samedi 13 septembre 2008 - par Georges Yang

Dites le avec des fleurs, surtout des orchidées !

Les fleurs, on apprend à en offrir dès le plus jeune âge. Souvenez vous de la Fête des Mères, où, accompagnant le père avec son petit porte-monnaie, il était rituel d’acheter un bouquet avant d’aller offrir le cadeau atroce fabriqué à l’école, sous l’égide d’un ou d’une sadique qui probablement détestait ses propres parents pour avoir l’audace de faire réaliser de telles horreurs par des gosses supposés innocents. A l’autre bout de la chaîne, nous retrouvons le chrysanthème, fleur quasi obligatoire pour célébrer des morts que l’on a quelquefois trop négligés de leur vivant. Je passerai vite sur le bouquet acheté à 20 heures 18 au fleuriste d’en bas, quand on est invité à dîner et que l’on est trop radin ou fauché pour payer un champagne de marque et que l’on est suffisamment raisonnable pour éviter un vin d’une coopérative de l’Aude acheté à moins de deux euros dans une superette. Mais le sommet de l’art d’offrir se retrouve quand on est amoureux ou séducteur. Et là, on se permet la modestie d’un bouquet de violette, les roses par brassées et en haut de la gamme, il reste l’orchidée.

 
Tout ce romantisme nous est venu de la fin du XIXe siècle, période où il était de bon ton d’offrir ce genre de fleur à l’être aimé ou convoité, qu’il s’agisse d’une femme du monde ou d’une semi mondaine. Car l’orchidée, jadis fleur de luxe ne s’offrait pas aux bonnes pour une relation ancillaire, ni aux petits tapins, encore moins aux ouvrières et aux cousettes. Pour ces petites mains et autres femmes d’extraction modeste, on se contentait de marguerites et de pivoines. Certes il n’y avait pas alors de grande surface proposant la fleur de l’amour par excellence, à quelques euros la tige. Il fallait mettre le prix. Et le prix a recevoir était le lit de la belle d’où la symbolique imagée de la fleur en question.

Car orchidée vient d’orchis, le testicule, la couille ! Nom féminin, orchi : du grec orkhis testicule ; orchite : du grec –itis, inflammation du testicule ! Tout est dit ! Il n’est qu’à regarder la forme de la fleur pour en être convaincu. Nous ne sommes plus au temps des fausses ingénues de l’époque victorienne qui ne savait rien de l’anatomie masculine. Celles qui en reçoivent en offrande de nos jours savent très bien de quoi il s’agit !
 
Offrir des orchidées n’a rien de modeste ; on n’est plus dans le registre de Perval et Delmet de l’amoureux transis et fauché, celui qui va se faire évincer par un plus riche !
 
Pour vous obliger de penser à moi,
D’y penser souvent, d’y penser encore,
Voici quelques fleurs, bien modeste envoi,
De très humbles fleurs qui viennent d’éclore
 
Offrir des orchidées, c’est réitérer avec plus d’élégance la gestuelle métaphorique et hautement évocatrice de Julio Iglésias devant son public féminin enamouré se pâmant à chacune de ses chansons, justement à l’eau de rose. La main en supination (je suis désolé, mais c’est comme cela que l’on dit pour décrire le geste de la main, paume ouverte vers le haut) partant de la braguette et se répandant avec emphase vers l’assistance médusée. Ce geste, que l’on pourrait qualifier d’auguste du semeur dans le sens de l’inséminateur, n’est en fait que le pendant plus explicite de l’offre de la fleur dans sa forme la plus évocatrice et la plus explicite. C’est sous forme de présent le moyen de renouveler la contre pétrie fameuse : « Savourez le goût de Mont-blanc ».
 
Car le langage des fleurs a toujours eu une connotation sexuelle. Qu’on se souvienne de Marguerite Gautier, la Dame aux camélias, qui annonçait déjà la couleur, celle du sang de ses règles et de ses crachats tuberculeux. Cela d’ailleurs me rappelle l’honnêteté, l’innocence et la franchise de certaines filles de bars à Kinshasa qui à la question rituelle « Tu prends une bière ! » répondaient avec candeur : non, pas ce soir, je saigne ! Ce genre de réponse, digne de Reiser, a le mérite de ne pas tromper le client potentiel en dispensant du passage chez le fleuriste !
 
