jeudi 2 février 2023 - par Desmaretz Gérard

Activités aquatiques : l’œdème pulmonaire d’immersion

La nage en eau glacée pratiquée en lac, carrière, rivière ou en mer connait un engouement hivernal depuis plusieurs années. La ville de Samoës a accueilli le championnat du monde de la discipline. Du 11 au 15 janvier 2023, cinq-cents athlètes venus de quarante pays, se sont affrontés sur : 50, 100, 250, 500 et 1.000 mètres (la distance sur un mile n'était pas inscrite) dans un bassin de 25 mètres aménagé sur la base de loisirs du lac aux Dames à 700 mètres d'altitude dans une eau à 4,8°C ! Les sportives et sportifs tricolores s'y sont illustré(e)s. La mise à l'eau par plongeon ou bascule est interdite, l’impact de l'eau glacée sur l’organisme peut désorienter le nageur et lui faire perdre ses repères spatiaux et ne pas réaliser s'il a la tête émergée ou immergée !

Les triathlètes, les nageurs en eau glacée, les apnéistes et les plongeurs subaquatiques sont exposés à l’œdème pulmonaire d’immersion, une pathologie consécutive à : l’effort cardio-respiratoire - froid rigoureux - stress - hyperoxie. « Je soupçonne que la majorité des personnes qui meurent dans l'eau après y être entré volontairement, c'est-à-dire des nageurs ou plongeurs, meurent d'un œdème pulmonaire par immersion, et non de la noyade. (...) Un jeune homme sur 20 lors de la sélection pour les US Navy Seals serait concerné » Peter Wilmshurst cardiologue et membre du UK Diving Medical Committee. « Des erreurs diagnostiques sont fréquentes puisque l’OPI est une entité mal connue des plongeurs et des soignants  » (Revue Médicale Suisse).

Les premiers cas d'OPI ont été rapportés dans les années quatre-vingts. Une triathlète cinquantenaire a commencé à en ressentir les effets après avoir nagé 300 mètres dans une eau à 17°C. « Nageant dans une carrière lors d'une baignade nocturne, j'ai commencé à hyperventiler et j'ai réalisé que je ne pouvais plus nager. Heureusement, j'ai pu appeler à l'aide et j'ai été guidée vers le quai. Quand je suis sortie, j'ai défait ma combinaison et j'ai immédiatement ressenti la sensation de mes poumons se remplir de liquide. J'ai commencé à tousser et j'avais un goût métallique dans la bouche. Quand je suis entrée dans la lumière, j'ai pu voir que mes crachats étaient roses et mousseux ». Les auteurs de l’étude soulignent un risque de récidive chez 13 à 22 % des nageurs et des plongeurs.

Le corps ne cesse pas de fonctionner soudainement, il émet des signes annonciateurs : vasoconstriction (diminution du calibre des vaisseaux), tachycardie (augmentation du rythme cardiaque), tachypnée (accélération du rythme respiratoire), hyperpnée (exagération de l'amplitude des mouvements respiratoires), dyspnée (difficulté à respirer), sentiment d'oppression thoracique, difficulté à coordonner ses mouvements (le nageur peut nager en crabe), incapacité à s'extraire du plan d'eau, toux, expectorations (secrétions), hémoptysie (crachats sanguinolents). Facteurs de risque : hypertension, cholestérolémie, cardiopathie ignorée, surcharge pondérale, fatigue, âge, impréparation. Un ECG, un bilan pulmonaire, un test d'effort et un test urticaire au froid (pose d'un glaçon sur la peau pendant plusieurs minutes) sont nécessaires, et les sportifs se doivent de renoncer aux anti-inflammatoires non stéroïdiens ainsi qu'à l'hyper-hydratation.

Dans l'eau, le corps se refroidit 25 fois plus vite que dans l'air. La température du corps peut descendre en dessous de 34°C, et la tension artérielle atteindre 20 ! Un collège d'experts du Royal United Hospitals Bath NHS Foundation Trust met en garde sur l’OPI : « Pendant 10 minutes, le corps réagit au froid en contractant les vaisseaux sanguins de sorte que le sang reflue vers l’intérieur, en particulier vers le cœur. Mais, après de 10 à 15 minutes, le système nerveux commence à défaillir. Les impulsions électriques permettant au cerveau d’activer les muscles voyagent moins bien, ce qui peut rendre la nage difficile au point d’avoir du mal à sortir de l’eau. Après de 15 à 30 minutes l’hypothermie commence »

