Affaire Fournas : Tartufferie française, Etats-Unis en embuscade
« Qu'ils retournent en Afrique » : Macron s’est dit « heurté » par les « mots intolérables » lancés à l'Assemblée nationale par le député Fournas (RN), tandis que la gauche hurlait, pleurait même, et que tout LR ou presque faisait chorus. Finalement, Fournas a été sanctionné par l’Assemblée nationale. Non d’ailleurs pour racisme mais pour tumulte. Pourtant, le racisme est dans toutes les têtes. Ou plutôt l’antiracisme à fleur de peau. Commentaire pour une tartufferie majuscule doublée d’une imposture historique colossale, sur fond de complot téléguidé par Washington. Depuis soixante quatre ans (1958-2022). Joyeux anniversaire.
On sait bien que ceux qui nous gouvernent voudraient que nous devenions des peuples sans mémoire et par conséquent sans avenir.
Rappelons donc d’abord que l'Afrique, les territoires français d'Afrique (AOF et AEF) et leurs citoyens, ont été largués entre 1958 et 1960 par Charles De Gaulle contre la volonté de l'écrasante majorité des chefs politiques africains et des populations africaines. Raison pour laquelle les populations africaines n'ont jamais été consultées sur la question de l'indépendance (lire mon article sur l'effarante Loi 60-525). A l’époque, l'écrasante majorité des Africains voulaient bâtir avec la France un puissant ensemble politique placé sous le signe de la fraternité et du progrès économique, social mais aussi moral. Je pense à des figures telles qu’Alioune Diop (1), Léopold Sédar Senghor (2), Aimé Césaire (3) ou Claude Lévi-Strauss (4).
Tout cela fut détruit par Charles De Gaulle pour déjouer l'égalité politique et sociale, et déployer le néocolonialisme. Cette démolition, qui préparait la tyrannie et le pillage, eut lieu au prix de nombreux mensonges, violations de la Constitution, crimes et crimes contre l'humanité, dans le cadre d'une haute trahison sans précédent historique, et qui fut d’ailleurs, on l’a oublié, largement documentée dès l’époque.
Pendant quinze ans, j'ai écrit de nombreux ouvrages et articles sur le sujet, que j'invite bien sûr à lire, notamment en libre accès sur mon blog Fusionnisme, mais aussi mes ouvrages, notamment Histoire occultée de la décolonisation franco-africaine, Imposture, refoulements et névroses (L’Harmattan, 2006) et Le Cinquième Saut ou Le Livre blanc de Charles De Gaulle, Uchronie (Le Plaqueminier, 2019).
La trahison gaullienne (1958-1962), accomplie en liaison avec la CIA et le Département d'Etat américain dirigés à l’époque par les frères Allen et John Foster Dulles, se réclama d'une idéologie racialiste et civilisationnelle totalement contraire aux plus hautes traditions françaises, qu'elles soient monarchistes ou républicaines. D’ailleurs, incarnation de cette pensée, Claude Lévi-Strauss et l’avant-garde de l’école anthropologique française constituèrent le cerveau de la Révolution de 58, effacée des mémoires, celle-là même que De Gaulle prétendit conduire afin de s’assurer le soutien de l’Armée puis du Peuple, pour mieux la trahir. Car De Gaulle mentait. En liaison avec Washington, Langley et bien sûr Londres, il comptait faire l’exact contraire de ce qu’il avait promis. Pour se faire élire et revenir aux affaires, De Gaulle avait annoncé, des trémolos dans la voix, l’égalité aux citoyens de l’outre-mer africain, à commencer par ceux des départements d’Algérie, où l’égalité fut d’ailleurs brièvement accomplie entre 1958 et 1962. Après avoir obtenu dans les urnes l’appui du peuple sur ce programme égalitaire et fraternel, De Gaulle, qui y était en réalité totalement opposé, fit l'inverse et procéda au démantèlement de la Communauté française (1958-1960) et enfin largua l'Algérie.
Cette incroyable imposture qui déboucha sur une trahison majuscule de la France et de l'Afrique, est un secret de Polichinelle. Ceux qui la contestent sont soit des ignorants, soit des dupes, soit des hypocrites. Pardon de le dire comme ça, comme dirait Pascal Praud.
Ubu Macron comme ses prédécesseurs y participe, comme tout le reste de la classe politique, la plupart des intellectuels et des médias français mais aussi internationaux, de Washington à Moscou en passant par Pékin, et ce depuis soixante ans.
Alors par pitié, que Macron, la gauche et LR cessent leur insupportable tartufferie à propos de la question noire en France ! Et qu'ils disent enfin la vérité sur l'infâme pseudo-décolonisation des territoires d'Afrique subaharienne, effectuée par leur idole De Gaulle et appuyée en son temps par la gauche, justement.
