samedi 10 décembre 2016 - par Breton8329

2017, Fin de l’unilatéralisme américain ?

Après la chute du mur de Berlin, les USA ont cru qu'ils allaient pouvoir remettre en cause le droit international pour modeler le monde selon leurs intérêts, avec le soutien de la communauté internationale et du conseil de sécurité de l'ONU. La guerre du Kosovo a mis un terme au soutien du conseil de sécurité mais les américains n'ont pas pour autant mis un terme à leurs ambitions. La guerre de Syrie dans laquelle Obama s'est engagé à reculons, pourrait marquer la fin de cette épopée. Le multilatéralisme est de retour et avec lui s'estompent les rêves des Néocons américains. Mais il faut se méfier d'un monstre blessé.

L’ordre international actuel s’appuie, tant bien que mal, sur les deux principes fondateurs qui ont été promulgué en 1648 par les traités de Westphalie qui ont mis fin à la guerre de 30 ans : le principe d’égale souveraineté des États et le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures. L’époque récente, depuis la chute du mur, a vu la contestation de ce dernier principe par les États-Unis, soucieux d’imposer leur vision morale du monde. De 1989 (Chute du Mur) à 1999 (Kosovo), cette volonté américaine s’est trouvée renforcée par l’appui du conseil de sécurité de l’ONU. Les américains ont alors cru qu’ils pouvaient façonner le monde selon leurs intérêts, puisque ceux-ci ont progressivement remplacé les motivations morales. A partir de 1999, le conseil de sécurité s’est retrouvé bloqué face à la prise de conscience des risques de l’activisme des américains et ces derniers n’ont eu d’autre choix que de faire cavalier seul. Aucun État n’était alors en mesure de s’opposer à la volonté de l’hyperpuissance et certains courants internes, les Néocons, ont de manière très décomplexée mis cette puissance au profit de leurs vision du monde, c’est à dire de leurs intérêts. La France s’est trouvé dans une très mauvaise posture après avoir osé défier la puissance américaine en brandissant la menace d’un veto contre la résolution destinée à assurer la licéité de l’intervention de 2003 en Irak. Menace de peu d’effet puisque les américains ont quand même mené leur opération, en s’appuyant sur l’ancienne résolution, celle de la précédente guerre de libération du Koweït, qui n’avait pas de date de péremption. Il se peut que la France ait payé cher cette rebuffade. L’amérique est rancunière.

2017 pourrait marquer un changement dans l’ordre du monde. Un changement car de façon inévitable, presque prévisible, un groupe d’État est désormais en mesure de contester la vision américaine du monde. Cette contestation s’est exprimée de façon très spectaculaire en Syrie. Après avoir annoncé leur volonté de destituer le président élu de la Syrie, au mépris du droit international mais en vertu de principe moraux non-reconnus, les américains essuient une humiliation qui n’est que la partie émergée d’un problème bien plus profond. L’économie est largement endettée, les alliés d’antan commencent à se méfier d’un État qui n’hésite pas à les espionner, à pratiquer la torture, à armer des factions terroristes et à infliger des sanctions disproportionnées à ses alliés dès lors que cela lui permet de servir ses intérêts, fussent-ils à court terme. Difficile d’intervenir au nom des droits de l’homme et de pratiquer la torture, seuls quelques incorrigibles vassaux feignent encore de ne pas faire le lien, ils le paieront eux aussi un jour. Par ailleurs, les coûts de fonctionnement de l’armée us et de développement de matériel atteignent des sommets qui menacent de paralyser son efficacité.

Parallèlement, les vieux pays comme la Russie et la Chine ont pris conscience de ces faiblesses et des dangers qu’elles portent et ont mis en place un système de défense globale, y compris contre l’influence américaine, dont l’efficacité est manifeste en Syrie. Il s’agit sans nul doute d’un point de non-retour pour la puissance américaine. Malgré un budget de la défense de 600 milliards de dollars, les USA ne peuvent rien contre la Russie et son budget de 80 milliards, essentiellement parce que le coût du soldat russe est probablement de 1/20ème du coût du soldat américain et qu’il en va de même pour le développement du matériel de guerre. Politiquement, la Russie n’est pas isolée puisqu’elle fait partie du camps Iran et Chine. A eux trois, ces pays maîtrisent l’Heartland de Mackinder et pourraient, s’ils parviennent à donner corps au projet de route de la Soie, constituer un ensemble économique qui balayera la puissance économique à la fois des USA mais aussi de l’Europe (chassée également d’Afrique).

