrent moins le commentaire que le moindre événement politique ou le déraillement d’un train.
    Dommage.
    Signe des temps : la poésie se meurt.


    • C'est Nabum C’est Nabum 16 juillet 2013 16:08

      Claudec


      La poésie de Loire je vous l’offre en prime

      Un si long parcours


      Son chemin sera fait de pierres

      De goulets et de rochers

      D’arbres ou bien de lierres

      De sables en ricochets


      Elle a hésité à sa naissance

      La mer était à deux pas de là

      Elle a pris de la distance

      Au nord elle a glissé ses pas

      Elle a traîné dans les prairies

      Entourées d’herbes sauvages

      De moutons, vaches et brebis

      Au début de long voyage

      *

      Fille folle, femme gironde

      Elle a filé sa belle route

      En creusant des gorges profondes

      Elle abandonnait ses doutes

      Elle s’est gonflée des autres rivières

      Se faisant à chaque fois plus forte

      Elle a fait quelques manières

      Pour que des marins s’y frottent


      Refrain


      De toutes, elle est la plus belle

      Faisant dans nos cœurs des ravages

      Pour ces marins si rebelles

      Il fallait qu’elle soit sauvage

      Personne ne l’a enchaînée

      Elle coule en suivant ses humeurs

      Tant pis pour vous les mariniers

      Vous n’arriverez pas à l’heure


      Refrain


      Quand elle a choisi le ponant

      Elle s’offrit bien des douceurs

      Filant à la force du courant

      Vers des jours bien meilleurs

      Elle se repend sans retenue

      Elle se fait alors aimable

      Vous déclarant la bienvenue

      Quand elle devient navigable


      Refrain

      Dans l’Océan elle se jette

      Terme de son long voyage

      Déjà nous on la regrette

      Perdue si loin de nos rivages

      À force de péripéties

      Son chemin est fait d’histoires

      De légendes et de récits

      Qui nous chantent notre Loire

      De légendes et de récits

      Qui nous chantent notre Loire


    • Claude Courty Claudec 17 juillet 2013 16:13

      Non pas pour concourir, je suis trop vieux, mais cadeau, pour échange de bon procédé


      Et me souviens en mourant

      Des douces rives de Loire...

      J. Du Bellay


      Parmi les joncs, dans l’herbe, un cristal qui scintille.

      Elle est née. Vierge et pure, des schistes elle est la fille

      Déjà balbutiant.


      Timide ruisselet, sous la mousse elle murmure,

      Dispensant aux graviers, miroitante parure,

      De l’eau vive le chant.


      Elle s’éveille au grand jour. Elle hésite un instant

      D’un plan d’eau prisonnière, puis elle prend son élan

      et va s’aventurant.


      Ru menu puis ruisseau, elle dévale les pentes,

      bondit de roc en roc en cascades ardentes

      Et se gonfle en torrent.


      La Loire aux pieds des monts impétueuse écume

      Et roule puissamment les eaux portant la grume

      Arrachée aux volcans.


      Et c’est, soudain calmée, un fleuve assagi

      Qui traverse des plaines avant d’avoir choisi :

      La mer ou l’océan ?


      La Loire alors s’endort aux flancs du sable blond

      Qu’elle étreint en ses bras en un amour profond,

      Sous des cieux consentants.


      Opulente et coquette elle pare ses coteaux

      De l’écrin de ses vignes, de l’or de ses châteaux,

      Comme autant de joyaux.


      Elle flâne tourangelle et caresse angevine

      La pierre, le tuffeau, qui la parant, divine,

      Se mirent en ses eaux.


      Elle baigne un court instant des berges portuaires

      Avant de se donner en un long estuaire

      Au sel et aux roseaux.


      Puis en mouvants reflets, sous les lourdes paupières

      Que font à ses rivages de paisibles vasières,

      La Loire en un voyage qui touche à sa fin,

      Se mêle à l’Atlantique et s’y noie de chagrin.


    • C'est Nabum C’est Nabum 18 juillet 2013 18:46

      Claudec


      Je suis contraint de m’incliner


  • Vipère Vipère 16 juillet 2013 19:09

    N’avez-vous pas le fondement moisi, depuis tout ce temps, cher auteur ?


    Loin de moi, l’idée de vous détourner des charmes de la patronne des lieux, mais quelques mauvaises langues, ont cafté grave sur elle. 

     Des ragots de vipères peut-être, rien n’est sûr. On dit que la patronne aurait tendance à mouiller son lit quotidiennement ! 

    Entre nous, se glisser dans son lit trempé tous les jours, ne doit pas que comporter des désagréments... quoique ! 

    D’autres baveurs, de gros goujats, racontent que son incontinence serait tellement insupportable que certains, ont voulu lui apprendre les bonnes manières en lui filant de bonnes trempes à coups de rames.

    Méfiance, la pisseuse à une mémoire d’éléphant, et un jour ou l’autre, sans préavis, vous vous retrouvez , le bec dans l’eau, à boire la tasse, un bouillon de poisson, façon « à la nage » smiley


    • C'est Nabum C’est Nabum 16 juillet 2013 19:57

      Vipère 


      Comme ce voyage est sans fondement, la question ne se pose pas au fond.

      Comme on fait son lit on se douche !

      Boire la tasse, le petit doigt en l’air, c’est la seule manière de se montrer digne de la dame !

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