Affaire Bygmalion : Nicolas Sarkozy pourrait être renvoyé en correctionnelle
La justice vient de confirmer le renvoi en correctionnelle de l'ancien chef de l'Etat pour « financement illégal de campagne électorale ». Son avocat s'est pourvu en cassation.
Nicolas Sarkozy n’a jamais été aussi proche d’un procès en correctionnelle dans l’affaire Bygmalion. Le 5 mars 2014, le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire pour « faux », « abus de biens sociaux » et « abus de confiance » visant la société Bygmalion. A la suite de l'enquête, Seul le juge Serge Tournaire, premier saisi, a signé le 3 février 2017 une ordonnance de renvoi devant le tribunal, tandis que Renaud Van Ruymbeke, l’un des magistrats instructeurs chargés de l’enquête, a refusé de la signer. Le conseil de M. Sarkozy a ensuite fait appel de l’ordonnance de renvoi, compte tenu des divergences entre les juges. Quatre ans et demi plus tard, la chambre de l’instruction de la cour d’appel a donc décidé, jeudi 25 octobre, de confirmer l’ordonnance de renvoi, et ce conformément aux réquisitions de l’avocat général.
Des cadres de l’agence de communication Bygmalion et Jérôme Lavrilleux, l’ex-directeur adjoint de la campagne, ont reconnu l’existence d’un système consistant à facturer à l’UMP des services qui auraient en fait profité au candidat Sarkozy. 16,2 millions d’euros de dépenses de meetings de campagne auraient ainsi dû figurer dans les comptes du candidat, au lieu des comptes de l'UMP. Si on ajoute ces 16,2 millions aux dépenses déclarées de la campagne, on obtient plus de 42,8 millions d’euros, soit près du double du seuil autorisé (22,5 millions). La campagne présidentielle de 2012 du président-candidat n'avait certes pas lésiné sur les moyens : quarante-quatre meetings au total entre janvier et mai 2012, une grue télescopique louée pour filmer la foule lors des meetings, du champagne Ruinart servi dans la loge VIP, etc.
L’avocat de Nicolas Sarkozy, Thierry Herzog, a immédiatement annoncé son intention de se pourvoir en cassation. Ce dernier recours devrait à nouveau retarder la tenue du procès car les magistrats du parquet vont sans doute attendre que la requête de Me Herzog ait été examinée par la Cour de cassation avant de fixer une date d’audience : « Compte tenu des différents délais, le procès pourrait alors avoir lieu fin 2019 ou début 2020 », prévoit une source judiciaire. Dans cette hypothèse, un ancien chef de l’Etat serait jugé dans une affaire politico-financière pour la deuxième fois depuis le début de la Ve République, après la condamnation de Jacques Chirac en 2011 dans l’affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris.
Nicolas Sarkozy savait-il que ses comptes de campagne dépassaient leur plafond autorisé ? L’enquête judiciaire n’a pas permis d’établir qu’il avait été informé du montage : « l’enquête n’a pas établi qu’il les avait ordonnées [NDLR : les fausses facturations], ni qu’il y avait participé, ni même qu’il en avait été informé », a déclaré la justice. Cependant, dans l'ordonnance de renvoi de février 2017, le juge d’instruction Serge Tournaire a écrit : « L’autorité de Nicolas Sarkozy, son expérience politique et l’enjeu que représentait pour lui sa nouvelle candidature à la magistrature suprême, rendent peu crédible l’hypothèse d’un candidat déconnecté de sa campagne laissant ses équipes ou son parti et ses dirigeants agir en dehors de lui et décider de tout à sa place ». En outre, le juge a considéré, dans sa décision de signer l'ordonnance, que « Nicolas Sarkozy a incontestablement bénéficié des fraudes révélées par l’enquête, qui lui ont permis de disposer, lors de sa campagne de 2012, de moyens bien supérieurs à ce que la loi autorisait ». Autre question : quand bien même on ne pourrait pas prouver que Nicolas Sarkozy savait pour ces dépassements de plafond, ne peut-il pas être tenu responsable de ses comptes de campagne dès lors qu’il les a signés ? « Plus que quiconque, M. Sarkozy était supposé connaître, respecter et faire appliquer par ses équipes les dispositions légales », a écrit Serge Tournaire.
La défense de l’ancien président argue que son client a déjà été condamné en 2013 par le Conseil constitutionnel pour avoir dépassé le plafond de sa campagne. Mais cette sanction portait sur un dérapage de 363 615 euros, bien loin des 20 millions d’euros mis au jour par l’enquête judiciaire. La chambre de l’instruction a donc décidé de ne pas transmettre cet argument de Me Herzog à la Cour de cassation.
Que risque Nicolas Sarkozy ? Le délit de financement illégal de campagne électorale est puni de 10 ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende. Le faux et l’usage de faux sont punis de trois ans d’emprisonnement et jusqu’à 45 000 euros d’amende par les tribunaux correctionnels. L’abus de confiance est passible de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende. La tentative d’escroquerie est passible de 5 ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende (1,8 million pour les personnes morales).