Mais les monstres qui agonisent sont toujours dangereux et il se peut que les américains tentent quelques manoeuvres destinées à retarder une échéance inéluctable. Le monde a changé sans eux. De la même façon que l’expédition de Suez avait consacré l’acmé des puissances européennes, France et UK, la guerre de Syrie marque probablement la fin de l’unilatéralisme américain sur la scène internationale et peut être même son hégémonie. Nul doute qu’ils voudront entraîner leurs vassaux, dont la France, dans leur chute.



15 réactions


  • Clark Kent Jeussey de Sourcesûre 10 décembre 2016 09:31

    le droit international est à géométrie variable. Depuis le traité de Westphalie, les puissances coloniales n’ont jamais cessé de s’ingérer dans les affaires intérieures d’états souverains, jusqu’à les détruire par des guerres déclarées ou officieuses.

    Comme pour le droit tout court dont le contenu varie en fonction du prix que vous pouvez mettre dans la rémunération d’un ou plusieurs avocats, le droit internationale est utilisé pour justifier des actions de guerre en jugeant les perdants, accusés de crimes de guerre quand on ne les a pas tués avant.
    Ce n’est pas le droit international qui préside aux relation entre les états, mais les rapports de forces, les alliances et les convergences d’intérêts.

  • baldis30 10 décembre 2016 10:48

    bonjour,

    sur le fond pas grand-chose à rajouter.... sur le délai et sur les soubresauts on peut hélas s’attendre au pire de la part du soi-disant maître du monde ( que dis-je « du monde » ... de l’Univers serait plus conforme avec la pensée US).

     Les états qui se sont soumis de bon gré aux volontés US auraient-ils des sursauts de dignité et d’honneur que les choses iraient très vite .... mais voilà deux qualités qui échappent à la philosophie .... notamment de l’ENA et d’Harvard


    • Breton8329 Breton8329 10 décembre 2016 12:09

      @baldis30
      Sur la constitution de l’empire du XXIème siècle, excellent article sur le Saker francophone (Avatar Fr du Vineyard of the saker, site de contre info US de très bonne facture car exutoire des journalistes frustrés de ne pas pouvoir écrire ce qu’ils savent).


      Voir F. William Engdahl, Le triangle stratégique Russie–Chine–Iran, New Eastern Outlook, 21 novembre 2016, traduit de l’américain sur http://lesakerfrancophone.fr/le-triangle-strategique-russie-chine-iran


  • fred.foyn 10 décembre 2016 11:54

    Tous les « EMPIRES » ont une durée de vie limitée...l’Amérique, n’échappe pas à la règle !


    • Breton8329 Breton8329 10 décembre 2016 12:28

      @fred.foyn
      Nous européens, nous le savons, mais eux, ils se croient immortels.


    • baldis30 10 décembre 2016 13:29

      @Breton8329
      oui et non

      Il y a toujours des réminiscences .... benito qui voulait restaurer l’empire romain , Merkel qui n’est pas loin de ce dont rêvèrent bismarck-guillaume II puis adolf par rapport au saint-empire.

      ces réminiscences sont encore plus dangereuses.....


    • fred.foyn 10 décembre 2016 15:12

      @Breton8329....Vous confondez la bulle politique avec le peuple..qui ne pense pas comme la bulle..voyez le dernier résultat avec Trump par contre en Europe vous faites surtout allégeance aux USA...une très mauvaise habitude...et un mauvais raisonnement pour mettre du neuf aux commandes de votre pays !


  • Alren Alren 10 décembre 2016 12:00

    Un bon texte, avec ce défaut qui consiste à voir la France plus faible et plus petite qu’elle n’est.

    L’auteur n’est ainsi pas capable de citer une mesure de rétorsion d’état après que la France se soit opposée par la voix de De Villepin à une deuxième guerre en Irak.

    À part avoir vidé des bouteilles d’excellent vin français dans le caniveau, ce qui révélait chez les auteurs de cette imbécillité, une totale absence de raisonnement, à part avoir changé provisoirement le nom des frites de « french fries » en « free fries » (alors que les pommes de terre frites sont une création belge ne l’oublions pas !), je ne vois pas ce que nous a coûté la dénonciation de cet énorme mensonge US.

    Bien sûr, je n’ignore pas que Chirac, désavouant son ministre, a humblement, pitoyablement et ... discrètement fait amende honorable auprès de Bush. Mais cela n’a rien changé.

