vendredi 29 août 2008 - par Pelletier Jean

Lettre du futur... avis aux artistes !

Fabrice écrit à son meilleur ami Julien, nous sommes le 26 avril 2030.

Lettre à Julien Signol

Paris, le 26 avril 2030

Cher Julien,

Comme je te sais toujours aussi investi et féru de nouvelles technologies et pour te distraire de ta retraite de travail, je tenais à te narrer par le menu détail l’aventure que j’ai vécue, il y a de cela deux ou trois jours. Je connais un certain passage à vide depuis quelques mois, les tournages se font de plus en plus rares et, quand bien même j’obtiens un cachet de quelques jours pour une minisérie au petit format, ce n’est pas très bien payé.

En fait, le cachet est au format de la diffusion : de la taille d’un téléphone multimédia. Je tourne aussi de moins en moins pour la pub, qui me ravitaillait pourtant de façon fort utile. Mais la production travaille de plus en plus en image de synthèse et ils font tourner à fond la caisse leurs ordinateurs.

Aussi lorsque j’ai été contacté par le secrétariat d’un agent artistique, la surprise fut plutôt bonne, bien que celui-ci se révéla être d’un drôle de gabarit. Comme tu le sais, je n’ai plus d’agent pour me suivre depuis un bon moment, vu la manière dont ma carrière patine.

Ce type s’appelle Dorian Greswood et son bureau est à Issy-les-Moulineaux dans la Nouvelle Plaine « André Santini » qui regroupe les entreprises de Haute Technologie de la région parisienne… N’ayant rien à perdre et plutôt surpris que l’on puisse faire appel à moi, je me rendis au rendez-vous.

Après avoir attendu une dizaine de minutes, la secrétaire au look particulièrement branché m’introduisit auprès de Dorian Greswood.

Derrière un bureau blanc à la ligne épurée et vide de tout papier, se tenait un jeune type d’une trentaine d’année, il me fit signe de m’asseoir.

- « M. Verdi, merci d’avoir répondu si vite à mon invitation. »

- « De rien, cher Monsieur, mais je vous avoue que je suis un peu intrigué par votre démarche. Qui vous a communiqué mes coordonnées ? »

- « En fait, personne, ou du moins il s’agit d’une base de données où je vous ai trouvé à partir d’une sélection multicritères. »

- « Puis-je vous demander quels étaient les critères en question ? »

- « Bien sûr, il n’y a rien de secret en cela, je cherchais un homme, la cinquantaine, d’1,80 m, 75 kg, les yeux bleus, un peu dégarni, comédien bien sûr, mais qui surtout, je m’en excuse d’avance, n’a pas connu une carrière particulièrement marquante, en fait qui soit peu connu du public. »

- « Je suis loin d’être le seul dans ce cas, pourquoi moi ? »

- « Eh bien M. Verdi… En fait j’ai pu constater sur la base que vous n’aviez pas travaillé depuis un bon moment. »

- « Vous voulez sans doute dire que je suis sur la touche et que cette mise à l’écart dure depuis plusieurs mois. »

- « En effet et c’est pourquoi je suis prêt à vous faire une proposition financière qui devrait vous intéresser. »

- « Je vous écoute très attentivement ».

- « En fait, je dirige un agence artistique d’un genre un peu particulier, mais très adaptée aux nouvelles exigences de la production audiovisuelle actuelle, de la concurrence que vous savez sévère avec les pays de l’Est. Je mets à disposition des productions des comédiennes et des comédiens virtuels… »

- « Virtuels… Je ne comprends pas bien, vous faites allusion à de la motion capture, si c’est le cas j’ai une certaine expérience, j’ai commencé ce type de travail, il y déjà une vingtaine d’année… »

- « Ce n’est pas tout à fait la même chose, le contrat que je vous propose comprend la cession totale de votre image… nous avons technologiquement aujourd’hui la possibilité de vous enregistrer en tant que personne, de faire de vous d’une certaine manière ce que l’on appelle un "avatar", si vous pratiquez les jeux vidéo, vous voyez ce que je veux dire. »

- « Mais qu’elles sont les conditions exactes de la cession ? »

- « Bien entendu, étant propriétaire exclusif de votre image, vous ne pourrez plus vous proposer comme comédien, mais il vous restera la voix, vous pourrez toujours faire du doublage. »

Ainsi cher Julien, ai-je vendu mon âme au diable pour trouver provisoirement une paix matérielle. J’espère que du fond de ta savane africaine, ton travail avance, loin des avanies du monde moderne et que tu nous reviendras paré d’une belle symphonie.

