mercredi 25 avril 2012 - par Didier Cozin

A prendre trop notre temps nous courons le risque de rater le train du XXIème siècle

De tout temps la France et les français ont pris leur temps, s’appropriant avec lenteur le changement ou le progrès technique (les pommes de terre qu’ils ne voulaient pas cultiver alors que la famine sévissait ou la Vaccine de Jenner qui fut introduite  en France 100 ans après l’avoir été en Angleterre).

Mais ce qui autrefois ne portait guère à conséquence (après tout, adopter le chemin de fer 20 ans après les anglais au XIX ème siècle ne nous empêcha pas de prendre le train de la modernité et de l’industrie dans un monde où l’occident disposait d’une avance presqu’infinie) pourrait devenir terriblement discriminant au temps de l'Internet et de l'économie mondialisée.

La France a donc souvent eu  une(ou plusieurs) guerre(s) de retard. Mais désormais du fait de l’essor de la connaissance et des télécommunications (+ Internet) le monde va plus vite. Alors que  nous vivons depuis au moins 20 ans  de plain-pied  dans  l’économie mondialisée de la connaissance nos retards et impréparations peuvent être très dangereux.

Au sein d’une Europe vieillissante, endettée et doutant d’elle-même, la cinquième économie mondiale (pour combien de temps ?)  ne risque-t-elle pas de se transformer en boulet pour l’Europe avec des français nostalgiques et donneurs de leçons, scotchés aux acquis enfuis des siècles passés ?

Nous avons souvent en France une guerre de retard : 14-18 menée avec des pantalons rouges et la stratégie militaire…pour Sedan, 1940 calfeutrés derrière notre ligne Maginot.. Aujourd’hui encore nous croyant à l’abri dans une Europe dont nous ne parvenons pas à comprendre qu’elle être une protection que si nous y participons pleinement, y compris en adhérant à ses valeurs économique et entreprenariale.

Ce que nous ne parvenons pas bien à saisir en cette année 2012 c’est que les confrontations des systèmes économiques et sociaux se font désormais (et heureusement) via le commerce mondial, les échanges de biens et de services dans une économie totalement ouverte et concurrentielle.

Dans une telle économie perdre de sa compétitivité est aussi dramatique que perdre des batailles frontalières puis être envahi par une force occupante.

La compétitivité, la concurrence, la liberté d’entreprendre et de réaliser apparaissent comme des dangers en France alors qu’ailleurs (songeons à la Chine qui nourrit désormais toute sa population et est devenue en 20 ans de capitalisme la seconde économie mondiale) ils sont porteurs d’espoirs d’une vie meilleure (trimer 60 heures par semaine dans une usine en Chine est peut être inhumain mais mourir de faim sous Mao l’était bien plus encore).

Les confrontations des systèmes et des hommes aujourd’hui, au sein des pays développés ne se font plus à coup de canons, de bombardements ou d’offensives de cavalerie. La « guerre » aujourd’hui (laissons de côté le terrorisme) est avant tout économique et financière. Les grands pays ne s’affrontent plus sur des champs de bataille mais dans les ateliers, les bureaux d’étude, sur les réseaux de télécommunications.

Apple et ses petites machines connectées à Internet représentent plus que la capitalisation de la totalité des entreprises du CAC 40, nous nous focalisons souvent sur des enjeux passés (l’emploi perdu qu’il faudrait que l’Etat compense à coup de subventions) alors que seuls d’immenses efforts de productivité, de compétitivité, d’adaptation pourraient nous tirer de l’ornière.

La concurrence entre les hommes et les systèmes n’a donc pas disparu mais elle a changé de nature. Le problème est que la nature même de la confrontation économique (pas de morts, pas de bombes, pas de destructions violentes) ne permet plus à nos concitoyens de bien comprendre les vrais risques et enjeux du monde contemporain (quand les nazis défilaient sur les champs Elysées il était difficile de nier que nous avions perdu la guerre, quand le Cac 40 appartient majoritairement à des fonds étrangers, la perte de souveraineté économique et financière du pays n’apparaît pas pour certains (qui la nient ou pensent que des mesures règlementaires pourrait redresser la situation)).

Si les pères de l’Union Européenne ont inventé justement cette communauté européenne c’était parce qu’ils pressentaient (à juste titre comme nous le voyons depuis 60 ans) que faire du commerce avec ses voisins empêche de leur faire la guerre (quand on partage des intérêts communs on a tendance à épargner son partenaire pour ne pas être atteint soi-même).

Aujourd’hui la France cherche des boucs émissaires face à ses difficultés. Les deux meilleurs boucs émissaires que nous avons trouvés sont l’Europe (qui nous enfoncerait dans le libéralisme) et les étrangers (qui viennent manger le pain des français, c’est bien connu).

