L’été, propice aux migrations touristiques dans les Cyclades
Des cohortes journalières de centaines de personnes débarquent sur les quais des îles de la mer Egée. Les ferries s'effacent chacun à leur tour devant leurs successeurs rodés, une chorégraphie impeccable qui se conclue avec les lamaneurs.
Le trafic humain international est en route.
De toutes origines, ces riches migrants ont abandonné leurs racines pour quelques semaines souvent ventées sous ce soleil accablant qui jaunit les îles égéennes. Depuis des millénaires on les envahit, aujourd'hui avec des sandales de marque, hier avec les va-nu-pieds de la chiourme des galères.
Connues du monde entier, leurs noms s'affichent dans les magazines et les livres d'histoire. Comme Salamine et sa célèbre bataille qui préserva l’identité grecque et ce qu’elle nous a transmis (1).
D’autres, paradis des parasols avec sunbeds (50€/jour à Paros) contribuent à la principale ressource du pays aujourd’hui, le tourisme.
Mykonos, Paros, Santorin, Naxos... une trentaine de ces îles sont réunies dans un cercle dont les anciens voyaient le centre à Délos la mythique, hier la plus connue aujourd'hui beaucoup moins malgré son patrimoine salué par l'UNESCO. Vers le XIIe s. les Vénitiens ne s’y sont pas trompés et s'y sont servis pour compléter leur hommage à Saint-Marc et son symbole le lion ailé.
Devant l’Arsenal de Venise
Allée des lions à Délos
Au cœur des Cyclades, Naxos la plus grande domine aussi avec le mont Zeus et sa caverne du dieu éponyme le long d'un chemin chaotique qui s'arrête au sommet. Un horizon circulaire époustouflant récompensera les grimpeurs courageux qui témoigneront du caractère montueux de l'île.
Plus bas suivant le trait de côte, l'eau translucide étale ses nuances turquoises jusqu'au bleu méditerranéen bien nommé. Ici les voiles soulevées par le puissant Meltem profite aux kitesurfeurs qui auraient scotché les écuyers-voltigeurs des Panathénées. Ici les moutons sont en mer, ils surlignent la crête des vagues soulevées par ce vent du nord qui va jusqu’à blanchir la mer. Enivrés par ce sentiment que procure la vitesse à la voile sur l'eau, ils tracent des sillons d'écume et sautent les moutons qu'ils croisent à longueur de bords. Rares sont les navigateurs qui s'y risquent, pour les grecs anciens "Il y a trois sortes d'hommes : les vivants, les morts, et ceux qui vont en mer" (Aristote ?)
Plus loin des petits ports ont conservé leur architecture simple mais embellie avec un goût certain en respectant partout les codes locaux.
Comme ces villages de l'intérieur qui respirent la famille et le courage pour y travailler sous ce cagnard permanent. Lauriers fleuris, chardons bleus et chapelles aux toits vifs égayent les pentes de roches grises et les prairies desséchées par la chaleur saisonnale
L'ambiance tranche avec certaines nuits banlieusardes infernales ailleurs.
Chaque île possède une ou deux villes principales qui concentrent en soirée les flots de touristes, ils se répartissent entre les restaurants parfois chics et les boutiques de babioles ou branchées comme à Mykonos ou Paros. La jet-yacht a ses repères aussi dans ces grandes criques où ils se côtoient et se retrouvent après Porto-Cervo, Hvar, Trogir, Saint-Barth… Avec ses deux cent cinquante îles, les innombrables baies des Cyclades éparpillent ses havres de tranquillité pour leurs gros bâtiments. Les voiliers ne s’approchent que rarement en été dans ces îles soumises aux violences du Meltem, leurs territoires se concentrent dans le golfe Saronique, les Sporades, les îles du Dodécanèse ou en mer Ionienne, ils profitent là des thermiques de fin de journée. Lefkas, Skiatos, Kos, Corfou… et tant d’autres offrent leurs singularités appréciées des grecs qui les préfèrent aux clubmeds que sont devenues les célébrités cycladiques. Athènes construit une quatrième marina gigantesque sans se soucier des conditions d’accueil de ces flottes dans des îles déjà débordées. Le petit port d’Hydra si fréquenté est parfois appelé wash machine comme déjà entendu à Capri. Les grecs surfent sur la vague touristique provoquée par le boycott de la magnifique côte Turque avec Marmaris, Göcek, Izmir, Bodrum, Dalyan… Souhaitons leurs qu’ils ne subissent jamais le sort de la très moderne marina de Turgutreis délaissée pour cause d'Erdogan.
Reste que hors de ces concentrations touristiques, des prestations soignées comme Plakka à Naxos, Nidri à Lefkas… offrent des prestations et des sites de bord de mer parfois exemplaires. La tranquillité peut être partout dans les îles grecques. Louer un scoot en tong, sans casque ni gants offre le sentiment de liberté aux oppressés de nos villes corsetées de surveillances, ils découvriront la nature sauvage et des paysages remarquables.
Lauriers, chardons fleuris et chapelles aux couleurs éclatantes égayent les pentes de roches grises et les prairies desséchées par le vent d'été et la chaleur saisonnale.
Les curieux découvriront des Kouros ébauchés dans les carrières de marbre. En observant les traces des outils de bronze on se rappelle l’obélisque inachevé d’Assouan, des témoignages des prouesses antiques.
Kouros d’Apollinas
Si la civilisation cycladique plus ancienne que celles phénicienne et minoenne n’a laissée que de rares trésors peu connus sauf des archéologues, comme cet artéfact en marbre produit vers -3000 av J.C. quand l'Egypte s'éveillait.
Les figures mythologiques se rappellent aux visiteurs un peu partout malgré le passage des envahisseurs au fil des millénaires. La Grèce antique qui se déployait sur les rives de l’actuelle Anatolie occupées par les turcs, saura-t-elle conserver aussi le souvenir de ces époques fastueuses ? Manifestement les turcs veulent effacer les témoignages trop manifestes de leur occupation, l’antique Smyrne a été renommée Izmir, Ephèse est devenue Selcuk… Avant de s’appeler Istanbul, la perle du Bosphore s’appela Constantinople pendant 16 siècles jusqu’en 1930.
A Kos, sur la petite place où trône le platane qu'aurait connu Hippocrate, les ottomans ont planté au XVIIIe s. une mosquée bien proportionnée, Hassan Pacha. Délaissée, on l'a vue en quelques années se dégrader ; par manque de moyens dédiés au patrimoine ou pour imiter les turcs ?
Cette Grèce berceau de notre civilisation chrétienne attire les visiteurs occidentaux par millions. A Paros, ils se penchent sur les fonts baptismaux du IVe s. de la basilique Panaghia Katapoliani à Parikia toujours appelée aussi Panaghia Ekatontapilliani, pour un motif que les grecs ne sont pas près d’oublier. Au XVIe s. un patriarche orthodoxe rappelait que cette dernière dénomination « église aux cent portes » renvoyait à une légende qui ne demande qu’à se vérifier ; « lorsque que la centième porte s’ouvrira, Constantinople sera reconquise. »
Cette histoire trouverait un autre écho qui renvoit aux liens grecs et égyptiens (1), avec Thèbes (-3000 av J.C.) nom donné plus tard par les grecs à cette ville d’Egypte (époque ptolémaïque), appelée aussi la « ville aux cent portes » par Homère …
Thèbes est aussi le nom d’une des villes les plus anciennes de Grèce (VIII – Xe s. av J.C.).
Passionnante Grèce.