Agression d’une enseignante au lycée de Combs-la-ville (77) : le petit Zemmour illustré
Bon d'accord, les agressions d'enseignants sont tellement courantes et banales qu'elles ne surprennent plus grand-monde. La violence scolaire ne date pas d'hier, et votre narrateur a le souvenir de profs recevant des claques de la part des cancres dans son collège en plein Paris, il y a plus de trente ans. Depuis, la médiatisation des faits divers (cela date du documentaire Une vie de profs sur canal+ vers 1994) puis la révolution numérique (réseaux sociaux et smartphones) sont passés par là. Le tout donne une image de jungle urbaine, alors que le problème existe au moins depuis l'après-1968.
La nouveauté, c'est l'environnement des agressions, ainsi que les réactions. Que s'est-il passé au lycée de Combs-la-ville, commune située à quelques kilomètres d'Evry (91,banlieue-sud de Paris), avec son public très hétérogène ? Nous comprenons qu'un lascar d'environ seize ans cherche à sortir d'un cours pour une raison indéterminée. Besoin pressant ? Appel de sa copine (ou de son copain, ne soyons pas homophobe) ? Réflexions mal digérées de la prof à son égard ? Cours indigeste ? Peur d'être en retard pour la prière de la mi-journée à la mosquée du coin ?
Nous ne savons pas ce qui a poussé Yassine à flanquer par terre sa prof. Nous distinguons un vocabulaire d'argot de banlieue : "wallah", "sur le coran", "pousse-toi de ma rue". L'enseignante a-t-elle bien réagi ? Fallait-il retenir cet élève énervé ? Il aurait été préférable de ne pas s'interposer et de faire un rapport après coup sur le fuyard, mais réagir dans l'instant est toujours un exercice difficile, tous les enseignants sont passés par là. Et puis, il y a l'inévitable vidéo, prise illégalement par un autre élève alors que l'usage du portable est certainement interdit dans l'établissement.
Donc la machine s'est embrayée. Réactions indignées du recteur de l'académie de Créteil, des élus locaux et des syndicalistes. Menace de conseil de discipline pour Yassine (être viré du bahut ne le dérangera pas, à priori) et pour le cinéaste amateur. Cellule psychologique, de soutien et de réconfort pour l'enseignante : on imagine une psy lui massant la joue avec un coton imbibé de sérum physiologique et un "coach" l'appelant au téléphone cinq fois par jour pour prendre de ses nouvelles. On veut montrer que les victimes sont choyées, alors qu'il n'y a pas si longtemps c'était la durée de leur arrêt de travail qui titillait la hiérarchie de l'éducation nationale.
Quels commentaires tirer de cet énième fait divers en milieu scolaire ?
1- L'absence de réactions des officines les plus à gauche de l'échiquier politique. Le SNES est aux abonnés absents, de même que l'UNSA et SUD-éducation : leurs militants étaient occupés à défendre des sans-papiers au moment de l'agression ? De même que LFI, le PS et compagnie. C'est un responsable du SNALC (syndicat classé à droite par ceux qui considèrent comme "fachos" leurs adversaires), Jean-Rémi Giraud (avec qui j'ai échangé quelques courriels par le passé) qui réagit pour BFM-TV, en rappelant fort justement que le fait de filmer est un acte aussi grave que flanquer la porte sur la prof. Qu'est-ce qui fait le plus monter l'audience, d'ailleurs ?
2- Guy Geoffroy, maire LR, réagit fermement à cet acte violent qui s'est déroulé dans un lycée qu'il a vu construire. Il appelle à une sanction exemplaire. Comme d'habitude, c'est la droite qui se soucie de la délinquance et des violences envers les enseignants. Votre narrateur peut témoigner que dans les mairies de gauche, on refuse d'entendre parler de ces problèmes, je l'ai constaté de Pantin à Château-Thierry en passant par la Courneuve : les victimes ont toujours tort de se plaindre, car ça fait le jeu des "extrêmes". Et surtout, les populations opprimées de la diversité sont toujours dans leur droit : c'est le fonds de commerce électoral d'une certaine gauche.
3- La violence scolaire semble davantage préoccuper des sites comme Algérie9.com que ceux de Libération et du Monde. Parce que les uns connaissent les quartiers populaires alors que les autres ne connaissent que les sociologues qui les étudient ? Les uns s'indignent de la violence dans les cités et de la crétinisation des jeunes qui utilisent un baratin religieux pour justifier leur sottise (l'imam "islamag" de Gennevilliers, Hauts-de-Seine, par exemple : https://www.youtube.com/watch?v=3uxEEOCaobg), les autres mettent l'accent sur le racisme et les discriminations alors qu'ils vivent loin des HLM de banlieue. La France réelle et diverse d'un côté, la France légale et planquée de l'autre, qui se veut moraliste en prime.
Yassine n'a fait qu'illustrer le diagnostic de l'ami Zemmour sur l'ensauvagement de la société et l'impunité relative des délinquants. Voilà pour le côté politique. Pour la face numérique, on remarquera l'overdose de vidéos à la sauvette tournées dans le dos des gens. Plutôt que d'intervenir, le crétin préfère filmer : la lâcheté plutôt que le courage. Souvenez-vous, dans les années 1980, de ces journalistes qui filmaient une petite colombienne ensevelie dans la boue après un tremblement de terre au lieu d'essayer de la secourir, ou du philosophe-burlesque Bernard-Henri Lévy qui faisait des gros plans sur des soldats bosniaques agonisants durant la défense de Sarajevo (vers 1992), se gardant bien d'aller combattre à leurs côtés.
La révolution numérique n'a pas rendu le monde plus courageux ni plus paisible, bien au contraire. Yassine n'est que le produit de cette logique : loi du plus fort, refus des règles collectives, voyeurisme. La violence scolaire n'est pas une nouveauté, en revanche l'hypocrisie qui entoure son évolution est à questionner.
lien vers la fameuse vidéo :
Source de la photo d'illustration : https://algerie9.com/combs-la-ville-une-enseignante-agressee-dans-un-lycee-une-reunion-de-crise-a-lieu-ce-matin