Sous d’autres cieux, le moindre slave orthodoxe, qu’il soit Russe, Ukrainien ou Serbe, quand il dîne avec une femme ne peut s’empêcher d’acheter toutes les roses au Pakistanais de service qui passe en salle, en s’excusant malgré tout quand il y en a moins de cinquante. Le Pakistanais va louer le nom du Prophète pour l’avoir mis sur le chemin d’un tel client et va se ruer chercher glaïeuls, pivoines et tout se qui reste encore en circulation chez les autres vendeurs à la recherche d’un autre Russe. Celui qui n’offre pas de fleurs est un mesquin ou un benêt, comme le pitoyable personnage de Brel qui préfère les bonbons.
 
Mais revenons en France. En 1986, Chirac est excédé par son homologue britannique, Margaret Thatcher ; une histoire de montants compensatoires. Que n’a t’il pas eu l’initiative des faire envoyer une brassée d’orchidées sur un plateau avec une petite carte ! Cela aurait été tout aussi évocateur que la phrase devenue célèbre : « Qu’est-ce qu’elle veut encore, la ménagère, mes couilles sur un plateau ? ». Car, citant encore une fois le grand homme, si « on greffe des foies, on greffe des reins, on greffe tout, sauf des couilles, parce que l’on manque de donneurs. », on ne manque heureusement pas encore de fleuristes.
 
Donc, selon le langage des fleurs, l’orchidée signifie la séduction, la sensualité, mais aussi la fécondité. La couleur de l’orchidée a aussi son mot à dire.
 
Blanche, c’est l’amour pur, idéal
Jaune, elle érotise la relation désirée
Rose, elle essaiera de séduire plus sensuellement que charnellement
Rouge, elle signifie que l’on désire ardemment passer à l’acte au plus tôt
 
Et curieusement, elle symbolise les 55 ans de mariage, un âge où l’on ne doit plus être très performant au niveau du cornet à piston.
 
Offrir des fleurs tient donc souvent du désir sexuel et dans le cas des orchidées de l’exhibitionnisme dans sa forme la plus symbolique. Mais cela n’est pas encore considéré comme un délit en France. Encore heureux, car sinon, une telle interdiction pudibonde verrait immédiatement une levée de bouclier des fleuristes et des horticulteurs qui feraient illico des barrages sur les routes.
Cela dit, un préfet souffrirait moins d’une projection de roses et de pivoines que d’un lancer de choux-fleurs ou de betteraves ! Mais aucun homme, aussi trivial, lubrique ou polisson soit-il n’osera jamais offrir des carottes, des concombres ou des poireaux à sa bien aimée ! Et encore moins un bouquet garni !


5 réactions


    • Georges Yang 13 septembre 2008 11:48

      La racine, certes ! Mais en regardant les fleurs la forme est aussi évocatrice. Voir la pourpre en lien ;


    • Gül 13 septembre 2008 22:36

      Avec un esprit métaphorique, on y arrive très bien cher Philippe. je ne suis pas spécialiste (...de la fleur !) mais en tous cas elle se présente suffisamment sensuelle pour laisser s’ouvrir le spectre de l’imagination...

      Mais, pardon, je minaude...

      Mon cher, Georges, offrez-moi des lys !!! smiley


    • Georges Yang 14 septembre 2008 11:12

      @ GÜL
      Seul un habitant de Vittel peut offrir des lys !
      Et puis, certains n’ont pas le sens de la métaphore


  • Georges Yang 13 septembre 2008 14:33

    Disons de scrotum , je reviens à la photo de votre lien. Et il y a plus explicite dans d’autres variétés Tout dépend comment on regarde, cf les racines de mandragore et de ginseng, certains y voient une forme humaine d’autres non


  • Bobby Bobby 15 septembre 2008 14:30

    Bonjour,

    Les fleurs de toute évidence... sont le symbole du sexe féminin !

    En offrir à une dame, c’est évoquer sans détour la symbolique que tout le monde connaît.

    Goethe préconisait, si on les aime, d’éviter de les ceuillir et de leur laisser ainsi la vie et prolonger en même temps le bonheur d’une harmonie d’une bien meilleure qualité.

    Qui a, de nos jours la volonté de refuser d’offrir un bouquet de fleurs lorsqu’il désire honorer une dame ?

    Bien peu de personnes songeraient à offrir une chansson... peut être aussi évocatrice, mais sûrement moins perturbante... pour les fleurs !

    bien cordialement



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