La ventilation pulmonaire permet d'approvisionner l'alvéole en oxygène que le sang vient y puiser, et de rejeter à l'extérieur le gaz carbonique que le sang a déversé dans l'alvéole (hématose). La capacité pulmonaire varie de 3 à 6 litres chez l'homme, et 2,5 à 4 litres chez la femme. La ventilation/minute (environ 16 cycles par minute chez l'homme, et 18 chez la femme) au repos est d'environ 3,5 l par mètre carré de surface corporelle, soit 5 à 8 l/mm. Il est possible de faire varier les volumes d'air inspiré et expiré volontairement. On distingue : le volume courant 0,5 litre (l'adulte) - le volume de réserve inspiratoire forcé 2,5 l - le volume de réserve expiratoire expiration forcée 1,5 l - la capacité vitale la somme des volumes mentionnés environ 4,5 l. Le volume résiduel représente la quantité d'air qui reste dans les poumons et les voies aériennes après une expiration forcée, environ le 1/4 de capacité totale.

L’organisme de l'apnéiste reste soumis à la pression hydrostatique (1 bar=1 kg par tranche de 10 m de profondeur) à laquelle s'ajoute la pression atmosphérique (1013 millibars). La descente débute après une profonde inspiration, voire une hyperventilation. A une profondeur de 10 mètres (2 bars), le volume des poumons est réduit de moitié. Vers - 30 mètres (pression 4 bars), le volume des poumons est réduit à celui du volume résiduel... « Le transfert de sang vers le thorax correspond à un volume estimé entre 250 et 700 ml qui conduit à une élévation de la pression artérielle pulmonaire et à une augmentation de la charge ventriculaire  ». Des contractions diaphragmatiques bien connues des adeptes peuvent accroître la dépression intra-thoracique, l'apnéiste court le risque d'un OPI. L'administration de Sildénafil (un générique du Viagra) dosé à 50 mg administré avant immersion semble prévenir la récidive de l’œdème pulmonaire d'immersion (l'étude de Moon a porté sur 10 patients ayant présenté un ou plusieurs épisodes d’OPI).

Les poumons d’un plongeur subissent très peu de variation de volume, le détendeur délivre de l'air à la pression ambiante à laquelle il se situe. Le problème est en rapport avec le type de détendeur : deux étages séparés ou non (Mistral), recycleur (fermé ou semi-ferme), et la position du centre pneumoïque (différence de pression entre le centre des poumons et le niveau de l'appareil respiratoire). En position verticale, tête vers la surface, la pression opère une redistribution sanguine vers la poitrine (phénomène de contention) et améliore le retour auriculaire droit (oreillette). Si la pression exercée sur le diaphragme favorise l'expiration, l'effort inspiratoire est accru. A cela viennent s'ajouter les résistances de l'appareil respiratoire (quelques grammes), voire son givrage (détente du mélange Haute P -> Moyenne P -> Basse Pression en eau froide) et l'augmentation de la densité de l'air (1,293 gr/litre en surface) en profondeur. A - 40 mètres elle est de 6,465 gr, l'inspiration requiert un effort supplémentaire tandis que le débit expiratoire, lui, diminue. La pression modifie la mécanique ventilatoire et l’hémodynamique : pression, débit, vitesse, vasomotricité, résistance vasculaire. En position verticale, tête vers le fond, les pressions (force/surface) s'inversent favorisant l'inspiration. Cet aspect a été confirmé par les examens médicaux de plongeurs militaires habitués à nager sur le côté (nage tactique) : seul le poumon immergé a présenté des signes d’œdème. La figure 2 illustre le gradient de pression hydrostatique mesuré entre le centre pneumoïque et selon l'appareil respiratoire utilisé.

Le parenchyme pulmonaire (tissu dont les cellules ont une activité physiologique) : « est composé des bronchioles respiratoires, des conduits alvéolaires et des alvéoles, siège de l’échange gazeux entre sang et air. Le corps humain compte 300 millions d’alvéoles (adulte) pour une surface intérieure d'une cinquantaine de mètres carrés. En 24 heures, une vingtaine de litres de liquide circule du sang vers les tissus, et une douzaine de litres des tissus vers le sang emportant le gaz carbonique. Les huit litres restant passent des tissus dans le système (groupe d'organes interdépendants qui agissent pour réaliser une fonction commune) lymphatique qui collecte la lymphe transportant : le liquide interstitiel, protéines, lipides, métabolites, et les cellules accumulés dans les espaces intercellulaires au sein des tissus que les veines ne peuvent pas transporter, avant de revenir dans l'appareil circulatoire.