On se rappelle les paroles du Général, rapportées par son fidèle Foccart, à qui il reprochait de lui faire rencontrer trop de politiques africains :
« Vous savez, cela suffit comme cela avec vos nègres. Vous me gagnez à la main, alors on ne voit plus qu’eux : il y a des nègres à l’Elysée tous les jours, vous me les faites recevoir, vous me les faites inviter à déjeuner. Je suis entouré de nègres, ici. (…) Et puis tout cela n’a aucune espèce d’intérêt ! Foutez-moi la paix avec vos nègres ; je ne veux plus en voir d’ici deux mois, vous entendez ? Plus une audience avant deux mois. Ce n’est pas tellement en raison du temps que cela me prend, bien que ce soit déjà fort ennuyeux, mais cela fait très mauvais effet à l’extérieur : on ne voit que des nègres, tous les jours, à l’Elysée. Et puis je vous assure que c’est sans intérêt. »
Ces mots pourraient donner des infarctus à nos chers députés, surtout aux plus injectés d’entre eux. Mais ces mots ne restèrent pas que des mots. Ils furent, ce qui est beaucoup plus grave et important, l’inspiration d’une vaste politique qui changea profondément la France et l'Afrique.
La sinistre réalité historique de la prétendue « décolonisation », en clair le largage des Africains, oui vous avez bien lu, âmes sensibles, le largage des Africains pour cause de civilisation, de religion et même de couleur de peau, De Gaulle dixit (5), cette réalité est indicible, inaudible, inadmissible, insupportable, parfois même tout simplement incompréhensible pour la gauche comme pour la droite françaises contemporaines. Déballer par le menu l’histoire du largage des Africains que fut la décolonisation provoque une « erreur 404 » chez le gaulliste lambda comme chez le gauchiste enkysté. Au bout du chemin, au bout du déni, au bout du refoulement et des complexes très lourds à porter, l'hypocrisie s'impose, avec pour illustration la tartufferie de LR jusques aux plus « gaullistes » (!) au sujet de l'affaire Fournas. Cette hypocrisie des orfèvres complète celle de la NUPES à la manœuvre, du PCF, du PS, des pseudo-écolos, bref de tout ce petit monde qui tient lieu de gauche. Tous historiquement et, quoique diversement, idéologiquement complices du largage des Africains. Sans oublier bien sûr Macron et ses palotins, même remarque.
Mais on me dit dans l’oreillette que venant d’un dominion étatsunien comme notre pauvre pays, le contraire serait étonnant, pour qui connaît les dessous de la vraie-fausse Ve République et la consternante réalité. Dans ce qu’est devenue la France contemporaine, moignon gangrené, ne peuvent plus accéder à la présidence de la République que des agents étatsuniens recrutés par la CIA par le truchement de la French-American Foundation (FAF). Bizarrement, la presse et les médias n’en parlent jamais…
On m’énonce également dans l’oreillette cette liste étonnante : Hollande, l'ancien président de la République, Macron, le président actuel et réélu, Edouard Philippe et Laurent Wauquiez, pressentis comme futurs présidents au choix en 2027, tous ces hommes font partie de la French-American Foundation. Tous ces hommes sont « Young Leader » de la FAF.
Et l’oreillette de conclure avec cette drôle de question : tant que la France sera dirigée par des agents étatsuniens, faudra-t-il s’étonner qu’elle coure à sa perte et finisse par s’effondrer ?
