jeudi 2 août 2018 - par C’est Nabum

Dos et pont d’ânes

 La route se partage.

Marcher sur les sentiers avec un âne engendre immanquablement la sympathie. Plus que le cheval qui effraie et maintient à distance le passant, nos amis aux grandes oreilles attirent et séduisent. Il est à croire que les humains se reconnaissent dans la dimension faussement débonnaire de cet animal intelligent et affectueux. Ceci ne suppose aucune exception pourvu que les individus de rencontre soient sur leurs deux pieds.

L’évolution de l’espèce curieusement qualifiée de Sapiens implique néanmoins une variable de taille quand quelques spécimens qui se distinguent de la grande masse par leur capacité à la fulgurance, prennent le volant. C’est certainement un complexe qui explique leur cécité à l’autre, quand protégés qu’ils sont dans l’habitacle, ils se pensent seuls au monde.

Fort heureusement de drôles de zèbres de cette catégorie semblent de moins en moins nombreux sur nos routes vicinales et départementales. Quittant les sentiers balisés, il nous fallait parfois, quelques centaines de mètres, accepter de cohabiter avec les engins automobiles. L’âne est assez retors à cette rencontre, il faut bien l’avouer.

Ses oreilles se dressent, son souffle se fait plus puissant. Il se fige parfois et toujours, cherche à se retourner, provoquant immanquablement une gêne supplémentaire pour celui qui arrive sur la chaussée. Le plus souvent, un sourire immense répond à vos gestes confus, les uns s’arrêtent, les autres ralentissent et tous de comprendre que l’équipée n’est pas aisée.

Les engins agricoles quoique conduits le plus souvent par des gens proches de la nature, constituent des croisements plus délicats. Le tracteur et ses descendants, équipés désormais de gyrophares et appareils toujours plus conséquents, se rappellent avoir détrôné chevaux, bourricots et bœufs. Ils en imposent et en dépit de leurs patelins pilotes, effraient les malheureux équidés. Fort heureusement, s’ils sont massifs, ils ne vont pas vite. Il est possible d’anticiper ce moment délicat.

Ce qui n’est pas souhaitable, c’est la rencontre inopinée d’imbéciles, des sombres abrutis se prenant pour les seigneurs de la route et filant à allure rapide sur l’asphalte. Si nos ânes sont bâtés, ils sont à l’inverse de ceux-là, d’une grande placidité. Il leur en fallut pour traverser le pont aux cons, déplorable contre-pétrie qui eut la Loire pour théâtre. Pour bien comprendre le propos, il convient tout d’abord de vous expliquer que nos amis à quatre sabots, n’ont pas le pied marin, c’est là leur moindre défaut. Une flaque d’eau sur leur chemin les inquiète, une petite rigole, les trouble, un ru les bloque.

Alors imaginez donc traverser un pont, d’autant plus quand celui-ci enjambe la rivière en amont du barrage. Il est long, haut, massif. Il faut alors développer des trésors de persuasion et quelques promesses de carottes pour obtenir que nos compagnons de voyage se lancent dans l’aventure.

C’est alors que nous croisâmes, consécutivement et le temps de cette unique équipée, quatre chauffards, fous du champignon et absolument incapables d’interpréter les signes de ralentissement que nous voulions bien leur faire. Sans même s'écarter de leur route, ils sont passés au ras des bêtes, répondant à nos gestes de dépit par des messages non équivoques sur leur grandeur d’âme.

JPEG Ceux-là, sont sans doute les derniers représentants d’une espèce dégénérative, des individus que j’espère hybrides et stériles, tant il convient de les éradiquer de nos routes. Il se trouve qu’ils représentaient un parfait échantillon de la population, deux hommes, deux femmes, d’âges et d’origines différents, pilotant des véhicules de cylindrées très variables.

Pourquoi le hasard voulut-il que les quatre plus insupportables automobilistes circulant dans ce pays se trouvent précisément sur notre chemin à cet endroit précis ? Je ne peux vous le dire. Je souhaite simplement que ce pauvre billet vienne jusqu’à leurs oreilles qu’il convient de tirer généreusement. Quant à nos ânes, ils se chargeront de leur botter le train.

La route se partage et malheur à qui oublie ce précepte élémentaire. Tôt au tard, je le leur souhaite, ils trouveront sur leur parcours un plus gros, un plus pressé, un plus odieux qu’eux pour peu que la morale se mêle de cette affaire. Hélas, le plus souvent, ce sont des marcheurs, des randonneurs, des cyclistes ou des enfants qui ont le déplaisir de les trouver face à eux. Que ces maudits ânes roulants aillent au diable !

Ponteusement leur.



7 réactions


Réagir