Lors de la survenue d'un OPI (accumulation anormale de liquide dans les alvéoles suite à la rupture de la barrière alvéolo-capillaire, épaisseur 0,1 à 0,3 mm), les échanges gazeux sont suspendus : « le plasma rempli des lumières alvéolaires d’où un épaississement des cloisons alvéolaires (tache en verre dépoli visible au scanner). Lorsque le parenchyme est lésé, il laisse place à du tissu conjonctif cicatriciel qui n'a pas d'activité physiologique ». L'œdème pulmonaire d’immersion représenterait 5 à 11 % des accidents de plongée : les plongeurs représentent près de la moitié des OPI - les nageurs un tiers - les apnéistes environ 10 % (centre hyperbare de Sainte-Anne 2015 à Toulon). « Le corps est pour deux-tiers environ composé d'eau qui fait l'objet d'un échange continuel entre le sang et les tissus. C'est la pression circulatoire qui fait sortir l'eau des capillaires pour la distribuer aux tissus. Inversement, la propriété qu'ont les protéines du sang d'attirer l'eau (osmose) permet la réabsorption de l'eau dans les capillaires à partir des tissus. Normalement, ces deux mécanismes s'équilibrent et gardent plus ou moins constants les taux hydriques des tissus et du sang ».

En plongée, l'OPI se déclenche lors de la remontée, la diminution de la pression hydrostatique favorise le remplissage plasmatique des alvéoles (> à 30 mm Hg). Tout effort doit être suspendu afin de ne pas surcharger le muscle cardiaque (myocarde) déjà en hypoxie (diminution de la teneur en oxygène). Les premières mesures consistent à extraire la victime de l’eau, lui retirer tout ce qui pourrait obstruer les voies aériennes ou entraver la respiration (masque, appareil respiratoire, combinaison) et à lui administrer de l’oxygène (débit 12-15 l/min). Un transfert vers un hôpital doté d'une chambre hyperbare est recommandé. « Les premiers signes sont rarement intenses et la distinction entre une surpression pulmonaire ou un chokes n’est pas toujours évidente. Toutefois, toute symptomatologie respiratoire chez un plongeur doit bénéficier d’une TDM thoracique afin d’éliminer un pneumothorax et de rechercher un aspect en verre dépoli (opacités parenchymateuses pulmonaires masquant les vaisseaux et parois bronchiques) de l’OPI » recommandations de la FFESSM. Dans les formes sévères, l’intubation trachéale peut être nécessaire.

Le Service de santé des armées a constaté une augmentation de la « prévalence de l'œdème pulmonaire d’immersion chez les plongeurs militaires au cours de ces dernières années ». L’Institut de recherche biomédicale des armées a réalisé un prototype de « pneumo-barotachographe ». Le PBO enregistre la pression thoracique différentielle, le débit, la fréquence ventilatoire, le rythme cardiaque, l'intensité du palmage, la profondeur d’immersion, la température de l'eau et la déclivité du plongeur. La modification des variables programmées déclenche un signal visuel et sonore alertant le plongeur. La prochaine étape consistera à en ajuster les paramètres aux différents mélanges respiratoires, à inclure un oxymètre, la détection des micro bulles, puis à le miniaturiser pour l'incorporer dans l'ordinateur de plongée spécifique aux plongeurs de la défense. L'historique en sera-t-il protégé...

Je me suis efforcé à rendre comprehensible les mécanismes de l'OPI en conservant les termes médicaux en usage, le tout en quelques feuillets. Les encadrants, les participants des quatre disciplines et lecteurs désireux d'approfondir le sujet pourront se reporter aux publications médicales. Une remarque, une correction, une précision, un retour d'expérience ?

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5 réactions


  • troletbuse troletbuse 2 février 2023 18:52

    Encore une affection qui a du augmenter chez les covidistes waxxinés. Saloperie de covid !  smiley


  • Astrolabe Astrolabe 2 février 2023 19:47

    L’œdème pulmonaire d’altitude existe aussi.

    Il touche régulièrement des touristes mal informés (il existe des cachets à prendre en prévention) prenant la route Manali-Leh sans faire de pauses régulières le temps qu’il faut, un peu comme des paliers.

    Passer de 2000 m à 5 300 m puis redescendre vers Leh à 3 500 m trop rapidement peut tuer.


  • Astrolabe Astrolabe 2 février 2023 21:05

    À l’équipe d’Agora Vox

     

    Je viens ce soir d’être banni par le sieur Chapoutier pour avoir osé répondre cela à un intervenant :

     

    Astrolabe 2 février 19:37

    @Pie 3,14
     
    « Merci pour ce rappel historique remettant les choses à leurs places. »


    Approuvez-vous cette atteinte arbitraire à la liberté d’expression ?


  • troletbuse troletbuse 3 février 2023 22:08

    Sous-titré français. Ce qu’il y a dans le waxxin et les conséquences que l’on voit aujourd’hui

    https://crowdbunker.com/v/de2GcMJs2g


  • troletbuse troletbuse 3 février 2023 22:51

    Petite vidéo de Joron

    https://crowdbunker.com/v/XdJvDFN4DT


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