A prendre trop notre temps nous courons le risque de rater le train du XXIème siècle
De tout temps la France et les français ont pris leur temps, s’appropriant avec lenteur le changement ou le progrès technique (les pommes de terre qu’ils ne voulaient pas cultiver alors que la famine sévissait ou la Vaccine de Jenner qui fut introduite en France 100 ans après l’avoir été en Angleterre).
Mais ce qui autrefois ne portait guère à conséquence (après tout, adopter le chemin de fer 20 ans après les anglais au XIX ème siècle ne nous empêcha pas de prendre le train de la modernité et de l’industrie dans un monde où l’occident disposait d’une avance presqu’infinie) pourrait devenir terriblement discriminant au temps de l'Internet et de l'économie mondialisée.
La France a donc souvent eu une(ou plusieurs) guerre(s) de retard. Mais désormais du fait de l’essor de la connaissance et des télécommunications (+ Internet) le monde va plus vite. Alors que nous vivons depuis au moins 20 ans de plain-pied dans l’économie mondialisée de la connaissance nos retards et impréparations peuvent être très dangereux.
Au sein d’une Europe vieillissante, endettée et doutant d’elle-même, la cinquième économie mondiale (pour combien de temps ?) ne risque-t-elle pas de se transformer en boulet pour l’Europe avec des français nostalgiques et donneurs de leçons, scotchés aux acquis enfuis des siècles passés ?
Nous avons souvent en France une guerre de retard : 14-18 menée avec des pantalons rouges et la stratégie militaire…pour Sedan, 1940 calfeutrés derrière notre ligne Maginot.. Aujourd’hui encore nous croyant à l’abri dans une Europe dont nous ne parvenons pas à comprendre qu’elle être une protection que si nous y participons pleinement, y compris en adhérant à ses valeurs économique et entreprenariale.
Ce que nous ne parvenons pas bien à saisir en cette année 2012 c’est que les confrontations des systèmes économiques et sociaux se font désormais (et heureusement) via le commerce mondial, les échanges de biens et de services dans une économie totalement ouverte et concurrentielle.
Dans une telle économie perdre de sa compétitivité est aussi dramatique que perdre des batailles frontalières puis être envahi par une force occupante.
La compétitivité, la concurrence, la liberté d’entreprendre et de réaliser apparaissent comme des dangers en France alors qu’ailleurs (songeons à la Chine qui nourrit désormais toute sa population et est devenue en 20 ans de capitalisme la seconde économie mondiale) ils sont porteurs d’espoirs d’une vie meilleure (trimer 60 heures par semaine dans une usine en Chine est peut être inhumain mais mourir de faim sous Mao l’était bien plus encore).
Les confrontations des systèmes et des hommes aujourd’hui, au sein des pays développés ne se font plus à coup de canons, de bombardements ou d’offensives de cavalerie. La « guerre » aujourd’hui (laissons de côté le terrorisme) est avant tout économique et financière. Les grands pays ne s’affrontent plus sur des champs de bataille mais dans les ateliers, les bureaux d’étude, sur les réseaux de télécommunications.
Apple et ses petites machines connectées à Internet représentent plus que la capitalisation de la totalité des entreprises du CAC 40, nous nous focalisons souvent sur des enjeux passés (l’emploi perdu qu’il faudrait que l’Etat compense à coup de subventions) alors que seuls d’immenses efforts de productivité, de compétitivité, d’adaptation pourraient nous tirer de l’ornière.
La concurrence entre les hommes et les systèmes n’a donc pas disparu mais elle a changé de nature. Le problème est que la nature même de la confrontation économique (pas de morts, pas de bombes, pas de destructions violentes) ne permet plus à nos concitoyens de bien comprendre les vrais risques et enjeux du monde contemporain (quand les nazis défilaient sur les champs Elysées il était difficile de nier que nous avions perdu la guerre, quand le Cac 40 appartient majoritairement à des fonds étrangers, la perte de souveraineté économique et financière du pays n’apparaît pas pour certains (qui la nient ou pensent que des mesures règlementaires pourrait redresser la situation)).
Si les pères de l’Union Européenne ont inventé justement cette communauté européenne c’était parce qu’ils pressentaient (à juste titre comme nous le voyons depuis 60 ans) que faire du commerce avec ses voisins empêche de leur faire la guerre (quand on partage des intérêts communs on a tendance à épargner son partenaire pour ne pas être atteint soi-même).
Aujourd’hui la France cherche des boucs émissaires face à ses difficultés. Les deux meilleurs boucs émissaires que nous avons trouvés sont l’Europe (qui nous enfoncerait dans le libéralisme) et les étrangers (qui viennent manger le pain des français, c’est bien connu).
Ce nationalisme ressuscité se traduit désormais dans les urnes avec l’avancée des extrêmes (Front National et FDG représentant désormais 1/3 des électeurs), il fait resurgir le spectre des mauvais souvenirs d’avant-guerre (après la crise de 2008, comparable par certains aspects à celle de 1929).
Le risque aujourd’hui pour un citoyen français n’est plus guère de mourir sous les bombes (terroriste ou autre), d’être assassiné ou enlevé au coin de la rue (alors que c’est monnaie courante dans de nombreuses régions du monde), non le vrai risque aujourd’hui pour nos concitoyens est de devenir de simples spectateurs d’un développement économique et social auquel ils ne pourront participer (faute de compétences adaptées et d’esprit d’entreprise).
Voltaire vingt-cinq ans avant la révolution française écrivait « Les Français arrivent tard à tout, mais enfin ils arrivent. ... Les jeunes gens sont bien heureux : ils verront de belles choses ».
Les jeunes français de 2012 verront-ils ces belles choses que prévoyait Voltaire en avril 1764 ? rien n’est moins sûr.
Sans adaptation rapide et très forte de notre pays celui-ci coure peut être le risque d’abandonner à d’autres sa souveraineté économique et financière. Ne vaut-il pas mieux désormais nous mettre à niveau plutôt que prétendre donner des leçons de social à la terre entière ?