La riposte se précise
Ce texte tente une synthèse entre la ministre Christine Albanel, notre collègue Guillaume Champeau et Alphonse Allais.
Parmi les mauvais comportements ayant conduit à cette situation, on pourra citer :
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une société 	d’électronique japonaise ayant vendu des fichiers incluant un 	dispositif de nature à mettre en cause la sécurité 	de l’ordinateur des clients ;
	
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une société de 	logiciels américaine ayant vendu un système 	d’exploitation instable et refusé d’assumer la responsabilité 	des désagréments subis ;
	
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de nombreuses sociétés 	ayant vendu des fichiers ne pouvant être utilisés que 	sur certains dispositifs, sans que cela n’ait été 	indiqué ;
	
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des sociétés vendant 	des œuvres protégées dont elles n’avaient pas acquis 	les droits de distribution.
Sans parler de la triste litanie de publicités mensongères, terrorisme, pédophilie, dénigrement, « happy slapping », excès de vitesse et « journalisme citoyen ». Les actions en justice sont trop longues pour être dissuasives à cause de l’engorgement des tribunaux causé par le scooter de Jean Sarkozy.
Face à ce constat, le gouvernement a constitué une commission représentant l’ensemble des parties concernées, c’est-à-dire le secrétaire d’Etat aux Nouvelles Technologies et à l’Identité nationale du Développement durable, le ministre des Affaires et les présidents des associations de consommateurs. Cette commission s’est réunie au « Café de l’industrie et du commerce réunis », où elle a dégusté des quenelles au brochet. La ministre de la Justice, qui n’était pas invitée, portait un ensemble Dior à volants et crinoline de couleur réséda légèrement échancré. Après le digestif, les participants ont signé un rapport commenté la veille devant la presse.
Après plébiscite de ce rapport par La Nouvelle Revue agricole, le consensus a permis la rédaction d’un projet de loi dit « consommation et internet ». Ce projet a été soumis aux deux instances concernées qui l’ont approuvé, sauf la Cnil et le Conseil d’Etat. Puis la discussion immédiate à l’Assemblée nationale a été décidée par Carla, selon la procédure d’urgence pas prévue par la réforme des Institutions conjugales.
Le projet de loi « Consommation et internet » vise à éliminer les pratiques abusives de vente sur internet par la prévention et la répression. La prévention sera mise en œuvre par « filtrage » et la répression selon la procédure de « riposte gratinée ».
Le « filtrage » consiste à faire en sorte que les internautes ne puissent techniquement avoir accès à un site susceptible de vendre des produits défectueux ou d’afficher des publicités mensongères. Cette technique sera mise en œuvre à leurs frais par les fournisseurs d’accès à internet quand elle aura été inventée et que ces derniers auront fini de payer leur contribution volontaire aux recettes de France Télévision et du RSA. Certains essais réalisés en Syldavie et en Corée du Nord montrent que le filtrage peut effectivement être expérimenté, si on y tient.
Différentes techniques de filtrage ont été proposées. La technique IPT (pour « Internet Protocol Termination ») a selon ses promoteurs une grande efficacité et est bonne pour l’environnement. Elle consiste à rejeter toute communication. Leur argument est que "publicité mensongère" est un pléonasme. La technique PSR (pour « Preferred Supplier Redirection ») consiste à rediriger toutes les communications vers l’URL www.carlabruni_buymycd.gouv.fr. Elle simplifie la navigation. Il existe une technique concurrente dite « Preferred Dati Dresses Pics Redirection ». La technique OKF (pour « Obnoxious Keyword Filtering ») repose sur l’analyse en temps réel du contenu du site auquel l’internaute cherche à accéder, et la détection de certains mots-clé rédhibitoires comme : “promo”, “viagra”, “microsoft”...
Le programme de déploiement est le suivant : le filtrage sera d’abord rendu obligatoire, puis l’on vérifiera s’il fonctionne, puis l’on se demandera s’il sert à quelque chose, et on lancera enfin une « grande concertation nationale ».
La « riposte gratinée » est une technique de répression brutale et distrayante. Les associations de consommateurs seront habilitées à définir, sans publication ni recours pour plus d’efficacité, ce qu’est un comportement commercial loyal, et à identifier secrètement les sites qui y contreviennent. Elles transmettront l’adresse internet de ces sites à une nouvelle autorité administrative, la “Haute Autorité des droits organiques des consommateurs”, qui pourra, sans préjudice des actions en justice éventuellement intentées, prononcer sans avertissement une ou plusieurs des sanctions suivantes, par tirage au sort :
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envoi d’un blâme, par mail ou 	courrier recommandé ;
	
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interdiction d’accès à 	internet, pour une durée de 1 à 3 000 mois ;
	
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copier cent fois « je 	ne dois pas entuber mes clients » ;
	
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affichage, sur la page d’accueil 	du site, de la mention « Attention, escroc ! » ;
	
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subvention de 700 milliards de 	dollars, soit 56 euros, réservée aux gros fraudeurs.
Ces sanctions ne sont pas pénales, mais administratives et relatives à la négligence du vendeur concernant les règles de bonne conduite qu’il aurait quand même bien dû deviner s’il n’avait rien à se reprocher. Elles pourront faire l’objet de recours non suspensifs devant la Cour des miracles.
Pour remplir sa mission, la HADOC pourra se faire communiquer toute information relative à l’identité du délinquant, de sa famille et ses relations, à ses orientations politiques, religieuses et sexuelles. Les associations de consommateurs et la HADOC pourront conserver indéfiniment les informations consignées, qui ne seront l’objet d’aucun droit de rectification. La HADOC tiendra à jour un grand « fichier public des entreprises déloyales », dont elle monnayera l’accès pour couvrir ses frais de fonctionnement.
Le programme de déploiement est le suivant : la riposte gratinée sera mise en œuvre, puis, s’il reste des vendeurs en ligne, on les taxera. Ensuite, on prendra l’apéritif. Après-midi libre.
Le projet « Consommation et internet » est conforme aux textes supérieurs concernant en particulier les libertés individuelles, puisqu’il ne retire pas au vendeur sa liberté inaliénable de râler. D’ailleurs, tous les textes européens contradictoires seront abrogés. Le projet est conforme à la tradition d’excellence du droit français :
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assez général pour 	qu’aucun comportement ne puisse être présumé 	licite ;
	
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assez flou pour augmenter le 	chiffre d’affaires des professions libérales ;
	
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assez technique pour être 	dépassé avant de recevoir un décret 	d’application et maintenir l’activité législative 	future.
Nous invitons d’ores et déjà tous les promoteurs de nouvelles expériences amusantes sur internet à se réunir pour la préparation de la prochaine grande loi au « Café du commerce et de l’industrie réunis », open bar le samedi.