    Hormis bien entendu que l’UE fait et faisait déjà de la France une proie facile pour les économies étrangères et notamment états-unienne.


    Penser que la Chine, la Russie et l’Iran(!) vont « chasser » la France d’Afrique comme ça, d’une pichenette, c’est méconnaître les liens tissés entre les dirigeants africains et notre pays et l’importance de la langue, essentiel à ce continent pour communiquer internationalement  : Les Afriains ne sont certes pas prêts à apprendre massivement le chinois et ses idéogrammes, les caractères cyrilliques du russe, encore moins la langue et l’écriture de l’Iran chiite.


    Les Africains ont déjà fait l’expérience d’une « coopération » avec la Chine : des routes contre des matières premières par exemple, des routes qui se détérioraient tout de suite parce que fabriquées en qualité zéro, presque avec mépris (car les Chinois sont racistes, notamment avec les Noirs), des achats de terre privant les agriculteurs locaux, pour ramener les récoltes en Chine, les élites patriotes africaines ont bien vu que la Chine n’était pas la solution.

    Quant aux Russes, exportateurs de pétrole, riches en matières premières, possédant des terres immenses encore inexploitées (mais qui pourront l’être avec le réchauffement climatique) ou mal exploitées, qu’iraient-ils faire dans une Afrique concurrente ?


    Je suis bien d’accord que les USA essaieront d’endiguer leur déclin inévitable à mesure que s’éloigne la Seconde guerre mondiale qui, comme la Première, leur a tant profité et donné une place surévaluée dans le monde d’après-guerre, en sacrifiant tous ceux qui sont volontairement sous leur dépendance, en particulier l’UE dont la France est la grande vache à lait (dernier exemple : après avoir, avec les plus gros investissements européens, conçu et réalisé Galiléo dont l’Allemagne de Merkel a freiné au maximum le développement parce qu’il était supérieur au GPS US, voilà maintenant que les perspectives de bénéfices immenses se profilent que les Allemands veulent se l’approprier en construisant les satellites sur le modèle français avec la complicité de l’ESA où ils ont infiltrés comme à Bruxelles un maximum de « décideurs »), mais ils ne pourront y parvenir que si les gouvernants français sont complices.


    Ce qui ne sera pas le cas si les partisans de la France Insoumise et Jean-Luc Mélenchon se voient confier le pouvoir politique pour de longues années. ce qui ne manquera pas d’arriver après qu’ils auront « goûté » à cette révolution citoyenne éco-socialiste.


    • Breton8329 Breton8329 10 décembre 2016 12:27

      @Alren
      Vous n’en avez visiblement pas conscience mais les mesures de rétorsion des USA vis à vis de la France, tant sur la scène internationale - dipolomatique et économique - qu’en interne, ont largement dépassé les pitoyables manifestations de mécontentement que vous décrivez. De Villepin, le gaulliste affirmé, s’est d’ailleurs trouvé éjecté d’une présidentielle dans laquelle il avait toutes ses chances, au nom d’un scandale dont l’intonation anglo saxonne n’a pas échappé même aux moins éveillés de nos citoyens, et dans lequel il n’avait manifestement pas grand chose à voir. S’agissant de l’Afrique, que dire ? Que les chinois ont construit la ligne de chemin de fer Ethiopie- Djibouti, qu’ils construisent une base militaire à Djibouti, qu’ils achètent des terres agricoles partout en Afrique, qu’ils y construisent des hopitaux et qu’ils y sont appréciés pour leur non intervention dans les affaires intérieures : business only. La France en Afrique ? Suffit de comparer le plan de déploiement des forces françaises en 1990 et celui d’aujourd’hui. La tendance est sans appel : nous quittons l’Afrique. Et s’agissant de l’UE, comme disent certains médecins, ce n’est pas parce qu’on a la vérole qu’on ne peut pas avoir un bar-tabac (un cancer du poumon). La France a été maltraitée par les USA après le discours de Villepin à l’AG de l’ONU mais elle reste aussi sous la pression des riches investisseurs qui veulent accélérer le processus de mondialisation, c’est à dire annuler toute fiscalité y compris douanière et limiter les contraintes qui grèvent leur bénéfices. L’UE, en procédant à la lente érosion des particularités nationales européennes est évidemment au centre de toutes les attentions de ces fins manœuvriers, qui inscrivent leur stratégies sur plusieurs décennies. A t’on, en France les moyens de s’y opposer ? Est ce que l’UE a la volonté et les moyens de s’y opposer ? C’est un autre débat mais, s’agissant de l’influence US en France, il convient de ne pas sous estimer l’efficacité de tous les instruments dont ils usent. Un Etat qui écoute et enregistre tout ce que dit et écrit la population d’un pays dispose très certainement des leviers qui permettent de peser sur la politique de ce pays. Peut être savent ils même comment Sarkozy a financé sa campagne, puisqu’ils enregistrent tout...