Ce nationalisme ressuscité  se traduit désormais dans les urnes avec l’avancée des extrêmes (Front National et FDG représentant désormais 1/3 des électeurs), il fait resurgir le spectre des mauvais souvenirs d’avant-guerre (après la crise de 2008, comparable par certains aspects à celle de 1929).

Le risque aujourd’hui pour un citoyen français n’est plus guère de mourir sous les bombes (terroriste ou autre), d’être assassiné ou enlevé au coin de la rue (alors que c’est monnaie courante dans de nombreuses régions du monde), non le vrai risque aujourd’hui pour nos concitoyens est de devenir  de simples spectateurs d’un développement économique et social auquel ils ne pourront participer (faute de compétences adaptées et d’esprit d’entreprise).

Voltaire vingt-cinq ans avant la révolution française écrivait  « Les Français arrivent tard à tout, mais enfin ils arrivent. ... Les jeunes gens sont bien heureux : ils verront de belles choses ».

 Les jeunes français de 2012 verront-ils ces belles choses que prévoyait Voltaire en avril 1764 ? rien n’est moins sûr.

Sans adaptation rapide et très forte de notre pays celui-ci coure peut être le risque d’abandonner à d’autres sa souveraineté économique et financière. Ne vaut-il pas mieux désormais nous mettre à niveau plutôt que prétendre donner des leçons de social à la terre entière ?



13 réactions


  • Jean-Pierre Llabrés Jean-Pierre Llabrés 25 avril 2012 11:10

    À l’auteur :
    Un diagnostic, c’est bien.
    Des recommandations seraient plus utiles !


    • nicolas_d nicolas_d 25 avril 2012 11:44

      D’après ce que j’ai compris, ses recommandations c’est de rester dans le train du XXieme siècle (libéralisme économique et financier) au lieu de prendre celui du XXIieme (libéralisme humain et écologie)


  • mic0741 mic0741 25 avril 2012 12:01

    Je ne suis pas sur que le système politico-financier actuel soit viable pour le plus grand nombre. Et si la France avait raison de vouloir combattre un système, qu’on appelle libéralisme, et qui consiste à prendre peu à tout le monde pour enrichir beaucoup quelques-uns ?

    La France à-t-elle tort de prendre le temps de réfléchir à ce que propose le troupeau des suiveurs intoxiqués par le matraquage du consumérisme, la nouvelle religion du peuple ?

  • joletaxi 25 avril 2012 16:35

    @l’auteur

    vous êtes ingénieur ?
    quelle drôle d’idée de publier un article ici ?
    Les réactions sont parfaitement dans la ligne de ce média :
    nous avons raison, le monde entier a tort, et nous allons imposer nos vues

    Se pourrait-il que nous ayons tort ?
    ben non, nous avons raison

    Pour reprendre un slogan d’un blogger émérite H16 cepays est foutu


  • Tristan Valmour 25 avril 2012 16:38

    Corrigeons

    D’abord, on n’écrit jamais « de tout temps ». Vous ne pouvez pas le prouver.

    Ensuite, c’est facile de dire que la France était en retard dans tel ou tel domaine. Mais vous oubliez qu’elle a été un précurseur dans les domaines suivants : physique nucléaire, médecine, biologie, aéronautique et spatial, cinématographe, chimie, agriculture, institutions (copiées dans maints pays), philosophie, etc.

    Enfin, on s’en fiche que ce soit la 5è ou 10è économie. Quel est le rang de la Suisse, du Luxembourg ou de Singapour ? Ils ne sont pas premiers, pourtant il ne me semble pas que les habitants de l’un ou l’autre de ces pays ne soient pas malheureux.

    Dans ce que vous annoncez, quel est le véritable problème ? Des dirigeants français ont trahi les intérêts de la France et vendu notre pays à des puissances étrangères.

    Aux lendemains de la WWII, les Américains ont voulu dépecer la France. Ce n’est pas de l’anti-américanisme que de le dire (je ne suis pas antiaméricain). Malheureusement pour nos amis, de Gaulle ne s’est pas laissé faire. Et il a initié maints grands projets. Il a eu la volonté de se battre pour la France, il a eu la volonté d’œuvrer pour l’intérêt général et les intérêts stratégiques. Après lui, le déluge, la cata.

    La France possède d’innombrables ressources. Il faut juste à sa tête un mec comme de Gaulle. Quelqu’un qui va montrer l’exemple par son honnêteté, qui va œuvrer pour l’intérêt général. Pas un traître. Quelqu’un qui va taper du poing sur le table quand il le faudra, même avec ses alliés. Quelqu’un qui va dire : nada, ça je ne signe pas parce que ce n’est pas dans l’intérêt de la France. Quelqu’un qui va prendre l’initiative et entraîner d’autres pays à sa suite plutôt que se laisser entraîner.

    Et tout ira bien.


  • JCBeaujean 25 avril 2012 17:55

    Misère !

    Certainement ingénieur mais pas historien... Quelle analyse !
    Déjà, sous de Gaulle, quand j’avais dix ans et que je bavais devant le modèle américain, mon père me répétait votre discours préformaté de petit libéral suicidaire : la France avait 20 ans de retard sur les USA !
    Il suffit de voir dans quel état vos avancées de « titivité » en tous genres ont fait basculer notre planète. Encore 20 ans de cette course absurde aux profits et aux pseudo-avancées numériques incontournables pour voir vos petits-enfants condamnés au chaos !
    Savez-vous qu’il existe d’autres perspectives de vie que celles que vos analyses de futuristes des années 50 proposent ?
    Informez-vous sur l’actuel danger monstrueux que représente la situation du site de Fukushima. Un seul exemple parmi des dizaines d’autres, à peine moins catastrophiques...
    Le Japon a décidé de prendre du retard, monsieur l’ingénieur, en espérant qu’il ne soit pas trop tard, notamment en raison de l’irresponsabilité criminelle des grands « entrepreneurs » de Tepco : 2 réacteurs sur plus de 50 encore en activité. avant d’arrêter pour de bon.
    Il est heureux enfin de savoir que pour vous les « acquis enfuis des siècles passés » nous freinent dans nos petites guéguerres capitalistiques sans dommage... Tant mieux pour vous,monsieur. Pas pour moi qui ne peut retrouver d’emploi à 53 ans en raison de vos règles du jeu imbéciles et inhumaines.
     Les ouvriers chinois de Foxconn en travaillent pas 60 heures pas mois, monsieur, mais 7 jours sur 7, dans des camps de travail où vous n’enverriez aucune personne de votre famille travailler. Un milliard de Chinois sont dans une misère terrible grâce au capitalisme rouge, sans retraite ni Sécurité sociale réelles.
    Quant aux « pays avancés » qui ne font plus la guerre, vous avez encore raison : depuis 1945, les Etats-Unis n’ont pas cessé d’être en conflit sur la planète, quitte à l’être par dictatures interposées. Et ils sont, en raison d’un endettement délirant, notamment dû à une course suicidaire au surarmement permanent, dans une situation plus que précaire, que vous constaterez bientôt traduite dans des crises sans précédent. A moins qu’eux seuls aient le privilège de l’endettement exponentiel ?
    Disneyland ne vous sauvera pas de la cécité, monsieur. Je vous plains.


  • JCBeaujean 25 avril 2012 20:08

    Le problème est que la nature même de la confrontation économique (pas de morts, pas de bombes, pas de destructions violentes)...
    Excusez-moi d’avoir oublié dans vos perles celle-ci, la plus pure !
    Imaginez-vous le nombre de millions de victimes annuelles dans le monde de votre merveilleuse guerre en col blanc ? Maladies, accidents du travail, sans compter les dizaines de peuples déplacés, les guerres civiles (juste l’exemple de la la région des Grands Lacs depuis 20 ans, regorgeant de métaux rares pour vos petites machines Apple...)
    Pas de victimes de la surexploitation des hommes et des terres !
    Le ridicule tue effectivement moins que la globalisation.


  • mic0741 mic0741 26 avril 2012 08:22

    « songeons à la Chine qui nourrit désormais toute sa population et est devenue en 20 ans de capitalisme la seconde économie mondiale »

    L’exemple de la Chine, c’est exploiter 1 milliard de chinois payés avec un lance-pierre (même s’ils mangent mieux que sous Mao) par quelques ultrariches chinois d’abord, mais aussi occidentaux pour s’accaparer les richesses de l’occident. C’est ça le nouveau capitalisme ?


  • Didier Cozin Didier Cozin 26 avril 2012 08:35

    « Les chinois mangent mieux que sous mao » C’est de l’humour sans doute .

    Extrait d’un article de l’Express de 1998 à propos d’un livre de Jasper Becker :

    La Chine a connu plus de 1 800 famines au cours de ses vingt-cinq siècles d’histoire. Pourtant, celle qui frappe le pays entre 1959 et 1961 est sans précédent : plus de 30 millions de morts. Des plaines du Yangzi Jiang aux plateaux du Tibet, toutes les régions sont décimées. Car la pénurie est sans rapport avec la géographie ou le climat : les victimes payent de leur vie l’utopie meurtrière de Mao Zedong. Autocrate favori de l’intelligentsia française de l’époque, il engage son pays dans une industrialisation à marche forcée. Pendant ce Grand Bond en avant, l’Etat confisque les terres et les biens des paysans, puis instaure des méthodes d’agriculture bidon. Provoquant le cataclysme. Dans son ouvrage La Grande Famine de Mao (éd. Dagorno), Jasper Becker raconte en détail, pour la première fois, l’épisode le plus meurtrier de la tragédie communiste. Ce fut l’un des événements les plus tragiques de ce siècle, dont on commence tout juste à réaliser l’ampleur.

