mardi 31 janvier 2012 - par sylvain chanzy

Copenhague célèbre ses héros

Tout juste rentrée de Belgrade, où elle a obtenu dimanche son deuxième titre de champion d'Europe, l'équipe nationale danoise de handball a été accueillie par 10 000 personnes en liesse, ayant bravé le froid pour célébrer leurs nouveaux héros sur la place de l'hôtel de ville.

 Il est 15h30 à Copenhague, le bus des joueurs pénètre sur la place de l'hôtel de ville, de laquelle s'élève une clameur populaire. Les héros sortent un à un, et commencent à chauffer une foule euphorique, brandissant le trophée pendant de longues minutes, avant de pénétrer dans l'hôtel de ville où ils sont reçus par le prince Fréderik, le ministre de la culture danois Uffe Elbaek, ainsi que le maire de Copenhague Frank Jensen. L'occasion de recevoir les félicitations nationales et de goûter aux traditionnelles crêpes offertes par l'hôtel de ville aux acteurs des grandes victoires sportives danoises. Aux alentours de 16h, ils apparaissent enfin au balcon de la mairie. Une multitude de drapeaux danois flotte sur la place. L'hymne national est entonné par des milliers de personnes. La communion entre les joueurs et leurs supporters est totale, pour un vrai moment de fierté nationale.

  Les succès sportifs : ciment traditionnel de la fierté nationale


  Dans un petit pays au poids diplomatique relativement faible, les exploits sportifs des athlètes nationaux ont toujours été l'occasion de grandes poussés patriotiques. Ainsi, un tel protocole et une telle ferveur ont déjà été connus à plusieurs reprises : en 1992 suite à la victoire de l'équipe nationale de football lors du championnat d'Europe, en 1996 suite au succès de Bjarne Riis sur le Tour de France, et en 2008 lorsque la même équipe masculine de handball s'était offert son premier titre européen. Dans une période de crise aussi, les performances de l'équipe ont contribué à répandre joie et fierté au sein des ménages danois. « Nous sommes confrontés à tellement de choses qui vont mal dans notre société actuelle qu'il est toujours bon de retrouver le sourire à travers un tel événement, même si cela n'est pas forcément très important. »,confie au Politiken Henrik Bech Jorgensen, anonyme supporter venu rendre hommage aux joueurs.

 Le contexte dans lequel a été obtenu ce succès a par ailleurs renforcé son aspect émotionnel. Défait à deux reprises lors de la première phase de poule par la Serbie et la Pologne, le vice-champion du monde sortant a frôlé l'élimination et aurait pu rentrer au pays dans un climat moins festif si Mikkel Hansen n'avait pas donné, par un tir au « buzzeur », la victoire aux siens face à la Macédoine lors du premier match du tour principal. Ce fut le tournant de la compétition pour l'équipe du Danemark, et les vertus mentales affichées par les joueurs pour se sortir de cette passe difficile ont contribué à redoubler le soutien et la fierté du peuple danois envers son équipe.

 Ainsi, les derniers matchs de la compétition ont attiré une audience jusqu'alors jamais vue pour des matchs de handball, pourtant sport national au même titre que le football et le cyclisme. La finale contre la Serbie a été suivie par une moyenne de 2,27 millions de spectateurs, avec des pics d'audience dépassant les 2,65 millions lors des dernières minutes, soit près de la moitié de la population du pays. C'est la seconde plus grosse audience enregistrée lors d'un événement sportif après le quart de finale de l'Euro 2004 de football ayant opposé le Danemark à la République Tchèque.

  Mikkel Hansen et Niklas Landin : nouvelles icônes nationales

  Si l'équipe nationale de handball a pu à ce point fédérer son peuple derrière elle, c'est également parce qu'un certain nombre d'icônes nationales ont cristallisé les passions populaires. C'est le cas de l'arrière droit Mikkel Hansen, et du gardien de but Niklas Landin, de loin les plus acclamés sur la place de l'hôtel de ville et réclamés par le public alors qu'ils s'éternisaient à l'intérieur de la mairie pour répondre aux nombreuses sollicitations médiatiques. Le premier, en difficulté en début de tournoi mais décisif face à l'Espagne (2 buts importants dans le money time) et brillant contre la Serbie (9 buts dont 4 dans les 10 dernières minutes du match alors que la menace serbe se faisait sentir), a été le grand artisan du succès danois. Son but salvateur face à la Macédoine, sa capacité à se surpasser lors des grands rendez-vous (il avait déjà inscrit 10 buts en final du Mondial 2011 face à la France), ainsi que son physique de « playboy » ont fait chavirer le pays. Le second a été l'homme de la finale, avec ses 50% d'arrêts. Déjà excellent lors de la finale des championnats du monde 2011 face à la France, et rangé par les spécialistes parmi les meilleurs gardiens du monde, il est devenu une véritable star au Danemark, d'autant plus qu'il a choisi, à l'instar de Mikkel Hansen, de rester jouer au pays au sein du club de Silkeborg.

 L'entraîneur Ulrik Wilbek, tacticien hors pair n'est pas non plus en reste niveau popularité. Ayant offert 6 titres au handball danois (en plus des titres de champion d'Europe 2008 et 2012 avec l'équipe masculine, il a remporté avec l'équipe féminine deux titres de champion d'Europe en 1994 et 1996, un titre olympique en 1996 ainsi qu'un titre mondial en 1997), il est une véritable icône de fierté nationale. Enfin, le vétéran Lars Christiansen, auteur de plus 1400 buts pour l'équipe nationale qu'il fréquente depuis 1992, ainsi que l'étoile montante Rasmus Lauge, brillant face à l'Espagne malgré ses 20 ans, sont également très appréciés.

  De l'or européen à l'or olympique ?

  En remportant le titre de champion d'Europe, l'équipe danoise a confirmé le talent qu'elle avait laissé entrevoir lors du dernier championnat du monde malgré son échec en finale face aux « experts » français. Surtout, c'est une équipe relativement jeune où la relève est déjà performante, quand la France et la Croatie, qui ont dominé le handball des années 2000 et dont nombre de joueurs clés sont déjà trentenaires (Daniel Narcisse, Thierry Omeyer, Didier Dinart, Jérôme Fernandez et Michaël Guigou pour la France, Ivano Balic et Igor Vori pour la Croatie), semblent plus proches du déclin que de leur apogée. Mikkel Hansen, qui fait déjà partie des meilleurs joueurs du monde à seulement 24 ans, a encore tout l'avenir devant lui. Rasmus Lauge est à 20 ans le grand espoir du handball danois, alors que Niklas Landin est déjà parmi les meilleurs gardiens au monde, à seulement 23 ans. Des joueurs comme Nikolaj Markussen (23 ans) ou Henrik Toft-Hansen (26 ans) sont également amenés à prendre une autre dimension. Entourée par des cadres expérimentés, comme Bo Spellerberg mais surtout Lars Christiansen (39 ans), cette pleïade de jeunes joueurs talentueux est amenée à propulser le handball danois au sommet de la hiérarchie mondiale. Peut-être même dès le mois d'août prochain lors des Jeux Olympiques de Londres.

Pour ce faire, il faudra éviter de reproduire une mise en route aussi poussive, qui aurait pu coûter très cher. Il s'agira également pour tous ces jeunes joueurs de confirmer les prestations réalisées en Serbie. Il est souvent plus difficile de se maintenir au sommet que d'y parvenir. Mais le Danemark semble le mieux placé pour succéder à la France au rang de nation n°1 du handball mondial, et il ne fait guère de doute que ce titre européen devrait en amener d'autres. La place de l'hôtel de ville n'a certainement pas fini de s'enflammer.




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