mercredi 12 décembre 2018 - par Axel_Borg

Histoire géopolitique de la Coupe du Monde : Episode VII - 1962, Garrincha assure l’intérim

Le Chili reçoit en 1962 la septième édition de la Coupe du Monde. Le roi Pelé se blesse très vite dans une édition marquée par le jeu dur. Le Brésil conserve son titre, exploit seulement réussi par l'Italie en 1934 et 1938, mais qu'aucune autre équipe n'a réussi depuis ...

En 1962, le Chili accueille la septième Coupe du Monde, comme décidé par le Congrès de la FIFA du 10 juin 1956 à Lisbonne. Mais le pays est frappé par un très violent séisme le 18 mai 1960. Nous devons avoir la Coupe du Monde, car nous n’avons rien d’autre, argumente le Chili auprès de la FIFA. L’argument fait mouche. Les organisateurs ont pris un risque, le pays réalisant un effort considérable : à Arica, port franc situé à 2000 kilomètres au nord de Santiago, le stade a été construit à partir de matériaux acheminés par avion. La terre salée a dû être lavée pour y faire pousser une pelouse. La France sort de la guerre d’Algérie par les accords d’Evian. Des navires entiers de pieds-noirs quittent Alger et Oran pour Marseille. 1961 a vu le bloc communiste remporter deux victoires symboliques : l’érection du mur de Berlin et le premier vol d’un Soviétique dans l’espace, Iouri Gagarine, le 12 avril 1961. Par les moustaches de Plekzsy-Gladz ! Comme un symbole, les deux meilleures équipes du Vieux Continent en 1962 seront issues d’Europe de l’Est : Tchécoslovaquie et Yougoslavie, toutes deux présentes dans le dernier carré du premier Championnat d’Europe des Nations organisé par la France, en 1960. Le lauréat, l’Union Soviétique, avait vu l’Espagne faire l’impasse sur leur duel en quart de finale sur ordre de Caudillo ... L’exploit de Gagarine, premier homme dans l’espace en ce 12 avril 1961, est la goutte d’eau qui fait déborder le vase pour le président américain John Fitzgerald Kennedy. Ce dernier décrète que dans la décennie à venir, un Américain marchera sur la Lune. La promesse sera tenue par la mission Apollo 11 menée par Neil Armstrong le 21 juillet 1969, à moins que les images fournies par la N.A.S.A. ne soient signées du virtuose Stanley Kubrick, pour prolonger la magie de son chef-d’œuvre 2001, Odyssée de l’Espace marqué par la sublime musique de Johan Strauss, Ainsi Parlait Zarathoustra et le Beau Danube Bleu. Quelques mois plus tard, la crise de Cuba voit le monde frôler l’apocalypse nucléaire, le bras de fer étant remporté par le jeune président Kennedy face au maître du Kremlin. Le téléphone rouge a failli embraser la Terre entière. Rapidement orphelin du roi Pelé, le Brésil s’en remet à un onze titulaire compact où Amarildo et Vava secondent un Garrincha au faîte de sa gloire. Le panache de l’ange aux pieds tordus supplante à merveille l’absence du roi Pelé, se transformant en une vraie madeleine de Proust pour les amateurs d’un football qui a trouvé son ADN, le jogo bonito. Angleterre, Chili, Tchécoslovaquie, aucune équipe ne résiste à cette tornade carioca nommée Garrincha, qui permet au Brésil de conserver le titre acquis en 1958, exploit seulement réussi par l’Italie en 1934 et 1938, et jamais reproduit depuis. Rayon de soleil de ce tournoi morose, la Seleçao est la seule à offrir encore des scores de baby-foot dans un football de plus en plus défensif … Le match Italie / Chili, surnommé la bataille de Santiago, reste l’emblème de ce Mondial violent et peu spectaculaire : le match est le plus horrible, le plus vicieux, le plus dégueulasse de toute l’Histoire du football. Si vous ne me croyez pas, regardez les images. Mais envoyez les enfants au lit d’abord !, expliquait en 1962 le journaliste anglais Frank McGhee. Son homologue de la BBC, Chris Coleman, lui emboîte le pas : Aujourd’hui, les Chiliens n’étaient pas prêts à être raisonnables et les Italiens venus pour utiliser la violence. Avant le match, le ton avait été donné dans les journaux des deux pays respectifs. Côté chilien, on se vautrait dans le populisme, la propagande et la fierté nationale, avec une devise commune aux différents quotidiens : Par la raison ou par la force. Les Italiens, eux, n’y vont pas de main morte dans le dénigrement : Ici, les téléphones ne marchent pas et les taxis sont aussi rares que les maris fidèles, écrivait Corrado Pizzinelli dans La Nazione. Un autre journaliste italien va encore plus loin, et et devra quitter le pays, un confrère argentin ayant été lynché pour avoir été confondu avec lui dans un bar de Santiago. Voici ce qu’il avait écrit : A Santiago, des quartiers entiers sont ouverts à la prostitution. Il n’y a ici que malnutrition, illettrisme, alcoolisme et pauvreté. Pour l’arbitre anglais Ken Aston, le match devient vite incontrôlable. La première faute grave survient après 12 secondes, la première explication au bout de quatre minutes … L’Italien Giorgio Ferrini refuse de quitter le terrain, ce qu’il fera finalement après dix minutes et l’intervention de policiers armés ! La pelouse n’est plus qu’un terrain vague entre bandes rivales… Le Chilien Leonel Sanchez, fils de boxeur, expédie un crochet du gauche dans le visage de l’Italien Humberto Maschi. Venu venger son coéquipier, Mario David est expulsé. Le match est interrompu plusieurs fois. Le Chili gagne 2-0 contre ces Azzurri réduits à neuf. A Santiago, les ressortissants italiens seront interdits de bars, de restaurants et mêmes d’épiceries … A Rome, le consulat du Chili devra être protégé ! Quant à M. Aston, il se rendra célèbre en inventant des cartons jaunes ou rouges pour matérialiser avertissements et expulsions lors de ce match volcanique. L’idée sera reprise officiellement par la FIFA à partir de l’édition 1970 de la Coupe du Monde.



1 réactions


  • Axel_Borg Axel_Borg 13 décembre 2018 09:20

    Clairement l’un des Mondiaux les plus à oublier : stars absentes ou blessées (sauf Garrincha), jeu dur, pas de match d’anthologie, peu de suspense avec un Brésil au-dessus du lot malgré le forfait rapide du roi Pelé ...


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