mercredi 10 avril 2013 - par Alexandre Gerbi

Affaire Cahuzac : Hollande doit faire voter la proportionnelle puis dissoudre l’Assemblée nationale

Chacun le pressent, l’affaire Cahuzac est loin d’être close. Et ses suites dépendent en grande partie de la personnalité de l’ancien ministre du Budget, et de ce que seront ses réactions dans les circonstances, pour le moins étonnantes, que l’homme traverse ces temps-ci... Afin d’envisager ce qui pourrait advenir dans les prochains jours, les prochaines semaines, les prochains mois, essayons de nous mettre, l’espace d’un instant, dans la peau de Jérôme Cahuzac… Avant de donner un ou deux conseils à François Hollande...

Certains observateurs, en particulier dans la presse étrangère, ont avancé que Jérôme Cahuzac, dont on ignore à l'heure qu'il est le montant exact des évasions fiscales et la nature des délits, ne serait que l’arbre qui cache la forêt des turpitudes de notre classe politique. Dans cette hypothèse, que peut bien se dire le sieur Cahuzac en son mystérieux exil, tandis que la menace de la prison s’ajoute à celle de la proscription ? Qu’il n’a pas envie de payer pour tous les autres ? Que les Tartuffes abondent, immondes, qui le vouent depuis quelques jours aux gémonies, à la trappe, le traitent de tous les noms, alors qu’eux-mêmes mériteraient le même sort ? Et si, dans ces circonstances écrasantes, Jérôme Cahuzac, dos au mur, tétanisé, fait comme un rat, plus rien à perdre, s’avisait de se mettre à table pour se livrer à un grand déballage ? Cahuzac, qui a déjà amplement démontré son cynisme tiendrait, perdu pour perdu, sa vengeance et son suprême bouclier. Car ayant tout balancé, qui songerait alors à le faire taire... Cahuzac devenu fou, combien d’huiles sortiraient broyées de son moulin à paroles ? Combien de légumes dans la soupe ? Avec l’implosion de la Ve République comme surprise du chef ? Née du mensonge, la Ve mourrait ainsi du mensonge… De Charles de Gaulle à Jérôme Cahuzac, trajectoire d’un effondrement historique au fil du cynisme et de la transgression

Dans ce contexte plein de promesses, la logique voudrait que les drapeaux tricolores, rouges et noirs déferlent dans les rues. Jean-Luc Mélenchon, qui connaît son histoire, appelle à une manifestation populaire, au cri de « A la niche ! » et « Du balai ! » L’initiative, bien sûr, est bonne. Blasé par les scandales en cascades depuis des années, le peuple peut-il se permettre de rester encore les bras croisés, face à l’ampleur du présent scandale ? Car si l’on a bien compris ce qu’on nous explique progressivement, le cas Cahuzac n’est qu’une toute petite partie de l’iceberg. Tandis que, n'y voyez aucune corrélation, le bateau France, économiquement, socialement, moralement, civilisationnellement, sombre…

Un mode de scrutin qui pourrit les institutions

Las ! Cette initiative du madré Méluche pèche par son mot d’ordre, en faveur d’une hypothétique VIe République. En effet, ce qui a pourri le régime et donne à voir (ou à entrapercevoir) un aspect de ses effets dans l’affaire Cahuzac, ce ne sont point tant les institutions que le mode de scrutin. Savant découpage des circonscriptions, seuils relevés pour empêcher les outsiders de se maintenir au second tour, monopole plus ou moins caricatural de l’espace médiatique, complicité de la presse subventionnée, collusions entre amis, etc. permettent, depuis des lustres, de composer un parlement où sont outrageusement surreprésentés deux seuls partis, le PS et l’UMP, régnant en maîtres, les rares rescapés n’étant là que par leur bon vouloir ou à cause d'accidents marginaux de la belle machinerie. Ainsi se fabrique un parlement où le Front de Gauche et le Front National sont ridiculement sous-représentés : moins de quinze députés pour les Front de Gauche, deux pour le Front National, au lieu des quelque soixante et cent députés qu’ils auraient respectivement, si le scrutin proportionnel était en vigueur, puisque ces deux formations totalisent près du tiers de l’électorat... Est-il besoin de démontrer le caractère délétère d’une telle situation, ne serait-ce que parce qu’elles repose et débouche sur une trahison de la démocratie. Car il va sans dire que le FDG et le FN ne sont pas les seules victimes. Par exemple, l’extrême gauche (LO, NPA etc.) est totalement absente de l’Assemblée… A ce degré, difficile de s'étonner que s'accumulent les dérives, à l'ombre d'un parlement caricatural, d'une démocratie vidée de son sens, devenue césarienne jusqu’à l’ubuesque et au kafkaïen, entre manquements, abus de toute sorte et déconnexions…

Le mot d’ordre de la manifestation à laquelle appelle de Front de Gauche ne doit pas être « Pour la VIe République » mais « Vote immédiat de l’instauration de la proportionnelle intégrale aux élections législatives, puis dissolution de l’Assemblée nationale et élections législatives anticipées ».

Les institutions de la Ve République ont prouvé leur solidité lors des cohabitations et des différentes crises que le régime a traversées en un demi siècle. Sans doute la proportionnelle intégrale mettra la Constitution à rude épreuve, dans un contexte où, de surcroît, plusieurs crises d’une exceptionnelle ampleur se conjuguent. Y résistera-t-elle ? La Démontrera-t-elle qu'elle possède les ressources qui, la bouche en cul de poule, lui sont prêtées depuis des décennies par les "experts" ? A moins qu'à cette occasion, la Ve République ne démontre que ses institutions ne peuvent s'accomoder que d'un mode de scrutin antidémocratique...

Avec la proportionnelle, à coup sûr, en tout cas, la balle sera ici et maintenant de nouveau dans le camp de l’Assemblée nationale, des députés et des partis. Le président retrouvera le rôle d’arbitre, et pourquoi pas de meneur d’hommes, que lui confiait initialement la Constitution. A condition qu’il en ait la carrure !

Modifier le mode de scrutin en instaurant la proportionnelle, et procéder à une dissolution dans la foulée, ce serait accomplir de facto une métamorphose de la Ve République, presque une Révolution. De bonapartiste, la république redeviendrait parlementaire, c’est-à-dire qu’elle renouerait avec la tradition républicaine française. En espérant que l’éclatement en plusieurs pôles de l’Assemblée ouvrira la voie au débat démocratique et républicain, à de pertinentes réorientations (assujettissement de la Banque centrale européenne, création monétaire pour effacement partielle de la dette et lancement de grands travaux, mais aussi fusionnisme avec l’Afrique en vue de l'Eurafrique), à des consensus éclairés, à de fécondes coalitions, et non à une instabilité paralysante, une guéguerre alimentée de mauvaise foi et de théâtre d’ombres, d’idéologies bornées, de haines recuites, de fausses candeurs et d’hypocrisies à la pente fatale. Ce sera là la responsabilité des députés qui composeront la première assemblée nationale vraiment représentative du peuple depuis bien longtemps sous les cieux de France. On est en droit d’espérer, compte tenu de la gravité des dangers qui planent sur notre pays, que ces député(e)s seront à la hauteur. La stabilité et la survie du régime, celle même de la France, sans doute, en dépendent…



8 réactions


  • Alpo47 Alpo47 10 avril 2013 11:16

    Bien entendu, le système actuel à deux tours est une confiscation du pouvoir du peuple. UMP et PS sont sur-représentés et les extrêmes sous-représentés. Un scrutin à la proportionnelle nous rapprocherait d’une VRAIE démocratie, et, en même temps, il créerait une situation à l’Italienne où le pays devient bien compliqué à gouverner.
    Personnellement, je trouverais sain que l’hémicycle soit représentatif du vote populaire.

    D’autre part, ce système profite aux deux partis qui monopolisent tous les moyens et avantages du pouvoir. Or, on n’a jamais vu quelqu’un de sain d’esprit « couper la branche sur laquelle il est assis ». Par conséquent, un vrai système à la proportionnelle ne viendra jamais du fait des élus.


    • Alpo47 Alpo47 10 avril 2013 16:26

      Bonjour « tonton »...
      Donc vous acceptez, ou préférez, que le pays soit dirigé par les représentants de moins de 10% des Français EN AGE DE VOTER et qu’environ 50% des Français QUI ONT VOTE ne soient pas représentés au parlement ?
      Par ce que c’est ce qu’obtiennent chacun des deux partis « de gouvernement » au premier tour.


  • 6ber 6ber 10 avril 2013 12:27

    Moumou est dans une impasse.
    Si la pression populaire s’intensifie, ce qui est probable, il sera contraint de dissoudre cette assemblée godillot et rétablir la proportionnelle, au moins pour les législatives.
    Ce serait un grand pas démocratique vers une représentation plus réelle de notre société.
    Du moins je le crois et E.Choir aussi.


  • louphi 10 avril 2013 13:26

    Alexandre Gerbi

    « La stabilité et la survie du régime, celle même de la France, sans doute, en dépendent… »

    Booof ! Qu’importe la combinatoire politique tant que le capitalisme prospère et que la révolution communiste de type bolchevique, léniniste-staliniste, ne pointe pas à l’horizon ! 



  • LE CHAT LE CHAT 10 avril 2013 13:47

    ne rêve pas , il ne veut pas recevoir le FN pour les consultations sur la moralisation , alors que Jospin l’avait fait !


  • devphil30 devphil30 10 avril 2013 14:21

    Pour faire revenir la pourriture de la droite , merci 

    Pour faire revenir la discrimination , la haine de l’autre merci on a déjà un parti qui s’en occupe 

    hollande fait ce qu’il peux , ne le fait pas forcement bien mais au moins on arrête de jeter les gens les uns contre les autres avec un discours de haine.

    600 Milliards de dette en plus en 5 ans de 2007 à 2012 et après on critique Hollande d’essayer de remédier aux conneries de la droite , c’est un peu trop facile de mettre le bazar et après de reprocher à ceux qui viennent nettoyer et ranger de ne pas travailler assez mais avant de pouvoir travailler il faut aussi ranger.

    Super sarko , celui qui va sauver la France , va dans ton fonds d’investissement et ne viens plus nous emmerder car on n’a pas besoin de toi bien au contraire.

    Melenchon vient mettre en place une 6 ième république pour faire le ménage dans cette arène de vautours et de loups , vient donner la parole aux Français 

    Philippe 
     

  • foufouille foufouille 10 avril 2013 14:55

    merlanchon touches son cheque, comme les autres
    un AR bruxelles pour 320€


  • urigan 11 avril 2013 10:21

    Beaucoup d’agitation pour peu de choses

    La proportionnelle ne changera rien à la gouvernance car le parti unique existe déjà de fait. C’est l’UMPS avec sur ses ailes deux variables d’ajustement, le FN et le FdG, partis vassaux du grand capital
    Les mêmes guignols chefs de partis se succèderont alternativement en fonction du (mé)contentement des électeurs.

    Demain, avec la balkanisation des nations étant déjà en marche, nous serons revenus au temps de l’empire romain.

    Baisé André, la France est morte, il ne reste plus qu’à l’enterrer et pleurer sur sa tombe


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