Fabrice.



25 réactions


  • LE CHAT LE CHAT 29 août 2008 11:32

    On y est presque ! smiley

     je remarque que la notion de pays de l’est existe toujours en 2030, resteront ils encore si attractifs malgré leur passage à l’europe et la rattrapage par rapport aux pays de l’ouest ?


    • Pelletier Jean Pelletier Jean 29 août 2008 12:38

      @le chat

      c’est faire abstraction d’un éventuel retour à la guerre froide qui "repolarisera " une partie de pays de l’Europe centrale dans un retour au sein de l’URSSS..

      bof..... tout cela est de la fiction mais peut êtr pas pour le droit des artistes interprètes ... qui lui est bien menacé quelque soit le scénario de la fiction.

      bien à vous.

      Jean


  • Deneb Deneb 29 août 2008 12:09

    ...format de la diffusion : de la taille d’un téléphone multimédia...

    vous remarquerez que l’affichage numérique s’améliore d’année en année. en 2030 le vidéophone aura suivant ce rythme l’affichage au définition de l’oeil humain. Quant aux mini-séries, l’humain devenant de plus en plus critique, on ne nous la fera plus avec les "Feux de l’amour". De toutes façons, les intérmediaires artistiques disparaîtront parce qu’il ne sera plus possible de vendre les oeuvres artistiques immatérielles - les artistes rechercheront surtout la notoriété, qui les fera vivre d’une façon ou d’une autre. Les plus cupides se feront sponsoriser par une grosse boite, les autres par leurs fans uniquement. On s’apercevra aussi, avec le temps, que plus on investit de l’argent dans une oeuvre, plus elle acquiert la capacité de manipuler l’esprit du spectateur. J’imagine qu’en 2030 la plupart des gens en seront conscients et rejetteront les oeuvres trop commerciales pour préserver leur liberté de penser. Plûtot que de polariser les capitaux, essayons de polariser les enthousiasmes, le resultat sera au delà de toutes les espérances (comme Wikipedia, par exemple), mais certainement plus proche de l’humain.


    • Pelletier Jean Pelletier Jean 29 août 2008 12:41

      @deneb

      ...... ce n’est qu’une histoire ... mais je crains que quelque soit le scénario de la fiction les droits des artistes interprètes seront menacés..... et que si l’on ne veille pas au grain cela pourrait être terrible pour eux.

      déjà Par Internet et le téléchargement illégal c’est toute l’économie de la musique et bientôt de l’image qui est remise en cause.

      bien à vous.

      Jean


    • Deneb Deneb 29 août 2008 13:01

       Jean Pelletier ...droits des artistes interprètes seront menacés.

      Aujourd’hui ils ne sont pas seulement menacés, mais pratiquement inexistants, vu ce qu’empochent les intérmediaires, les assurances, les banques, la bureaucratie. A l’artiste on explique gentiment que tout cela est ô combien necessaire, et que malheureusement il ne pourra toucher que quelques petits pourcents de ce que son oeuvre rapporte, et qu’il peut s’estimer heureux de pouvoir vivre de son art, ce n’est quand même pas donné à tout le monde. Les artistes sont-ils les meilleurs amis des bureaucrates ? On dirait, vu comment ils les engraissent.


    • Deneb Deneb 29 août 2008 13:06

      Il y a un serieux problème d’interface d’Agoravox. L’ordre de publication de commentaires est singulièrement bousculé, ma reponse aurait du s’afficher après le commentaire auquel je reponds. Je clique pourtant sur "Réagir au commentaire" , et c’est la 2ème fois aujourd’hui que ma reponse s’affiche avant.


