30 ans après le massacre de Tienanmen : hommage, au nom de la liberté, à ses victimes et martyrs !
30 ANS APRES LE MASSACRE DE TIENANMEN :
HOMMAGE, AU NOM DE LA LIBERTE, A SES VICTIMES ET MARTYRS !
30 ans après le massacre de Tienanmen, à Pékin, capitale historique et politique de la Chine, je rends ici hommage à ses victimes et martyrs. Aux seuls mais grands noms de la liberté, des droits de l'homme, de la tolérance des idées et de la dignité humaine ! Je me souviens avoir ardemment combattu, dans le soutien moral, intellectuel et médiatique que je leur ai alors apportés, à leurs côtés !
L'an 1989 passera sans aucun doute, au regard de l'Histoire, comme l'une des plus importantes, tant par ses conséquences politiques que par ses répercussions socio-économiques, du XXe siècle. C'est, en effet, cette année-là, le 9 novembre pour l'exactitude, que tombait le Mur de Berlin (j'y étais !), entérinant ainsi, dans sa fracassante chute, la fin de cette idéologie totalitaire que fut, de Staline à Brejnev, le communisme soviétique (je ne parle pas ici du marxisme correctement entendu, qui s'avère, sur le plan philosophique, bien autre chose et de bien plus grande valeur, bien que je ne sois moi-même pas marxiste).
Trop peu de gens, aujourd'hui, se souviennent, en revanche, que cet événement capital que fut la chute du Mur de Berlin, d'heureuse mémoire, fut précédé, cinq mois auparavant, d'une innommable tragédie sur le plan humain : le massacre, dans la nuit du 4 au 5 juin 1989 - il y a donc trente ans, jour pour jour -, de la place Tiananmen, centre névralgique de Pékin, capitale politique de la Chine.
JE ME SOUVIENS
Je me souviens. A cette époque, j'étais fortement engagé aux côtés de ces étudiants révolutionnaires. Je les ai côtoyés de près, de Pékin à Milan, en passant par Paris, où était alors installés les principaux dissidents chinois, regroupés au sein de la Fédération pour la Démocratie en Chine (FDC), dont le président était un professeur de l'Université de Pékin, Yan Chai-Ki. Certains de ces jeunes rebelles sont même devenus, par la suite, des amis, tel Chen Lichuan, l'un des leaders de Tiananmen.
Je me souviens également d'un autre de mes plus chers amis chinois, le peintre Hsiao Chin, né, en 1935, à Shangaï, où son père, You-Mei, proche de Sun Yat-Sen (le fondateur, en 1911, de la République de Chine, avant d'en devenir, en 1912, le Président) créa, en 1927, le premier conservatoire de musique en Chine. Hsiao Chin, à la mort prématurée de son père, fut élevé par son oncle, Wang Shih-Chich, homme cultivé, féru de sciences humaines occidentales et versé dans le droit international, qui devint Ministre de l'Instruction Publique, puis des Affaires Etrangères, dans le gouvernement de Chiang Kai-Shek, principal opposant à Mao Tsé-Toung et donc fondateur, à Taïwan, de la Chine nationaliste (voir, à ce propos, le magnifique récit qu’en fait un aussi immense roman que « La Condition Humaine » du grand André Malraux).
UN ARTISTE DISSIDENT
Mais si je parle ici avec enthousiasme de mon ami Hsiao Chin, c'est parce qu'il eut lui aussi le courage moral et intellectuel, nonobstant ses liens étroits avec Pékin, de se ranger très tôt, dès les premières manifestations populaires, aux côtés des étudiants de la place Tiananmen. Mieux : il créa alors, durant tout l'été 1989, une série d'émouvantes mais intenses toiles (où ce sont symboliquement le rouge et le noir, couleurs du sang et de la mort, qui dominent), intitulés « Le printemps de Pékin – Le massacre de Tiananmen », en hommage, précisément, aux innocentes victimes de ce carnage, qui provoqua des centaines de morts et des milliers de blessés. Hsiao Chin me fit par ailleurs l'honneur, en ce temps-là, de me demander d'écrire le texte du catalogue édité à l'occasion de cette exposition de tableaux : ce que je fis, bien sûr, avec respect, pour son peuple opprimé, tout autant que de gratitude, pour la confiance qu'il me témoignait.
Ainsi, plus d’un quart de siècle après, est-ce avec une émotion toute particulière que je tiens à rendre hommage, aujourd'hui, aux victimes de Tiananmen, sans lesquelles notre propre Europe n'aurait peut-être pas connu, à l'Est, le même élan révolutionnaire : au seul, beau et glorieux nom de la liberté !
VIGILANCE ET RESISTANCE FACE A L’UNE DES PIRES DICTATURES CONTEMPORAINES : L’ABOMINABLE SYNTHESE DU TOTALITARISME COMMUNISTE ET DU CAPITALISME SAUVAGE
La vigilance, cependant, reste de mise. Car la Chine d'aujourd'hui, malgré ses apparentes ouvertures sur le monde libre et occidental, reste une abominable dictature, avec le plus grand nombre - et de loin ! - de condamnés à mort, par son ancestral et cruel système judiciaire, sur son sol. De toutes les tyrannies contemporaines, elle est même, fût-ce sournoisement, la pire. Car elle cumule, elle, deux terribles tares à l'heure actuelle : les excès du totalitarisme communiste et les dérives du capitalisme sauvage. Synthèse effroyable !
Reste donc à espérer que les martyrs de Tiananmen ne soient pas morts en vain et que, davantage encore, ce rêve de liberté, pour ensanglanté qu'il fût en ces funestes jours de juin 1989, porte un jour ses fruits véritablement printaniers.
Car, comme osait le clamer haut et fort le poète résistant au milieu de la foule oppressée, « les plus beaux chants sont des chants de revendication » !
DANIEL SALVATORE SCHIFFER*
*Philosophe, auteur, notamment, de « Umberto Eco – Le labyrinthe du monde » (Editions Ramsay), « La Philosophie d’Emmanuel Levinas – Métaphysique, esthétique, éthique » (Presses Universitaires de France), « Critique de la déraison pure – La faillite intellectuelle des ‘nouveaux philosophes’ et de leurs épigones » (François Bourin Editeur), « Lord Byron » (Gallimard – Folio Biographies), « Traité de la mort sublime – L’art de mourir de Socrate à David Bowie (Alma Editeur), « Divin Vinci – Léonard de Vinci, l’Ange incarné (Editions Erick Bonnier).