samedi 18 février 2023 - par C’est Nabum

Incartade

 

La carte mauvaise carte

 

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Pour l'heure, son chemin était tout tracé, il n'avait qu'à laisser se dérouler ce fil d'Ariane, baigné de bons sentiments et d'heureux présages. Une diseuse de bonne aventure lui avait annoncé que ses lignes de vie et de chance lui présageaient le meilleur. Il l'avait remerciée mais il avait toujours entendu sa grand-mère dire que deux avis valent mieux qu'un.

Dans ce domaine de la divination et des supputations hypothétiques, cette précaution n'avait rien de sage tant il est possible de s'entendre dire tout et son contraire. Pourtant, il céda une nouvelle fois à la curiosité et consulta une cartomancienne…

Mal lui en prit cette fois puisque la dame, le regard noir, tira une mauvaise carte. Un cavalier l'épée tirée qui ne lui inspirait rien qui vaille : mauvaise rencontre, coup fourré, promesse d'algarade ou bien de duel, qui pouvait savoir ?

La prédicatrice se garda bien de remplir sa mission. Son silence était si éloquent qu'il en eut des frissons dans le dos. Qu'avait-il eu besoin de venir briser la bonne impression initiale. Tout ceci n'était sans doute que fadaises mais il venait de tomber dans le panneau sans crier gare.

Il quitta la fête foraine, l'âme en peine, l'humeur massacrante. Jamais, ô grand jamais, il n'avait jusque-là accordé la plus petite importance à ces pratiques qu'il jugeait d'un autre âge. Lui le cartésien, l'homme moderne, il venait de sombrer dans la plus stupide superstition. Pire encore, il lui avait été servi deux versions diamétralement opposées et pourtant, au lieu d'attester la vacuité de la chose, il plongeait la tête la première dans la plus funeste. Quel imbécile !

Il avait l'esprit chamboulé au point de se refuser à rentrer chez lui. Il lui fallait s'isoler, éviter le commerce de ses semblables, trouver dans la nature, la quiétude pour sortir de cette tempête intérieure qui se fondait sur du vent. Il avait beau tenter de se raisonner, cette funeste carte tournait en boucle dans son cerveau en ébullition.

Il alla tenter de trouver la paix au bord de la rivière, à l'écart de la ville. Il marcha longtemps, trouva un îlot de sérénité : une petite plage dissimulée derrière un rideau dense de végétation. Il s'assit sur le sable, regarda la Loire couler, se perdit dans ses flots pour finir par s'endormir, le calme en lui revenu…

Il fut réveillé au petit matin par les chants des oiseaux célébrant le retour du jour. Il ouvrit les yeux, subjugué par le spectacle qui s'offrait à lui. La brume formait au ras des eaux une couverture blanchâtre qui se déchirait parfois, laissant entrevoir une vision fantomatique. Il avait tout oublié de ce qui pouvait justifier sa présence en ce lieu à cette heure. Il lui fallait rentrer pour que son épouse ne s’inquiète pas.

Quand il ouvrit la porte de son domicile, en dépit de l'heure très matinale, il trouva les lumières allumées. Sa femme tournait en tous sens, un téléphone à la main. Elle se retourna au bruit de la porte et le fusilla du regard. Il avait la mine aussi défaite que sa vêture. Il est vrai qu'il avait passé la nuit sur le sable.

Sans qu'il ait eu le temps de s'expliquer, il reçut une volée de propos amers, des griefs, des accusations, des remontrances le tout avec cris et menaces. Madame lui reprochait une incartade, une entorse sur le contrat de mariage. Il avait découché le jour même de l'anniversaire de leur union. Il venait de mettre un coup non pas de canif mais d'épée dans cette merveilleuse entente tacite.

Dans sa fureur, sa compagne avait travesti l'expression. Il voulut le lui faire remarquer ce qui ne fit qu'empirer son état. Il bredouillait de vagues excuses, ne pouvant lui avouer une vérité aussi banale que ridicule. Il reçut sur la tête un sac et l'injonction de le remplir et de filer séance tenante de rejoindre celle avec qui il avait passé la nuit.

Cessant de pratiquer l'esquive, quitte à passer pour le dernier des imbéciles, il cessa de jouer l'évitement, le jeu de barre. Il la pria de se calmer et lui fit le récit de son incroyable soirée. Par bonheur, il avait gardé les deux tickets qui lui avait permis de consulter les madames Irma de la foire. Il narra par le menu leurs prédictions et ses réactions.

