mardi 25 février 2020 - par C’est Nabum

Les gagnants du Gros Lot

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Après le grattage, beaucoup de tirage entre eux.

Ils avaient gagné au loto, un billet collectif tiré dans une urne qui leur donnait droit de voir la vie non pas en rose (couleur prohibée dans ce joyeux collectif) mais en bleu de telle sorte que certains parmi eux entrevoyaient des horizons nouveaux. Ils se rêvaient premiers de cordée, entrevoyaient la possibilité d’échapper à la petite rengaine provinciale, imaginaient voyager à travers le monde sans bourse déliée (si je puis dire…). Pourtant les contraintes du groupe avaient imposé un choix plus raisonnable.

En bons rentiers qu’ils allaient devenir, ils décidèrent de s’installer dans un bel hôtel particulier de briques et de moulures du XVIe siècle. Ce serait leur vie de château. Le plus compliqué cependant allait être la répartition des pièces. Tout le confort pour les heureux élus, les « rabicoins » et les cagibis pour les autres. Fort heureusement les communs avaient une telle classe que les mécontentements ne se firent pas entendre au début de leur vie collective.

Tout se passa pour le mieux au début même si la meilleure place à table changea de mains ou bien de fesses. Les repas furent présidés par un ami de celui qui, victime de troubles digestifs, avait été contraint de laisser la place. La passation de pouvoir s’étant déroulé en bonne intelligence du moins le pensait-on alors.

C’est bien plus tard qu’un plat provoqua le premier choc, instillant dans la belle compagnie les ferments de la discorde. Un canard laqué n’eut pas le bonheur de plaire à tout le monde, certains en eurent des aigreurs d’estomac quand d’autres gardèrent trop longtemps la chambre. L’affaire fit grand bruit dans cette communauté de destin qui pour la première fois découvrait les affres de la discorde.

Les disputes furent si véhémentes que la domesticité ne peut rester à l'écart. Le bruit circula dans la ville qu’il y avait de l’eau dans le gaz. Deux coqs se disputaient à nouveau le privilège de présider une cène autour de laquelle les judas ne manqueraient pas. Les colocataires se déchiraient le pain et buvaient un vin qui tournait au vinaigre. La vie n’était plus un long fleuve tranquille.

Certains versèrent des larmes de caïmans sur leur amitié passée. D’autres au contraire, tout feu tout flamme se prenaient pour un dragon vengeur. Le ménage allait être fait et pour bien montrer que la rupture était consommée, il fut établi des listes différentes pour vivre une nouvelle aventure en ce bel hôtel des courants d’air.

On se battait froid dans les locaux, il y eut désormais plusieurs tables, plusieurs services. Il n’était plus envisageable de rabibocher tout ce joli monde d’autant qu’un nouveau tirage dans le pays avait changé la donne, introduit dans la région des gagnants jusqu’alors inconnus, d’heureux élus qui ne demandaient qu’à trouver une petite place en investissant l’escalier d’honneur.

Le drame couvait, il fut bientôt exposé sur la place publique. Les PACS rompus, les contrats déchirés, des valises seraient bouclées au plus vite pour dégager les indésirables. Mais qui seront ces renégats ? Chacun regardait attentivement dans l’autre aile d’un hôtel subdivisé en plusieurs clans. La guerre était ouverte, la ville entendait le bruit des scènes de ménage.

Plus l’échéance s’approchait, plus le nouveau bail se profilait et plus les tensions étaient perceptibles. Les noms d’oiseaux s’échangèrent, un godelureau de la forêt voisine qui un temps se rêvait aux premières loges vint semer la zizanie avec sa faconde habituelle. Pour corser le tout, une dame claqua la porte au nez de plus en plus enrhumé de son chef de clan.

L’hôtel était sens dessus dessous. Les algarades faisaient rage, les batailles de polochon animaient les soirées dans un grand carnage de plumes. Il était de plus en plus évident que le mieux pour conserver encore debout ce bel hôtel particulier eut été de changer tous les locataires. Mais cela est plus facile à dire qu’à faire. Quand on vit dans un tel confort, on s'accroche dur à ses privilèges quitte à se vautrer dans le ridicule. Décidément, tout finira à la courte paille pour que les mouches puissent choisir leurs nouveaux ânes.

Hostelleriement leur.

Illustration de Luc Guihard

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4 réactions


  • juluch juluch 25 février 2020 21:23

    Pas mal dis donc !!


  • Le421... Refuznik !! Le421 26 février 2020 08:25

    Le palais de l’Élyzée ?

    Non, quand même pas ??  smiley


  • fcpgismo fcpgismo 27 février 2020 14:48

    Depuis que les 1% ont décidé de se payer des putes de luxe pour faire avancer leurs intérêts les gueux ont l’impression de se faire de plus en plus baiser, d’autant plus que ces putes de luxe se prennent pour mère Thérèsa. «  Putes de luxe n’est en aucun cas une insulte cette expression qualifie un personnel politique qui passe son temps à nous séduire à racoler sur tous les médias pour nous enfiler sans vergogne. »


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