Krokodilo Krokodilo 9 décembre 2006 09:37

Si j’étais Sacha Guitry ou Woody Allen, ça se saurait ! Ceci dit, si mon humour est lourdingue, votre réponse est légère : vous n’avez répondu à aucune de mes remarques, notamment sur les « contre-vérités et approximations » qui seraient présentes dans mon texte. Lesquelles ?

Quelles populations, quelles opinions publiques seront capables de comprendre l’arabe qui sera diffusé pendant 4 petites heures, sachant la grande diversité linguistique du monde arabe ?

Vous n’avez pas donné votre opinion sur la question de fond : la France se montre-t-elle masochiste en diffusant dans une langue qui nous fait reculer dans l’Union européenne ?

Question subsidiaire : souhaitez-vous l’anglais comme langue de communication internationale, comme langue de toutes les revues médicales, sachant que l’Algérie et l’Ukraine, par exemple, ont récemment « décolonisé » une partie de leur enseignement universitaire ? Il est quelque peu schizophrène pour un pays d’avoir une langue universitaire différente de sa langue nationale. En outre, l’usage scientifique d’une autre langue aboutit tôt ou tard à une perte de la terminologie spécialisée faute d’actualiser ce vocabulaire, puis à une dégringolade de la recherche elle-même ou à une simple sous-traitance de la recherche anglo-saxonne. Il existe parfois plusieurs langues nationales (voire une revendication pour l’espagnol aux USA) mais ça ne rend pas le problème plus simple, loin de là.

Dans un de vos articles, vous avez cité Gandhi à plusieurs reprises, voici un extrait de ce qu’il disait de cette sorte de colonisation linguistique :

"Le recours à une langue étrangère en Inde pour assurer l’enseignement supérieur a causé à la nation un préjudice moral et intellectuel incalculable. Nous sommes encore trop rapprochés de cette période pour mesurer l’énormité du dommage subi. Et c’est un tour de force presque impossible que d’avoir à juger nous-mêmes cette éducation dont nous sommes également les victimes. Il me faut aussi préciser les raisons qui m’ont conduit à poser de telles conclusions. Pour ce faire, le mieux est, je crois, de faire part de ma propre expérience. Jusqu’à l’âge de 12 ans, tout l’enseignement me fut donné en gujarati, qui est ma langue maternelle. J’avais alors quelques rudiments d’arithmétique, d’histoire et de géographie. Puis, j’entrai au lycée où pendant trois années encore, je reçus mon enseignement dans la langue maternelle. Mais le rôle du professeur était de faire rentrer l’anglais dans la tête des élèves par tous les moyens. C’est pourquoi plus de la moitié de notre temps se passait à étudier l’anglais et à maîtriser l’orthographe et la prononciation si arbitraires de cette langue. Je découvris avec tristesse qu’il me fallait apprendre une langue dont la prononciation ne correspondait pas à l’orthographe. Quelle drôle d’expérience que d’avoir à apprendre par coeur l’orthographe des mots. Mais c’est là une parenthèse sans grand rapport avec mon sujet. Donc, quoi qu’il en soit, au cours de ces trois premières années de lycée tout se passa relativement bien. Le supplice commença avec la quatrième année. Il fallait tout apprendre en anglais géométrie, algèbre, chimie, astronomie, histoire et géographie. La tyrannie de l’anglais s’étendait si loin qu’il fallait passer par cette langue et non par la nôtre pour apprendre le sanskrit ou le persan. Si un élève s’exprimait dans sa propre langue, le gujarati, on le punissait. II n’importait nullement au professeur que l’enfant parlât mal l’anglais et qu’il fût incapable de le prononcer correctement ou de le comprendre parfaitement. Pourquoi le maître aurait-il dû s’en inquiéter ? Lui-même parlait un anglais qui était loin d’être parfait. Il ne pouvait pas en être autrement. L’anglais était unelangue étrangère aussi bien pour lui que pour ses élèves. Le résultat était catastrophique. On nous donnait à apprendre par coeur beaucoup de choses que nous étions loin de toujours comprendre parfaitement et qu’il nous arrivait même souvent de ne pas comprendre du tout. La tête me tournait quand le professeur s’escrimait à nous faire comprendre ses démonstrations de géométrie. Je n’ai d’ailleurs pas saisi un traître mot de cette discipline avant d’avoir atteint le treizième théorème du premier livre d’Euclide (sic). Et je tiens à avouer au lecteur que malgré tout mon amour pour ma langue maternelle, je ne sais pas encore, arrivé à ce jour, traduire en gujarati les termes techniques de géométrie, d’algèbre, etc. Je sais à présent que si l’enseignement avait pu se faire en gujarati, et non en anglais, il m’aurait suffi largement d’une seule année au lieu de quatre pour en apprendre tout autant en arithmétique, en géométrie, en algèbre, en chimie et en astronomie. »

L’Union européenne veut développer les programmes EMILE (enseignement d’une matière intégrée dans une langue étrangère), la similitude n’est-elle pas frappante ?


Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe