Octave Lebel Octave Lebel 20 juillet 2020 20:50

@Jonas

Non ,je ne pense pas. Je serai moins catégorique que vous.

Ce n’est pas la même démarche que Jeff Koons et compagnie dont le talent si talent il y a est la mystification comme système et la marchandisation de cette mystification portée à des limites toujours repoussées. Ils se stimulent l’un l’autre et ont bien entendu dans leur sillage toutes sortes de complices pécuniairement intéressés et des idiots utiles. Il y a aussi des lapins pris dans les phares des médias qui sont puissants. Certains usent encore d’ailleurs de l’argument esthétique pour vendre des séries et faire de bonnes ventes en pillant des gens moins connus et moins prétentieux. Sont-ils simplement de purs cyniques ou animés en plus d’un narcissisme exacerbé ? Au fond, peu importe. Par contraste avec toutes les formes d’art qui continuent de prospérer et de se diversifier, sans le vouloir, à trop en faire avec ceux qui les accompagnent, ils se caricaturent eux-mêmes et ont commencé en fait à se disqualifier.

Il me semble que Duchamp est dans une autre dynamique. A son époque l’artiste avait acquis de l’indépendance par rapport aux puissants sur le choix des sujets, leur traitement, le choix et l’expérimentation de nouvelles techniques et se trouvait confronté maintenant à la puissance de l’art officiel des musées qui renvoyait au passé ou imposait les goûts des gens installés et des thématiques qui s’imposaient comme exemplaires et incontournables. Que l’on songe par exemple à la présence massive et convenue de la statuaire des monuments aux morts pour les sculpteurs après la guerre. Une échappée vers la stylisation et l’abstraction s’est produite. Toute la société avait subi un ébranlement moral dès avant la guerre qui traversa toutes les formes d’art et des provocations surgirent dans des créations qui tiennent à la fois de la provocation, de la révolte et d’un sentiment de terrible fragilité menacée. Certains artistes leur apprentissage fait ont besoin d’innover et d’évoluer toute leur vie pour s’affirmer et être reconnus ce qui les renvoie à de nouvelles dépendances et conformismes dans une boucle inconfortable. Le coup d’éclat de Duchamp relève à mon avis de ce contexte et d’une volonté de dénonciation, de révolte avec sa part d’impuissance qu’il aménage comme il peut. Il expérimente une posture intenable, l’art est ce que je désigne comme art parce que je suis le créateur. Bien entendu, il se fait prendre au mot et se trouve reconnu comme créateur par l’instance normalisatrice par excellence le musée. La créativité a été escamotée au passage mais elle renaît de toute façon ailleurs. Une vacherie incorrecte au passage, l’admiration des compagnes pour leur grand homme n’est pas toujours des plus perspicaces. D’autres, vinrent ensuite avec moins d’états d’âme et en tirèrent des recettes non sans talent en puisant dans le quotidien et les grandes leçons de l’histoire de l’art pour ramener cette évasion éphémère dans la catégorie des arts décoratifs reproductibles comme Andy Warhol et ses équipes en hybridant pour longtemps art et business jusqu’aux extrémités qui annoncent à mon avis la fin d’un cycle faute de dupes en nombre suffisant. Le roi est nu comme on dit. 


Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe