Affaire des quotas en équipe de France : y a-t-il un coupable ?
La fédération française de football et sa vitrine l'équipe de France ne finissent plus de connaître des déboires...suite à la nomination de Laurent Blanc, les Bleus pensaient retrouver les cimes qu'ils avaient côtoyés il y a quelques années de cela mais voilà que cette nouvelle affaire risque d'ébranler durablement la FFF et plus généralement le football français...
Quand Mediapart a révélé au public cette fameuse réunion où certains cadres de la DTN (direction technique nationale) ont évoqué la mise en place de quotas pour limiter le nombre de binationaux dans les centres de formation et racialisé le problème des critères de sélection des futurs footballeurs professionnels (les Noirs seraient physique et moins technique que les Blancs, ce qui expliqueraient les mauvaises performances de l'équipe de France par rapport à l'Espagne), je n'ai été qu'à moitié surpris. Cela faisait des années que ces débats existaient au sein de la société, le plus souvent accompagnés de sarcasmes sur le manque de représentativité ethnique parmi les bleus. On avait eu Kouchner qui "cherchaient les Blancs parmi tous ces...", Finkielkraut qui parlait d'équipe de France "Black-Black-Black" et la coupe du monde 2010 avait été l'occasion pour de nombreuses personnes de lâcher tout leur fiel sur cette équipe de "racailles" ou les chefs n'étaient que de "petits caïds", équipe de mercenaires qui n'est en rien la vraie France...
C'est dans ce contexte qu'il faut replacer les réunions à huis clos des membres de la DTN. Le déclin de l'équipe de France dans l'inconscient collectif s'expliquait par l'origine des joueurs sélectionnés. On aurait pu citer Hortefeux : "quand y'en a un ça va", c'est quand il y'en a beaucoup qu'il y a des problèmes".
On peut faire plusieurs griefs à l'encontre de Blanc, Blacquart ou Mombaerts :
Le problème des binationaux ne doit pas être esquivé. Il est tout à fait compréhensible que la FFF veuille conserver à la disposition de l'équipe nationale tout le vivier de joueurs qu'elle forme. On pourra rétorquer que les binationaux préféreront toujours l'équipe de France à l'équipe de leur pays d'origine. Cela reste vrai tant que l'équipe de France est compétitive et susceptible de participer et de faire honneur à son rang dans les compétitions internationales, les pays d'origine ne récupérant que les joueurs moins talentueux qui n'avait pas le niveau escompté pour être sélectionné. Néanmoins, ce débat ne doit pas avoir lieu au niveau de la DTN, qui ne s'intéresse qu'aux aspects techniques et non pas aux aspects plus politiques qui sont plutôt du ressort des instances fédérales. Ensuite, c'est au niveau des instances internationales que la FFF doit faire comprendre le tort qu'implique les nouvelles règles quant aux changements d'équipe nationale pour un joueur et demander à ce que les joueurs se déterminent un peu plus tôt sur leur pays de préférence pour l'équipe nationale. De plus, la France permet à ses citoyens de posséder une autre nationalité que la nationalité française et détenir une autre nationalité ne peut être un critère de discrimination (positive ou négative). Le législateur peut mettre fin à cette situation, ceci n'est non plus du ressort de la DTN. Ce qu'a voulu Blancquart, c'est se substituer aux instances fédérales en mettant en place des quotas non avoués, fondés principalement sur les patronymes. Ceci constitue au moins une faute professionnelle et l'idée de Blancquart est à mon avis discriminatoire.
Le problème des supposées qualités physiques que l'on attribuerait aux Noirs et qui expliquerait leur surreprésentation dans les centres de formation (ces derniers privilégiant la puissance physique...) est symptomatique des travers que connaît le football français depuis une dizaine d'années. Je crois qu'un certain nombre de cadres se posent la question de sélection des jeunes enfants en fonction de la couleur de peau. En 1998, le jeu très physique avait plutôt bien marché et ainsi, on avait recruté en masse les enfants qui avaient les meilleures capacités physiques et athlétiques, qui était personnifié par l'homme Noir. Senghor et Césaire peuvent se retourner dans leur tombe à la vue de ces préjugés racialistes, qui ignore une réalité toujours plus empreinte de subtilités. Il y a des joueurs noirs très techniques au petit gabarit, tout comme il y a des joueurs blancs costauds et physiques et sans aucune envergure d'un point de vue technique. Le ut que devrait se fixer la FFF, c'est de sortir de cette lecture racialiste du football, que ce fut en 1998 pour mieux fédérer et encenser une France rayonnante etmultiethnque et brassant toutes les cultures du monde, ou en 2010 pour "redonner une saveur un peu plus locale" à une équipe dont le métissage n'a pas porté ses fruits.
Enfin, on peut mettre en exergue l'effet pervers qui a consisté à faire porter le poids de l'intégration des jeunes issus de l'immigration au monde du football associatif. Au lieu de faire des politiques de la ville cohérente, notamment en mettant des activités culturelles dans les quartiers populaires, on a privilégié les infrastructures sportives car les jeunes de cités devaient se défouler plutôt que s'instruire. Il y a une intelligence qui ne s'acquiert que par le corps mais elle ne suffit pas. Peu a été fait pour ces jeunes populations qui pour certaines ne parle pas français à l'entrée au CP. Le sport est devenu pour certaines collectivités locales une facilité, une forme de corruption intellectuelle pour éviter l'explosion.
Si cette affaire a provoqué autant d'émotions, c'est parce que tout le monde se rend compte que le sport a été un formidable outil pour calmer la clameur qui ne cesse de grandir dans les cités. Si le monde sportif venait à discriminer les Noirs et les Arabes, que va-t-il leur rester ? C'est la question que se pose (péremptoirement ?) beaucoup de gens. D'autant plus que les salaires des footballeurs issus des banlieues populaires (et de l'immigration) peuvent servir à nourrir de nombreuses personnes dans les quartiers. Le fil peut rompre à tout moment : si les émeutes de 2005 venait à se reproduire, les conséquences seraient bien plus graves.