    • Deneb Deneb 30 août 2008 08:24

      Pelletier Jean : Par Internet et le téléchargement illégal c’est toute l’économie de la musique et bientôt de l’image qui est remise en cause.

      Vous voulez faire l’economie de la musique ? N’en faites pas, alors.


  • zelectron zelectron 29 août 2008 12:25

    Ne me dites surtout pas qu’on peut faire dire n’importe quoi à un avatar, en particulier de politiques (qui sont des acteurs ?)

    Bien avant 2030 le pseudo d’un quelconque président ou ministre de je ne sais quelque pays, tel un pantin, si réaliste, nous abreuvera de fausses-vraies nouvelles, portant un tord considérable à cette personne.

    La manipulation avatardienne sera née... et même pas subliminale...


  • Forest Ent Forest Ent 29 août 2008 13:54

    Scénario plus que plausible, mais déjà pas mal traité dans la littérature.

    Techniquement, on n’y est pas encore tout à fait. Un concours a été réalisé cette année, consistant à créer un paysage artificiel auquel on se laisserait prendre en double aveugle. Il n’y a pas eu de gagnant. Il me semble qu’il faudra gagner encore un ou deux ordres de grandeur en puissance de calcul pour obtenir des résultats économiquement viables. Mais à la vitesse où ça va ... D’autant que, pour reprendre un article récent de Charles Bwele, les traitements d’image offline sont "parallélisables".

    Ca permettra par exemple de faire du porno sans exploitation commerciale du corps humain. Question juridico-philosophique pour prolonger l’exercice de prospective : faudra-t-il interdire des vidéos pédophiles ainsi réalisées sans acteurs ?


    • zelectron zelectron 29 août 2008 16:05

      Bien sûr que le sujet a été évoqué, je suis d’accord, les progrès foudroyants des industries graphiques vont être boostés par les militaires, politiques et autres services secrets (c’est déja le cas en parti, dans le domaine de la désinformation (ex intox) pour la voix et certaines images d’accompagnement floutées (maquillées) pour faire croire à la réalité.

      Quel monde merveilleux nous allons vivre !


  • Gordon Zola 29 août 2008 13:54

    Je note que beaucoup parlent des droits d’auteur, personne de ses devoirs. Je croyais naivement que ça allait de pair.


    • Pelletier Jean Pelletier Jean 29 août 2008 14:26
      @gordon Zola,


      intéressant.... hum pourriez vous développer ce que vous entendez par les devoirs des auteurs :


      ..... est-ce de nous séduire...... de nous faire rêver.... de nous faire pleurer.... de nous faire rire ?

      mais pour être en état de faire ce travail encore faut-il qu’ils soient justement rémunérer pour se donner les conditions matériels de mettre en œuvre leur création.

      désolé mais je vois nettement plus où se situe le problème des droits et de la rémunération que ..... les devoirs.
      Mais peut être allez-vous m’éclairer sur ce point.

      bien à vous.

      Jean
      @gordon Zola,


      interressant.... hum pourriez vous developper ce que vosu entendez par les devoirs des auteurs :


      ..... est-ce de nous séduire...... de nous faire revêr.... de nous faire pleurer.... de nous faire rire ?

      mais pour être en état de faire ce travail encore faut-il qu’ils soient justement rémunérer pour se donner les conditions matériels de mettre en oeuvre leur création.

      désolé mais je vois nettement plus où se situe le problème des droits et de la rémunération que ..... les devoirs.
      Mais peut être allez-vous m’éclairer sur ce point.

      bien à vous.

      Jean

    • Gordon Zola 29 août 2008 17:11

      Jean : pourriez vous developper ce que vosu entendez par les devoirs des auteurs :

      Bravo ! Vous conaissez vos droits, mais ignorez vos devoirs ! Et bien, pour moi, le devoir d’un artiste est de combattre la médiocrité. Les "atristes" d’aujourd’hui en seraient plutôt complices ! Le devoir d’un créateur serait aussi de nous montrer la voie en créant les oeuvres qui resistent au temps. Là aussi nous avons plutot droit à des étoiles filantes.