Sa femme rit devant pareilles fredaines puis tous deux s'embrassèrent. Retrouvant la paix en sa maison, il demanda alors le sens de ce curieux mot dont il avait oublié le sens : « incartade ». Ils ouvrirent un dictionnaire, madame parcourut la définition à haute voix et éclata de rire. Monsieur s'enquit, intrigué des motifs d'une telle réaction.

Elle lui répondit qu'il se prenait à coup sûr pour monsieur Littré. L'homme exprima la plus totale incompréhension ce qui mit en joie sa camarade de jeu. Tout en riant encore, ce qui rendait son propos peu aisé à suivre, elle évoqua une mauvaise carte espagnole, une esquive d'un coup d'épée italien. Il fut encore question de fredaines, d'algarades, de frasques et de propos extravagants.

Il se résolut à prendre à son tour le gros ouvrage et comprit qu'ils venaient tous deux de mettre en application à la lettre, la définition pourtant assez complexe de cet ouvrage de référence. Il tourna de nombreuses pages, pour aller jusqu'à la lettre R. Il mit le doigt sur le verbe transitif « Rabibocher » et demanda à sa partenaire de lire à son tour.

Elle saisit immédiatement le sens de sa quémande. Elle le prit par la main, lui demandant de le suivre sur un autre lit que celui de la rivière. Ce qui se passa alors ne nous regarde pas. De cette histoire qu'il convient de prendre au pied de la lettre, il faut retenir que le plus formidable livre d'aventure est sans contexte un dictionnaire, pourvu qu'on sache en tirer parti. J'ai tenté d'illustrer mon propos par un exemple, pour vous en convaincre.

À contre-sens.

NB : Allez donc chercher le mot Algarade dans un dictionnaire pour éclairer vos lanternes et cessez donc de compter uniquement sur votre téléphone et monsieur Google.



7 réactions


  • juluch juluch 18 février 2023 16:58

    Une querelle venant d’un quiproquo de chiromanciennes mal inspirées.  smiley


  • JACQUOU JACQUOU 18 février 2023 20:47

    LA BONNE AVENTURE

    Un jour que j’avé quitté ma petite masure au fond de la forêt, pour allé au village et que j’attendé dans la file du marché pour palpé les melons, j’y eu la fortune chanceuse de me retrouver à coté de la jeune Ariane, occupé à décollé de sa main des ognons fragiles. Non ! Elle été pas jolie mé elle m’interéssé parce que j’avé remaké qu’elle me faisé les yeux rous comme le renar. Que depuis quelque temps je me disé que peut-etre je pourré lui passer la dague au bois pour la débrouissailler rapidement et devenir son propriéterre. Il faux que je vous dise qu’ici c’est comme ça ! On débrouissaille une jeune fille, on devient propriéterre, on la mé dans son près carré, que les autres y peuvent plus venir pisser autour sans risquer de se faire défourailler. J’ai jamé compri, mon papa y me disé toujour : toi mon fiston avec les dames t’aura pas les époles pour etre propriéterre, mé avec un peu de la chance, une foi où deux tu pourré etre prioriterre.

    Alors j’engage la conservation et l’invite à se promené jusqu’à l’autre bous du village où se trouve le fourbe anal, et que tous les hommes y vienne s’y faire leur mie, que la température elle y est beaucou plus élevé que partousailleur. J’y avé observé non loin un joli ciprès que je me disé qu’y pourré anoblir naturellement la distance entre un jeune homme et une damoiselle. Mais à peine elle fut adossée à l’arbre, face à moi, que j’y senti durcir mon ciprès comme le chêne ! Et sans avoir le temps de tourner sept fois ma langue dans ma bouche que la sienne s’y été engoinfré me délivrant une bonne livre de salive exitente. La sève montante, j’y soulevé sa jupe et à ma grande surprise j’y trouvé la foret pas si vierge que ça parce que elle été toute débrouissaillée . Que je me suis dit qu’y devé sans doute y avoir du propriéterre la dessous et qu’y fallé faire vite ! Dans ma précipite action, j’y est investi le terrier du renar que j’y pensé pas aussi étroit !

    Une petite voie déchainée s’éleva : "Ton ciprès est entré dans mon cul, mais pour une foi que j’en tien un, je le garde encore un peu !" La sève éructa de mon tron, comme celle d’un saigneur de bout de table, dans une dernière secousse de ma doulciné..

    Hé bé ! c’est la seule foi de ma vie que j’y été prioriterre ! 


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