mardi 27 novembre 2018 - par Axel_Borg

Histoire géopolitique de la Coupe du Monde : Episode II - 1934, le Mondial à la Botte du fascisme

La Coupe du Monde 1934 oublie de couronner le magnifique Wunderteam autrichien du virtuose Matthias Sindelar, au profit de la Squadra Azzurra de Giuseppe Meazza. Tout est bien qui finit bien au pays de Mussolini. Amérique du Sud absente ou représentée par des équipes B, équipe d'Espagne volée dans la bataille de Florence, la parodie de compétition ne résiste pas à l'épreuve des faits ...

 

En 1934, la Coupe du Monde apprend l’art du boomerang et de la loi du talion. Vexées de la faible présence des équipes européennes en 1930, les Sud-Américains boycottent massivement la deuxième édition sur le Vieux Continent. En Italie, l’Argentine et le Brésil envoient des équipes bis, sans compter que l’Albiceleste a perdu des cadres comme Luis Monti ou Raimundo Orsi, oriundi devenus citoyens italiens au profit de la Squadra Azzurra. En effet, l’Argentine a vécu à la fin du XIXe siècle une gigantesque vague d’immigration venant d’Italie, dont les familles d’Alfredo Di Stefano ou du pilote automobile Juan Manuel Fangio. L’Autriche du chancelier Dollfuss et l’Italie fasciste du Duce Mussolini sont les favorites de ce tournoi. Bien que fasciste convaincu, le chancelier Dollfuss est assassiné le 25 juillet 1934 en Autriche par des S.S.. Parvenu au pouvoir en Allemagne le 30 janvier 1933 par les urnes, Adolf Hitler écrase la rébellion interne de S.A. d’Ernst Röhm le 30 juin 1934 dans la Nuit des Longs Couteaux … La Suisse voisine, elle, réplique aux agressions nazies en instituant son célèbre secret bancaire. Après avoir gagné l'organisation du Mondial, le président de la Fédération italienne Leandro Arpinati est destitué, car on le soupçonne d'avoir comploté un attentat contre Benito Mussolini. Il est alors envoyé en résidence surveillée et remplacé en 1933 par Giorgio Vaccaro, qui annonce tout de suite l'ambiance avec cette phrase : Le but ultime de la manifestation sera de montrer à l'univers ce qu'est l'idéal fasciste du sport. Tout est dit, les festivités sont prêtes, le spectacle peut commencer... Le tournoi est lui marqué par la bataille de Florence entre l’Italie fasciste et la jeune république espagnole. L’indignation sera telle à Madrid que l’ambassadeur de France en Espagne, Jean Herbette, s’en fait l’écho auprès du Ministre des Affaires Etrangères, Louis Barthou, lequel sera assassiné à Marseille le 9 octobre 1934 lors d’un attentat contre le roi Alexandre Ier de Yougoslavie, qui succombera à l’assaut d’un révolutionnaire macédonien dans la cité phocéenne. En Toscane, après deux matches d’une extrême violence (1-1 et 1-0 en match d’appui), la Squadra Azzurra l’emporte donc sur la Furia Roja, avant de dominer le Wunderteam autrichien du virtuose Homme de Papier Matthias Sindelar, sort de Mozart du football. A la remise des prix de la Coupe du Monde, Matthias Sindelar est interpellé par le gendre de Mussolini, le comte Galeazzo Ciano, Ministre des Affaires Etrangères de l’Italie fasciste. Ciano n’y va pas par quatre chemins pour le faire venir jouer dans la péninsule transalpine : Le jour où vous en aurez de la belle musique viennoise et d’un climat parfois difficile, je pourrais faciliter votre venue dans un grand club italien comme la Juve ou le Milan. Si l’envie vous en prend, n’hésitez pas à me solliciter. Sindelar ne répondra jamais à cette invitation de Ciano, restant fidèle à son Austria Vienne, qui avait battu l’Ambrosiana Inter en 1933 en finale de la Coupe Mitropa … Le sélectionneur britannique de l’équipe de France, George Kimpton, avait lui indiqué ceci à son arrière Georges Verriest pour signifier le niveau de marquage qu’il espérait sur l’Homme de Papier Sindelar  : S’il va aux toilettes, tu y vas aussi. En finale à Rome au stade national du Parti National Fasciste (le stade de Turin ayant lui été baptisé stade Mussolini), l’Italie de Giuseppe Meazza domine la Tchécoslovaquie 2-1 après prolongation. La foule agglutinée autour de Mussolini n’est pas composée de tifosi mais de militants fascistes exaltés qui va hurler pendant trois heures Italia ! Duce ! L’ailier gauche Puc ouvre le score à la 70e minute pour la Tchécoslovaquie. S’en suit un silence de mort dans l’enceinte romaine, un spectacle de désolation seulement interrompu par quelques Forza Italia !, avant qu’Orsi n’arrache la prolongation. Angelo Schiavio marque le deuxième but italien, celui de la victoire. Le Duce Benito Mussolini peut saluer la foule depuis sa loge officielle, bras droit levé et menton arrogant. Bientôt, pour combler le retard colonial de la Botte, le dictateur enverra ses troupes en Abyssinie, l’actuelle Ethiopie ... Première participation de l’Italie, première victoire, le pays commence son idylle de manière parfaite avec la Coupe du monde. Mais les fondations de cette success-story sont nauséabondes et les premiers héros du Calcio ont fait le salut fasciste avant le coup d'envoi de chaque match. Concernant leur capitaine, Giuseppe Meazza, son patronyme est aujourd'hui utilisé pour baptiser le stade de San Siro, partagé entre l’AC Milan et l'Internazionale.



1 réactions


  • Axel_Borg Axel_Borg 27 novembre 2018 17:20

    Le Wunderteam autrichien, plus encore que la Furia Roja espagnole, furent les victimes de la victoire programmée de la Nazionale italienne à domicile devant le Duce Benito Mussolini.

    Cette victoire de la Squadra Azzurra en 1934 fera du football le sport le plus important d’Italie au detriment du cyclisme, meme si le Giro gardera avec Coppi et Bartali un énorme poids jusqu’au milieu des années 50.

    Quant à la Coupe du Monde, snobée par l’Uruguay (en représailles du boycott massif de 1930 de la part des Européens) ainsi que la nombriliste Angleterre, et semi-boycottée par Brésil / Argentine, elle n’était pas encore vraiment mondiale ...


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