  • rogal 10 décembre 2016 15:47

    Pourquoi parler d’« États souverains » à propos du XVIIème siècle ?  Les souverains étaient des princes et non des États. Dans nos Républiques c’est le peuple qui est censé être le souverain. Les États, eux, sont censés être indépendants.


    • Doume65 12 décembre 2016 21:53

      @rogal
      Quand on ne sait pas, on devrait se renseigner au moins un tout petit peu. Voilà ce que nous dit Wikipedia, un site que je te recommande, et auquel on a assez facilement accès sur le web :
      « En droit international, un État souverain est vu comme délimité par des frontières territoriales établies, à l’intérieur desquelles ses lois s’appliquent à une population permanente, et comme constitué d’institutions par lesquelles il exerce une autorité et un pouvoir effectif. La légitimité de cette autorité devant en principe reposer – au moins pour les États se disant démocratiques – sur la souveraineté du peuple ou de la nation. »


  • Breton8329 Breton8329 10 décembre 2016 21:39

    En réponse à cette question sur le concept de souveraineté, je suggère la lecture de l’ouvrage suivant :

    Souveraineté est entendu ici dans son acception politique : En matière de politique, la souveraineté est le droit absolu d’exercer une autorité (législative, judiciaire et/ou exécutive) sur une région, un pays ou sur un peuple.

    • rogal 10 décembre 2016 21:54

      @Breton8329

      Répondre à une petite question en donnant un livre à lire, c’est un peu facile. Vous imaginez sans doute me tenir éloigné, plongé dans sa lecture page après page.

      Cela dit vous me voyez Tout à fait d’accord pour choisir cette définition de la souveraineté. Mais alors qu’est-ce qu’appelez-vous un État souverain ?


    • Breton8329 Breton8329 10 décembre 2016 23:41

      @rogal
      D’après une définition communément admise en droit international public, un Etat est la somme d’un territoire, un peuple et un système de gouvernement. Certains y ajoutent la souveraineté. La souveraineté est à comprendre, selon moi, comme l’aptitude de l’Etat à gérer les affaires intérieures et extérieures selon les choix du système de gouvernement mis en place. A l’inverse, un Etat non souverain prend des décisions sous la contrainte d’organismes extérieurs (Etat, organisation internationale, organisations privées, banques, multinationales....). Imaginons par exemple que les agences de notations menacent de dégrader la note de la France si elle n’applique pas certaines mesures : peut on encore parler d’Etat souverain ? Imaginons que des règlements techniques applicables en France, soient décidé à Bruxelles, sans concertation d’aucune sorte avec les élus français : peut on encore parler d’Etat souverain ? Imaginons enfin qu’un Etat étranger détienne des informations non avouables sur des personnalités politiques françaises et qu’il les force à prendre des décisions conformes à ses intérêts sous peine de révéler ces informations (financement de parti politique, compromission avec des puissances étrangères, détournement de fonds... c’est fou ce qu’un Etat qui espionne tout le monde tout le temps doit avoir comme information ) : peut on encore parler d’Etat souverain ? Imaginons qu’un premier ministre et qu’un président déclare que leur priorité, c’est la sécurité des citoyens d’un autre Etat : peut on encore parler d’Etat souverain ? Comme vous voyez, la souveraineté peut être menacée de multiples façons. Celle de la France me semble bien fragile.


  • Hannibal GENSERIC Hannibal GENSERIC 11 décembre 2016 08:03
    Face à la nouvelle « menace de Noël » d’Obama, Poutine décrète l’alerte générale sur le Front Ouest de la Russie


    Un rapport alarmant du ministère de la Défense (MoD) circulant dans le Kremlin affirme aujourd’hui que le président Poutine a ordonné hier l’état d’alerte maximum des systèmes de missiles de défense aérienne S-400 Triumf le long des frontières Ouest de la Fédération avec les pays de l’OTAN. Cette alerte est une réponse directe à la « menace de Noël » émise par Obama contre les militaires et les forces de secours civiles russes en Syrie.


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