lundi 23 octobre 2017 - par Lionel Ladenburger

Laver Cup, le nouveau délice du tennis ?

Après avoir réuni pour la première fois Federer et Nadal du même côté du filet, l’édition inaugurale de la Coupe Laver, qui opposait l’Europe au reste du monde, a été couronnée d’un franc succès. De quoi faire de ce nouveau trophée un futur classique du tennis ? Eléments de réponse.

Il y a tout juste un mois de cela, au terme d’un thriller de haute-volée, l’équipe d’Europe de tennis, emmenée par un certain « Rodgeur F. », s’est adjugé la première levée de la Coupe Laver (prononcée « Léveur »). Inspirée du modèle de la Coupe Ryder de golf, cette grande première s’est tenue à Prague, à guichets fermés, le mois dernier. Et quoi qu’on en dise, alors qu’elle était d’abord plutôt attendue avec méfiance voire même une certaine perplexité, au vu de l’engouement et des performances proposées, il paraît désormais impossible de nier que son baptême du feu aura tenu les nombreuses promesses qu’on nous avait annoncées. Alors, simple exhibition de valeur ou véritable compétition majeure ? Le débat mérite d’être lancé.

Passion, spectacle et niveau de jeu élevé

Dès les premiers coups de raquette, le ton était en effet donné. Les stars de la planète-tennis ne s’étaient visiblement pas donné rendez-vous en République Tchèque pour rigoler. Pour preuve, sept des huit premiers sets, tous particulièrement flamboyants et accrochés, se sont joués au tie-break. Sur l’ensemble du week-end, le sort de 12 des 24 manches disputées (soit 50%) s’est d’ailleurs décidé à l’issue d’un jeu décisif. Mieux encore, sur les douze rencontres programmées (et qui ont toutes eu lieu), la moitié (6/12) s’est conclue par un super tie-break. De surcroît, il n’y avait qu’à voir l’application, la motivation et le sérieux des différents compétiteurs engagés pour comprendre que cette première Coupe Laver leur tenait vraiment à cœur. Ainsi, comment ne pas voir dans l'attitude d'un Rafa Nadal surmotivé l'expression d'une profonde envie de gagner ? Le numéro un mondial n'a effectivement plus l'âge, ni le caractère, à simuler ses émotions. Idem pour Roger Federer : « J’avais la sensation d’être au même niveau que lors des plus grands moments de ma carrière » a ainsi confessé le maestro suisse, à l’origine du projet et apparemment pas peu fier du premier essai (réussi) de son tout nouveau jouet.

Alors évidemment, on pourra toujours regretter les absences notables de Del Potro, Djokovic, Murray, Nishikori, Raonic et Wawrinka… Ceci étant, le parterre de vedettes présentes était déjà largement suffisant pour nous offrir quelques succulents moments. Quel bonheur, par exemple, de revoir les deux mythes des années 1970-80, Björn Borg et John McEnroe, de nouveau face à face dans un costume de capitaine parfaitement taillé en leur honneur ! Rafraîchissant également de voir s’affronter deux des pépites de la nouvelle génération, le grand serveur allemand Alexander Zverev (20 ans) et le fantasque canadien Denis Shapovalov (18 ans), dans un combat à couteaux tirés où les multiples « come on ! » lâchés par leurs compagnons de chambrée n’auront cessé de les galvaniser. Et bien évidemment, comment ne pas littéralement succomber devant le pur régal d’une paire de double (historique) composée par les deux immenses légendes du tennis que sont Roger Federer et Rafael Nadal !

Un format qui garantit intensité et suspense jusqu’à la fin

Autre point positif de cette Laver Cup, des matchs en deux sets avec un éventuel super tie-break à l’appui qui permettent de jouer de manière aussi concentrée que débridée ! Car via ce format court, pas de round d’observation, il faut partir pied au plancher. En outre, la présence d’un super jeu décisif, et non d’un troisième set, en cas d’égalité (à un set partout), permet de relativiser et de jouer de manière beaucoup plus libérée et ce, que l’on mène (le super tie-break offrant de toute façon une chance de se rattraper) ou que l’on soit mené (plus rien à perdre pratiquement d’entrée), tout en multipliant également les points importants via cette « séance de pénaltys » raquette en main.

A l’instar des matchs, le système d’attribution des points se révèle lui aussi extrêmement malin. Ainsi, la victoire offre un point le premier jour, deux points le deuxième jour et trois points le troisième jour. Par conséquent, en étant largement dominée voire même en perdant toutes ses confrontations lors des deux premiers rounds, une équipe pourrait toujours l’emporter à condition de réaliser un énorme come-back pour égaliser à 12-12 lors de l’ultime journée ! Un scénario a priori improbable auquel on a pourtant bien failli assister dès cette année, puisque l’équipe mondiale, menée 9-3 au terme des huit premiers matchs, s’est in fine retrouvée à un petit point de la parité dans le money-time du dernier duel disputé… avant que la formation « Made in Europe » ne finisse par s’imposer (score final : 15-9).

                                             

Deux légendes dans de la même équipe (Laver Cup 2017)

Super exhibition ou vraie compétition ?

Alors qu’il règne maintenant depuis près de quinze ans sur les courts du monde entier, Roger Federer semble désormais à l’aube d’une nouvelle carrière de champion en matière d’organisation : « J’aimerais que dans cinquante ans, tous les plus grands joueurs soient passés par la Laver Cup » explique le tennisman bâlois. Via le prestige et les rémunérations conséquentes offertes par de généreux sponsors (JP Morgan, Mercedes, Rolex, etc.), la Laver Cup s’est en effet dotée d’emblée d’un casting cinq étoiles. Moyens hors normes, écrin soigné, décor de rêve, design moderne et show à l’Américaine, le bébé signé « Fédé » s’est (volontairement) démarqué de la vieillissante Coupe Davis, qui (par manque de nouveauté) semble, quant à elle, vouée à péricliter depuis plusieurs années.

Mais si le packaging est important, l'essentiel est forcément ailleurs. Et c'est quand le tennis a pris le pouvoir que la Laver Cup a montré ce qu’elle était. Elle n'est certes pas (encore) une épreuve officielle, ne rapporte aucun point et n'est (pour l’heure) reconnue ni par l'ITF, ni par l'ATP… Ceci dit, elle est déjà un vrai rendez-vous : parce que les joueurs se sont pris au jeu, au-delà de ce qu'ils imaginaient, et ce, tout simplement parce qu’ils ont trouvé en Tchéquie quelque chose qu'ils n'avaient pas ailleurs sur le circuit. Un constat illustré par un ultime bras de fer acharné, entre Federer et Kyrgios qui ont livré une bataille endiablée afin d’être les pionniers à inscrire leur nom sur le trophée ! En outre, la réaction des protagonistes juste après la balle de match n’a fait que corroborer le précédant énoncé : avec un Kyrgios en larmes, un Federer euphorique et un Nadal bondissant du banc pour lui sauter dans les bras, on a vu là, des deux côtés, une spontanéité que seules les grandes compétitions peuvent procurer.

Joueurs et ambassadeurs conquis

« Un voyage en première classe », a déclaré McEnroe dans le journal « Le Temps ». Ajoutant même : « C’est génial de voir une telle énergie, de voir les gars s’encourager comme ça. Il y a du potentiel et en tant qu’ancien joueur et fan de tennis, j’espère que cet événement s’inscrira dans le futur ». « C’est juste parfait. Ça crée des liens et des souvenirs incroyables. Si tu gagnes un tel événement, ça reste inoubliable. Le tennis a besoin de ça. C’est devenu trop individualiste. Chacun fait ses trucs dans son coin sans se préoccuper des autres. Ça change et ça fait du bien ! » a ajouté le trublion australien Nick Kyrgios dans le quotidien helvétique. Toujours très prudent, Federer a néanmoins tenu à tempérer : « Seul le temps nous dira à quel point la Laver Cup peut devenir importante ». Et il a raison, car personne ne peut en présager. Ceci étant, cette coupe est indubitablement bien née, avec en prime ce petit goût de « reviens-y » propres aux mets les plus exquis. Présent dans les gradins, on peut ainsi imaginer la joie et la fierté qui devaient animer « sa majesté » Rod Laver en assistant à un tel festin. Lui, l’homme aux deux Grands Chelems, qui a accepté de donner son illustre nom à cette nouvelle manifestation ne doit en effet pas le regretter. La Coupe Laver, sa coupe, aura été un magnifique succès instantané !

Un jour à Paris ou Strasbourg ?

D’ores et déjà planifiée l’an prochain à Chicago (dans l’antre des basketteurs des Bulls, s’il vous plaît), la prochaine édition devrait donc assurément susciter au moins autant d’intérêt. Compétition annuelle itinérante, basée sur le principe de l’alternance (une année en Europe, une année hors-Europe), « La Ryder Cup du tennis » pourrait bien poser un jour ses valises du côté de Paris ou de Strasbourg ! Eh oui, car en tant que deuxième plus grande métropole du Vieux Continent (Paris) et vice-capitale de l’Union Européenne (Strasbourg), les deux villes françaises seraient tout à fait légitimes (pour ne pas dire carrément idéales) à candidater pour l’organiser un jour. On n’y est pas encore… Mais d’ici là, on verra sans doute un peu mieux quelle place la Laver Cup se sera faite, ou pas, dans l’histoire du jeu.

Lionel Ladenburger

Retrouvez tous mes articles sur :

http://yourzone.beinsports.fr/author/guga57/




Réagir