  • Didier Cozin Didier Cozin 26 avril 2012 09:04

    Quand on a une économie à la renverse, un social qui fout le camp (tout en étant hors de prix), une fonction publique qui travaille surtout pour elle même, une perte d’influence culturelle flagrante (en Italie plus personne ne parle français, le réseau des alliances françaises est à l’agonie)... il ne reste que 2 solutions :

    • Faire amende honorable en se disant que les français ne sont peut-être pas différents des autres peuples de la terre et qu’il faut tenter de s’adapter au mode de développement des autres (après tout la Suède qui n’a plus de fonction publique n’est pas réellement un « enfer » libéral)
    • Ou prétendre dicter notre modèle (social, économique, politique) au monde entier tout en croyant que la révolution française, De Gaulle ou « les misérables » rendront les français séduisants et performants pour l’éternité.

    • Inquiet 26 avril 2012 09:16

      Je suis absolument d’accord avec vous.


      Le réalisme impose qu’on réfléchisse de manière pragmatique et factuelle.

      Or que voit-on ?

      Une haute-finance qui a le pouvoir de dicter tout sur tout sans réel contre pouvoir à lui opposer.

      Il ne s’agit pas de nier la profonde détresse que doit ressentir les peuples fasse à leur démocratie confisquée et à la misère dont ils sont désormais irrémédiablement condamnée, mais il s’agit de faire un constat objectif des forces en présences.

      Qu’on le sache : nous ne sommes plus en 1789, aujourd’hui nous avons fait des progrès, notamment avec l’utilisation des drones capables d’éliminer précisément un individu sans avoir le moindre remord de faire le « vrai travail » (sic) par une « vrai personne faillible sentimentalement ». A la limite un hacker pro gamerz n’y verra qu’une occasion de parfaire sa maîtrise de doom.

      Quand des individus a eu seul peuvent s’intercaler entre le PIB de la 10ème et 11ème puissance mondiale, on aurait de les sous estimer par rapport à leur possibilité de lever à eux seuls une armée de mercenaires dévoués financièrement (ils n’ont pas de fonctionnaires inutiles à payer, leur budget peut aller à au mois 50% à leur armée).

      Non, définitivement, la raison nous impose de nous soumettre à cette logique implacable.

      Comme disait la grande philosophe Margareth Tatcher : « This Is Not Alternative ».


      J’ai bon ?


  • Tristan Valmour 26 avril 2012 13:13

    Suède = couronne suédoise, indépendance, peu de corruption, société uniforme, etc.

    France = Euro, sujétion, corruption très élevée, société protéiforme, etc.

    On ne compare pas des mètres avec des kilogs. Désolé.

    Ce sont les administrateurs et les gestionnaires comme vous qui ont une vision faussée du monde. Il faut sortir de la vision purement comptable. Oui, il y a des spécificités culturelles qui ne se gomment pas d’un coup de crayon et que trahissent mal les tableaux statistiques.

    Chine = peu de sécurité sociale, mais famille très aidante.

    USA = congrégations religieuses + évergètes très aidants.

    Et de Gaulle a rendu la France et les Français performants. D’ailleurs, la productivité des Français est toujours très élevée.

    Le problème de la France, je le répète : vente à la découpe aux amis de Sarkozy et à la finance. Bouygues, Bolloré, Arnault, Pinault, Bettencourt (etc.) n’en n’ont rien à foutre de la France et des Français. That’s the problem. Airbus est de + en + allemande. De Gaulle n’aurait jamais permis cela. Il aurait défendu les intérêts stratégiques de la France, ce qui passait par de grandes entreprises nationales.

    CNRS = 1er pôle mondial de recherche d’après le Scimago Institutions Rankings (2009). Chinese Academy of Science = 2è. Russian Academy of Sciences = 3è. Harvard University = 4è.

    Et que fait Sarkozy ? Détruire le CNRS. Après la vente d’une grande partie du stock d’or dès son accession au trône, vous ne pensez pas que c’est un vendeur à la découpe, un agent de l’Etranger. Facile de détruire un pays avec des ennemis de l’intérieur. « Gardez-moi de mes amis, mes ennemis, je m’en charge ».

    A propos de corruption et magouilles qui tuent la France : on parle de la formation professionnelle ? De toutes ces formations inutiles, des réseaux etc. ? Combien de milliards d’économie peut-on faire ? Quelles vraies formations, efficaces, proposer ?


Réagir