    • sisyphe sisyphe 29 août 2008 17:19

      par Gordon Zola (IP:xxx.x66.180.73) le 29 août 2008 à 13H54 				
      				

      								
      				
      					Je note que beaucoup parlent des droits d’auteur, personne de ses devoirs. Je croyais naivement que ça allait de pair.

      Celle là, elle est bonne ! smiley smiley
      On parle souvent du droit constitutionnel, mais jamais de ses devoirs !
      On parle toujours des droits de succession, mais jamais de leurs devoirs !
      On parle toujours du droit à l’image, mais jamais de ses devoirs !

      On parle toujours du droit de réponse, mais jamais de son devoir !

      Gordon Zola, hein ? 
      Un sacré boute-en-train ! smiley


      				

    • Gordon Zola 30 août 2008 08:29

      Sisyphe :
      la constitution, la succession, l’image, la reponse ne sont pas des personnes, l’auteur oui.


    • sisyphe sisyphe 30 août 2008 10:24

      Les droits d’auteur sont les revenus liés à la diffusion d’oeuvres (cd, dvd, livres, films, concerts, musiques diffusées en public).
      Un auteur qui n’est pas acheté, écouté, lu, enregistré, joué, ne touche aucun droit d’auteur. 
      Donc, parler, à propos des droitsd’auteur,de devoirs, est un non-sens absolu. 
      Ou une brève de comptoir


    • Gordon Zola 30 août 2008 13:41

      En somme, l’auteur c’est du fric qui n’a aucun devoir


    • sisyphe sisyphe 30 août 2008 14:23

      Décidément, le gordon zola est difficile de la comprenette. 
      On ne parle pas du droit des auteurs, mais des droits d’auteur : ça y est ? Vous arrivez à faire la différence entre des revenus et des droits ? 
      Sinon, prenez un dictionnaire....
       smiley


  • @politique @politique 29 août 2008 16:03

     

    ’’lettre du futur...avis aux artistes’’


     

    Pauvre ’’comédien’’ qui vit dans la disette financière...ou est mon cachet moi l’artiste qui vit avec ses tripes... ?


     

    Ah la la quel fracas ces révolutions technologiques...


     

    Je ne sais pas quoi penser de vous monsieur Pelletier. Vous m’amusez, c’est déjà pas mal.


     

    Mais sur le fond, vous êtes un éplucheur de poireau qui trouve ici, un terrain de jeux facile pour flatter son ego.


     

    Vous pensez avoir une ’’plume’’ ? Super ! ! !

    Dommage que tout cela sonne aussi creux...


    • @politique @politique 29 août 2008 16:12

      ...Je me suis déjà aussi demandé si la terre ou la cendre pouvait écrire...ou peut être est ce l’inverse ? est ce une impasse ou juste un sens unique ?


    • @politique @politique 29 août 2008 16:15

      ’’ce qui est horrible dans la folie ? c’est qu’elle reste raisonnable ’’


    • Pelletier Jean Pelletier Jean 29 août 2008 16:34

      @politique super, merci pour les compliments.... j’ai hâte de vous lire un peu plus, un peu mieux ..... au plaisir. Jean


    • @politique @politique 3 septembre 2008 18:59

      Bonsoir et merci de votre clin d’oeil. Je n’ai en effet aucune prétention littéraire, à chacun ses qualités. Décontractez vous donc à l’écoute de "shotgun" , qui j’imagine trés certainement ne peut pas faire partie de votre discothèque... , en lisant ces quelques mots, pourtant...la culture ne se farde jamais d’apparats ni d’apparences superficielles.

      trés cordialement


    • @politique @politique 3 septembre 2008 19:02

      ...ou plutôt cela sera t il "dispatch box"...


  • nounoue david samadhi 29 août 2008 23:11

    un peu tirer par les cheveux mais il fallait le vivre pour temoigner merci !


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