_______________________________
Notes :
(1) Alioune Diop qui écrivait en 1947 : « (...) Or, le développement du monde moderne ne permet à personne ni à aucune civilisation naturelle d'échapper à son emprise. Nous n'avons pas le choix. Nous nous engageons désormais dans une phase héroïque de l'histoire. (...) Nous autres, Africains, nous avons besoin surtout de savoir ce qu'est un idéal, de le choisir et d'y croire librement mais nécessairement, et en fonction de la vie du monde. Nous devons nous saisir des questions qui se posent sur le plan mondial et les penser avec tous, afin de nous retrouver un jour parmi les créateurs d'un ordre nouveau. (...) L'Europe est créatrice du ferment de toute civilisation ultérieure. Mais les hommes d'Outre-Mer détiennent d'immenses ressources morales (de la vieille Chine, de l'Inde pensive à la silencieuse Afrique) qui constituent la substance à faire féconder par l'Europe. Nous sommes indispensables les uns aux autres. » « Car il est certain qu'on ne saurait atteindre l'universalisme authentique si, dans sa formation, n'interviennent que des subjectivités européennes. Le monde de demain sera bâti par tous les hommes. Il importe seulement que certains déshérités reçoivent de l'Europe, de la France en particulier, les instruments nécessaires à cet édifice à venir. »
(2) En septembre 1946 à l’Assemblée nationale, le député Léopold Sédar Senghor déclarait : « Si l’on veut y réfléchir, ce rôle de creuset de culture a toujours été celui de toute grande civilisation, de la française en particulier. Cette usine dévorante qu’est la tête française a besoin, pour ne pas tourner à vide, d’un afflux constant de matière première humaine et d’apports étrangers. (…) Depuis la pré-renaissance, la France a reçu, successivement, les apports gréco-latins, italiens, espagnols, anglo-saxons. Depuis le XIXe siècle, c’est l’afflux des éléments « barbares », et j’emploie ce mot avec une humble fierté. (…) Il est question, pour la métropole, de féconder ses terres au moyen des alluvions de l’humanité que nous lui apportons. (…) C’est ainsi qu’ensemble nous créerons une nouvelle civilisation, (...) un humanisme nouveau qui sera à la mesure de l’univers et de l’homme en même temps. »
(3) En tant que rapporteur du projet de loi sur la départementalisation des « Quatre Vieilles » (Guadeloupe, Guyane, Martinique, Réunion) en 1946, Aimé Césaire déclara : « Terres françaises depuis plus de trois cents ans, associées depuis plus de trois siècles au destin de la Métropole, dans la défaite ou dans la victoire, ces colonies considèrent que seule leur intégration dans la patrie française peut résoudre les nombreux problèmes auxquels elles ont à faire face. Cette intégration ne sera pas seulement l’accomplissement de la promesse qui fut faite en 1848 par le grand abolitionniste Victor Schœlcher, elle sera aussi la conclusion logique d’un double processus, historique et culturel, qui, depuis 1635, a tendu à effacer toute différence importante de mœurs et de civilisation entre les habitants de France et ceux de ces territoires et à faire que l'avenir de ceux-ci ne peut plus se concevoir que dans une incorporation toujours plus étroite à la vie métropolitaine ».
(4) Durant l’hiver 1954-1955, tandis que le Maroc ni la Tunisie n’étaient encore indépendants, et comme la guerre d’Algérie s’ébauchait, Claude Lévi-Strauss écrivait dans Tristes Tropiques : « Si, pourtant, une France de quarante-huit millions d’habitants s’ouvrait largement sur la base de l’égalité des droits, pour admettre vingt-cinq millions de citoyens musulmans, même en grande proportion illettrés, elle n’entreprendrait pas une démarche plus audacieuse que celle à quoi l’Amérique dut de ne pas rester une petite province du monde anglo-saxon. Quand les citoyens de la Nouvelle-Angleterre décidèrent il y a un siècle d’autoriser l’immigration provenant des régions les plus arriérées de l’Europe et des couches sociales les plus déshéritées, et de se laisser submerger par cette vague, ils firent et gagnèrent un pari dont l’enjeu était aussi grave que celui que nous nous refusons de risquer. Le pourrions-nous jamais ? En s’ajoutant, deux forces régressives voient-elles leur direction s’inverser ? Nous sauverions-nous nous-mêmes, ou plutôt ne consacrerions-nous pas notre perte si, renforçant notre erreur de celle qui lui est symétrique, nous nous résignions à étriquer le patrimoine de l’Ancien Monde à ces dix ou quinze siècles d’appauvrissement spirituel dont sa moitié occidentale a été le théâtre et l’agent ? Ici, à Taxila, dans ces monastères bouddhistes que l’influence grecque a fait bourgeonner de statues, je suis confronté à cette chance fugitive qu’eut notre Ancien Monde de rester un ; la scission n’est pas encore accomplie. Un autre destin est possible (...). »
(5) Le général de Gaulle expliqua à Alain Peyrefitte : « Nous ne pouvons pas tenir à bout de bras cette population prolifique comme des lapins (…). C’est une bonne affaire de les émanciper. Nos comptoirs, nos escales, nos petits territoires d’outre-mer, ça va, ce sont des poussières. Le reste est trop lourd ». « (…) Et puis (il baisse la voix), vous savez, c'était pour nous une chance à saisir : nous débarrasser de ce fardeau, beaucoup trop lourd maintenant pour nos épaules, à mesure que les peuples ont de plus en plus soif d'égalité. Nous avons échappé au pire ! (...) Au Gabon, Léon Mba voulait opter pour le statut de département français. En pleine Afrique équatoriale ! Ils nous seraient restés attachés comme des pierres au cou d'un nageur ! Nous avons eu toutes les peines du monde à les dissuader de choisir ce statut. Heureusement que la plupart de nos Africains ont bien voulu prendre paisiblement le chemin de l'autonomie, puis de l'indépendance ». Lire mon article sur le largage du Gabon : Aux origines du mal ou L’affaire gabonaise (1958).