300.000 personnes « dorment » dehors
En France, pays de l’égalité et de la fraternité… Chaque nuit, l’équivalent de la ville entière de Montpellier (307 101 habitants en 2022)[i] a pour plafond la « belle » étoile ou un taudis infâme, qu’il neige, pleuve, vente ou que ce soit le gros cagnard. Elles/ils, enfants en bas âge inclus, sont dehors, avec peu de chance de retrouver un home sweet home. A part quelques associations d’aide ou des volontaires bénévoles, le problème des sans logement livrés à la rue qualifiés de SDF, pour sans domicile fixe, ce qui sous-entendrait suivant cet acronyme que les domiciles ne sont pas fixes, mais tournants ou volants alors que cela masque une réalité cachée par cette sémantique : sans toit, sans foyer : STSF ! L’État, depuis longtemps, s’est désintéressé et a laissé les bonnes âmes prendre en charge comme elles le peuvent cette population de rejetés du système. Que ce soit pour le logement, avec l’abbé Pierre, ou pour la nourriture, avec les Restos du Cœur, la misère ne fait pas recette auprès de ceux qualifiés « d’élites », qui depuis toujours se débinent, mais n’hésitent pas à aller à la soupe, qui n’a rien de populaire. En fait, dans cette civilisation occidentale et développée, tout le monde s’en tape de ces traînes misères ; business oblige et loyers à encaisser !
Onze années séparent ces deux déclarations : « Plus personne ne soit obligé de dormir sur le trottoir. Parce que le droit à l’hébergement est une obligation humaine. »—« La première bataille, c'est de loger tout le monde dignement, je ne veux plus d'ici à la fin de l’année. C’est une question d’humanité et d’efficacité aussi. » Ces belles paroles lancées avec fougue et conviction par Sarkozy et Macron, qui au final ont fait un plof, sans conséquence. Il est vrai, lorsque deux psychos utilisent le mot « humanité », se méfier, car ces deux-là parlent de « leur humanité » qui n’a rien à voir avec cette plèbe grouillante et méprisable. D’ailleurs, ne sont-ils pas les promoteurs de la France, celle qui doit devenir celle des propriétaires ? Alors, c’est le temps de l’immobilier roi, de l’investissement par ceux qui, soit ont un job de cadre en CDI ou, soit ont l’apport familial. Et plus le temps s’écoule, plus ce club de futurs propriétaires se restreint car le prix du m2 explose et le crédit se fait rare. Tant et si bien, ceux qui ont bénéficié des années d’or deviennent des bourgeois possédant un patrimoine immobilier, quant aux autres, et bien de nos jours, la charge du loyer représente souvent presque 50% des revenus du locataire. Au final, le fossé s’est creusé entre les possédants et les « dépossédés », avec aucune chance à l’horizon pour que cela change ; accéder à la propriété est un rêve inaccessible pour la plupart. C’est un mouvement de fond qui touche mondialement tous les pays développés, avec par-dessus cela le loueur court-termiste Airbnb qui a accéléré le phénomène de raréfaction des logements disponibles.
Brest début septembre 2024 : en recherche d’un logement. Impossible de fournir la tonne de justificatifs, car ayant séjourné à l’étranger. Alors se tourner vers les chambres meublées chez l’habitant… Des vrais marchants de sommeil. Des 700 euros mensuels pour une chambre, avec partage de salle de bain avec une ou deux autres personnes, avec l’impossibilité d’utiliser le salon et fréquemment la cuisine. On veut bien de ton pognon, mais on ne veut pas voir ta binette. Dire que ces ladres ont certainement acquis leur logement il y a des dizaines d’années, et que l’âge venu, ils n’hésitent pas à exploiter la jeunesse étudiante, ce qui n’a pas l’air de les faire se sentir un peu mal aux entournures. Effets d’opportunités, réalité du marché, la crise et hop, passez la monnaie. Ce sont bien sûr ces vieilles bribes qui à longueur de temps vomissent sur le djeune : « gnagnagna, les jeunes d’aujourd’hui et patati », qui sont devenus les vendeurs de logements exigus à des prix incroyables, tout en se contrefoutant de ce qu’est la qualité de vie, quant à leur morale… Elle n’a jamais existé. C’est tout de même honteux qu’une partie de la population aînée exploite tant une autre.
