Pilote de courses !
Les chariots de feu ...
Pour moi, juste une petite commission.
Toujours soucieux d'aider nos amis en charge du pays et sans cesse à la recherche de nouvelles ressources, je viens aujourd'hui apporter ma pierre à la réflexion budgétaire de nos si chers gouvernants. J'espère de tout cœur qu'ils examineront sérieusement cette suggestion non seulement car elle vient d'une véritable nécessité tout en ponctionnant une catégorie sociale qui échappe le plus souvent au racket fiscal …
Comme chaque samedi, je rentre du marché. Une fois encore, j'ai été frappé ou faudrait-il écrire télescopé, par un étrange véhicule qui fait rage en ce lieu. Devant les étals ou bien dans les allées, l'acheteur ordinaire doit non seulement rester attentif à la provenance réelle des produits présentés, tant les margoulins se prétendant producteurs alors qu'ils ne sont que de vulgaires revendeurs sont de plus en plus nombreux, mais encore il doit surveiller ses arpions car un danger sournois le menace.
Est-ce parce que mon marché habituel se tient sur le quai, là où jadis se tenait un vaste mouvement de marchandises, est-ce encore parce que l'endroit se nomme « Quai du Roy », je ne sais, mais il y a en cet endroit une multitude de chariots et de carrioles qui circulent en tous sens comme au bon vieux temps de la marine de Loire.
Le porteur de panier est souvent en butte aux nombreux encombrements provoqués par ces véhicules incontrôlés. Il doit exercer une observation attentive lors de tous ses déplacements. Un chariot peut en cacher un autre, un autre peut surgir sans prévenir par côté quand d'autres barrent soudain l'allée unique. Le danger est permanent.
Pire encore, le caddie à roulettes est un objet mobile. C'est bien là son aspect le plus sournois. Il peut vous percuter la cheville, car c'est à cette hauteur que sévit ce redoutable engin de courses. Cela d'autant plus que sa conduite n'est pas aisée. Les roulettes vont de l'avant et devancent d'un bon mètre cinquante la poignée de conduite.
Quand il est lancé, il constitue encore une menace car son pilote est souvent sollicité par une foule d'autres préoccupations : la recherche d'une botte de radis au meilleur prix, une conversation d'importance avec une amie de rencontre, une manœuvre délicate. Le bolide peut ainsi changer de trajectoire sans que vous en soyez informé ou bien s'arrêter soudainement sans crier gare. Souvent, le carambolage est inévitable.
C'est son stationnement qui pose sans doute les problèmes les plus délicats. Il y a des conducteurs qui ignorent tout de l'art délicat du créneau et laissent leur fardeau au milieu du passage, il y en d'autres qui usent de leur éclaireur pour tenter de doubler, certains l'abandonnent dans la file pour aller ailleurs sans perdre leur place.
Enfin, le rangement des achats dans ce grand tube si profond n'est lui non plus pas sans risque pour l'usager. Combien de fois ai-je vu disparaître des pilotes tout au fond de leur chariot. Il suffit que l'un d'eux perde pied pour ne plus jamais ressortir de ce terrible piège. Je n'évoquerai pas ici l'état des fraises placées tout au fond qui arrivent en marmelade à la fin du marché.
Comme vous pouvez le constater, ce fléau exigerait une réglementation adaptée, un code du chariot à commissions et sans doute un permis de conduire. Voilà l'idée qui permettrait de trouver des fonds pour notre état exsangue. D'autant que le public concerné échappe le plus souvent à la ponction automobile, l'âge aidant, ils utilisent de moins en moins leur voiture.
Un permis, une vignette sur le chariot, une visite médicale régulière, une assurance obligatoire, un octroi pour circuler sur le marché … Tout est envisageable et je fais confiance à nos hauts-fonctionnaires pour trouver d'autres idées afin d'essorer convenablement cette catégorie qui participe moins que les autres à l'effort national.
Je suis heureux de contribuer modestement à la bonne santé de nos finances publiques. Je fais don de ce billet à l'administration fiscale. Qu'elle en fasse le meilleur usage. Quant à moi, je prendrais naturellement une petite commission.
Chariotement leur.