mardi 9 mars 2010 - par
La ferme des célébrités : un avis de psy
Voici un condensé de quelques idées fortes qui sont ressorties lors d’une émission de radio, le Grand Talk Show avec Yves Hecker le 12 février 2010. Il interrogeait David Etienne, un praticien du site psyenligne sur la ferme des célébrités.
" Qu’est qui fait que l’on regarde cette émission ?
Ces émissions de téléréalité sont comme un grand miroir de notre société qui en caricature tout le fonctionnement. Elles font résonner en nous de nombreuses notions très personnelles. Les producteurs de ces émissions jouent avec celles-ci en calquant leur programmes sur ces moteurs de notre psychisme.
Donc chacun se retrouve dans la peau des acteurs de ce programme ?
Oui chacun s’y retrouve. Par exemple l’émission est pétrie de l’idée de dépendance vis-à-vis de l’image que l’on a ou que l’on donne, du jugement que l’autre nous renvoie. Mais cette idée ressort de manière caricaturale. Cela ne se déroule plus devant un entourage immédiat et limité, mais devant des millions de téléspectateurs. L’idée est même poussée jusqu’à « éliminer » ceux qui n’ont pas une bonne image.
Qu’est-ce qu’apporte cette intrusion dans l’intimité des personnes, est-ce qu’il n’y a pas là un côté pervers ?
Je ne crois pas qu’il y ait de la perversité là dedans au sens courant du terme. Pour le téléspectateur c’est un moyen de vivre par procuration ce qu’il ne réalise pas dans la vie quotidienne. C’est comme un moyen de soulager ses fantasmes, une défense de son psychisme face à des aspirations impossibles.
Par exemple il y a dans beaucoup de personnes un besoin d’être connu ou plutôt reconnu, admiré. Pour répondre à ce fantasme il y a 2 moyens utilisés dans les émissions de téléréalité, et c’est d’ailleurs là que parait l’originalité de la « ferme des célébrités ».
Soit les producteurs placent une personne de tous les jours, à qui le téléspectateur peut s’identifier, dans une situation ou il va être regardé par des millions de téléspectateurs.
Soit ils installent une célébrité dans la peau du français moyen. Or symboliquement quel est le meilleur exemple du français moyen pour l’imagerie populaire que celui du fermier.
On va donc s’identifier à ces personnes un peu comme un enfant à des supers héros de dessin animé ou de bande dessiné ?
Oui c’est un peu la même idée qu’il y a derrière. La grande majorité des individus ont un besoin de reconnaissance. Cela remonte à l’enfance, le jeune qui veut être l’unique pour chacun de ses parents. En filigrane, derrière, c’est l’œdipe et la castration que l’on retrouve.
Mais l’important est que l’adulte s’est construit là-dessus avec toutes ses frustrations qui ont pu être de vraies souffrances. C’est pour cette raison que regarder cette émission c’est aussi un peu comme une défense pour le téléspectateur. C’est un moyen de vivre ses frustrations et ses fantasmes. Et dans ce domaine là nous en sommes tous bien pourvus, consciemment ou inconsciemment.
Il resterait par contre à se poser la question de savoir ce qu’une telle émission a comme effet sur les célébrités elles-mêmes. Comment le vivent-t-ils ? Rien que le titre « ferme des célébrités » est équivoque et dénigrant. Cela veut-il signifier la ferme qu’habitent les célébrités ou la ferme ou sont élevés les célébrités, un peu comme des animaux. Pourquoi a-t-on besoin de rabaisser ainsi une célébrité ? Est-ce pour mieux la mettre à notre niveau et quel est alors le niveau que l’on se donne ?
Il peut y avoir là par contre un coté pervers dans le fait de devoir rabaisser quelqu’un d’autre pour mieux vivre ses fantasmes et ses frustrations."