Parlons chiffres : il y aurait presque, en estimation, 1 million de personnes jetées à la rue sur le continent européen. Les deux premiers pays touchés sont la Grande-Bretagne et la France. Entre 2012 et 2023, le nombre de SDF en France a ainsi augmenté d'environ 130 %.[ii] Que font les gouvernements pour palier à cette honteuse situation ? Pas grand-chose. Il n’y a jamais eu dans le pays autant de m2 habitables et pourtant, nous sommes revenus à l’appel de l’abbé Pierre de 1954, où onze ans après la Seconde Guerre mondiale, il y avait le pays à reconstruire. Bâtir du logement social est anecdotique, il faudrait plutôt utiliser au maximum ce qui existe déjà et qui est sous-employé. En 2023, 3,1 millions de logements étaient vacants. Depuis 1990, le nombre a augmenté de près de 1,2 million, soit une hausse de 60%.[iii] Et la tendance ne fait que croitre. Ajoutons les locations touristiques, les résidences secondaires ouvertes un mois ou deux par an, et en additionnant tout cela, il y a largement de quoi loger tout le monde. Sauf que, le lucre, faire du pognon, créer des « crises » afin de faire monter la sauce, c’est pareil pour l’alimentation où une minorité de prédateurs intermédiaires se sucrent sur le dos de la majorité qui travaille.
L’architecture hostile : ou mobilier urbain anti-SDF,[iv] a été créée pour empêcher que des personnes occupent trop longtemps un espace public, y dorment notamment près des commerces ou dans les lieux à forte circulation des centres villes. Se dire que des designers se creusent le ciboulot pour faire que des êtres humains déjà en situation de fragilité ne puissent se poser… Me fait m’interroger sur le fond de l’âme de certains. Garder aussi à l’esprit ce qu’a fait la mairie de Paris lors des jeux olympiques en expédiant manu militari toute la misère parisienne loin en province, le temps de l’orgie de fric pour l’Olympe. La France n’est malheureusement pas le pire endroit. Les USA sont devenus dans ses grandes métropoles de vraies coupe-gorges et ghettos où vivent des zombies sous drogue fentanyl et la mort de 100 000 personnes par overdoses l’année dernière. Partout, à New York, Los Angeles, San Francisco, Montréal, des quartiers entiers sont devenus des zones de non droit, où on s’entretue, se dépouille et meurt. À Las Vegas, des milliers de travailleurs vivent comme des rats dans les tunnels des égouts. Des millions de familles qui travaillent vivent dans une voiture, un camping-car. À Paris, le phénomène « crack » se fait sentir. Sachant que nous sommes toujours à la traine par rapport à l’oncle Sam, cela n’augure rien de bon en ce qui concerne des jours heureux à venir…
Quel état des lieux… Ceux qui mènent la revue depuis des dizaines d’années, nous ont construit cette société, ont instauré à petits pas un cannibalisme filial inconscient qui veut, comme chez les animaux, que les plus faibles disparaissent. Des chercheurs font une interprétation de ce phénomène : le cannibalisme filial par un modèle mathématique montre que, lorsque le surpeuplement menace la survie de la progéniture ce qui est souvent lié à la propagation d’une infection ou à la concurrence entre tous pour de trop faibles ressources, il est préférable d’en sacrifier quelques-uns pour assurer la survie de la majorité. Si ce n’est cela, du moins nous en prenons le chemin.
Georges ZETER/mars 2025
Vidéo : CRISE DU LOGEMENT : On finira tous dans la rue