vendredi 14 septembre 2012 - par L’Agora-EDHEC

« Cent jours pour presque rien ? »

Jean-François Kahn et Franz-Olivier Giesbert font leur rentrée à l'Agora !

Mercredi 12 septembre, l’Agora, la tribune étudiante de l’EDHEC a fait sa rentrée. Et quoi de mieux pour une association qui cherche à promouvoir le débat que de faire appel à deux commentateurs politiques pour ouvrir cette année de conférences et analyser les cent premiers jours de François Hollande à la présidence de la République ?

Jean-François Kahn, le fondateur de l’hebdomadaire Marianne, et Franz-Olivier Giesbert, le directeur actuel du Point, ont donc été conviés pour l’occasion.

 

Le débat débute par un bilan. L’avis de Franz-Olivier Giesbert est proche de celui de J.-L. Mélenchon, selon lequel les trois premiers mois de F.Hollande ont été infructueux : « cent jours pour presque rien ! ». Si le chef de l’Etat a dans l’ensemble suivi ses promesses de campagne, le problème vient de ce qu’elles ne suffiront pas à résoudre les difficultés actuelles.

Dans le domaine de l’éducation par exemple, embaucher plus de fonctionnaires n’est pas la solution, il convient d’agir sur la motivation des enseignants, notamment en les rémunérant davantage.

C’est ensuite à Jean-François Kahn de revenir sur le titre de son dernier ouvrage La catastrophe du 6 mai 2012. « La catastrophe, c’est le scrutin », explique le journaliste, cette situation dans laquelle on obtient une majorité de droite au premier tour et qui aboutit finalement à l’accession de la gauche au pouvoir. Selon Kahn, « cela demande de regarder cette réalité en face. Si la gauche s’illusionne, croit qu’elle a gagné, (…) dans cinq ans on peut avoir une flambée du front national. ».

C’est pourquoi l’allocution télévisée du Président, dimanche 9 septembre, a trouvé un écho positif auprès des deux commentateurs car elle représente un état des lieux, et un tournant : c’est en effet la première fois dans l’histoire de la France qu’un président socialiste annonce un choc de rigueur. Néanmoins, des critiques risquent d’être formulées dans la mesure où M. Hollande « s’est avancé masqué devant ses électeurs », estime Giesbert. Pourtant ce dernier semble garder confiance et livre à son auditoire : « Moi, j’ai toujours un personnage en tête, (…) je pense à Schröder – buveur de Whisky, menteur, tricheur, sa cote est lamentable et à un moment donné, il décide de faire les réformes qu’il faut faire. (…) Cet homme a fait un plan épouvantable pour un gouvernement de Gauche - TVA sociale, redéfinition du droit du travail, et il a failli être réélu ! ». D’où les couvertures du Point Fini de rire, On se réveille ? – qui appellent à une réaction du gouvernement pour aller dans une direction proche de celle qu’avait prise le chancelier allemand.

Ce phénomène d’ « Hollande Bashing » (dénigrement) résulte par ailleurs de l’attitude d’opposition quasi-permanente de la presse de droite comme de gauche à l’égard du Président actuel, « les journalistes de gauche sont des opposants » juge J.-F. Kahn. Quant à la dimension commerciale du phénomène, le directeur du Point, s’exclame : « On veut se battre pour des idées mais nos lecteurs, ce sont des clients. Et lui [François Hollande], quand il faisait sa campagne, il ne faisait pas du commerce ? ».

Progressivement les deux commentateurs rentrent dans une vive opposition concernant l’objectif final des réformes à mener. L’essentiel selon Kahn est de changer de système, la crise en aurait été l’occasion, alors que F.-O. Giesbert donne la priorité au sauvetage de la France. Le journaliste voit dans la désindustrialisation le véritable problème du pays : « Le vrai sujet c’est la compétitivité, la baisse du coût du travail. C’est avec ça que l’économie pourra repartir. ». Le fondateur de Marianne, quant à lui, voit davantage dans la réduction du nombre de chômeurs le moyen de recevoir plus de recettes des impôts et des taxes et par ce biais, résoudre la question du déficit de la France.

Est ensuite évoquée la question de la composition du gouvernement qui soulève de fortes critiques : « quand on voit toute cette équipe de branquignoles ! » s’exclame F.-O. Giesbert, « les écolos, ce sont des arrivistes forcenés, ils ont porté un président qui est pour le nucléaire (…), ce sont des gens qui ne représentent rien, qui ont négocié une place au gouvernement. ».

La conférence s’achève avec la question d’un internaute d’Agoravox – site web d’actualité sous forme de média participatif et nouveau partenaire de l’association, sur la proximité que peut entretenir Giesbert avec certains hommes politiques. La question, stupide selon l’interrogé, doit provenir d’un journaliste dont le travail pourtant est d’être sur le terrain estime F.-O. Giesbert. J.-F. Kahn se range du côté de son acolyte et clôt alors la conférence avec cette métaphore : « Moi, je connais quelqu’un qui était critique de cinéma et qui n’allait pas voir les films pour ne pas être influencé… ».

Clémence Joly