mardi 5 mars 2019 - par cleroterion

Alternatives démocratiques

Le parlementarisme est en crise. Depuis l'élection de François Mitterrand les seules fois ou l'article 20 de la constitution "Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation" a été vraiment respectée ont été les périodes de cohabitation. Le passage au quinquennat et l'inversion du calendrier électoral ont achevé de présidentialiser le régime. Président sans vergogne, Macron bafoue ouvertement la constitution sans que cela émeuve les médias bien-pensants. Devant une assemblée de godillots, ses désirs deviennent des ordres.

Voici un bref résumé de l'image que les Français ont de leurs 3 assemblées.

Le CESE : une assemblée consultative qui sert de bouée aux naufragés du suffrage universel et dont les membres battent des records d'absentéisme. Même si elle a son utilité, cette institution est peu appréciée des Français.

Une assemblée Nationale qui sert de chambre d'enregistrement des lois préparées par l'exécutif. Les députés de l'opposition sont condamnés à faire de la figuration et ceux de la majorité votent comme des godillots. Une enquête sur le glyphosate, diffusée récemment sur France 2 nous éclaire sur les dysfonctionnements de cette assemblée. Des lois votées à 2 heures du matin dans un hémicycle vide (492 députés absents) avec pression sur les députés, magouilles et intimidation. Un président de séances qui dit ne pas savoir à quelle heure sera discuté tel article ou tel amendement, puis suspension de séance au moment du vote pour aller faire pression sur les députés pour qu'ils s'abstiennent. Des députés qui votent contre les amendements qu'ils ont eux-mêmes signés ou qui retournent leur veste au dernier moment.

Un sénat qui se sait menacé et qui se bat contre Macron. Il est à l'origine de seulement 2 ou 3 lois en 2018. Pour justifier de leur utilité, les sénateurs se targuent d'être une force d'opposition à Macron en ayant révélé l'affaire Benalla. C'est vrai, mais quel triste bilan  ! Il doit y avoir moyen de faire mieux.

Et quand le parlement est réuni en congrès c'est pour voter contre l'avis du peuple français comme en 2008 ou modifier la constitution sans consulter les Français.

Le bilan est peu flatteur et le projet de Macron de diminuer de 30 % le nombre de députés et sénateurs ne ferait qu'aggraver la situation car ce n'est pas le travail qui manque. Macron surfe sur une vague anti-parlementariste (qui est certes justifiée mais dont on ne mesure pas toutes les conséquences) pour affaiblir le pouvoir législatif et le désorganiser encore davantage. C'est extrêmement dangereux car une fois qu'il aura constaté que le parlement ne sert plus à rien il n'aura plus qu'à saisir une occasion pour décréter l'état de guerre comme le lui autorise l'article 16 de la constitution et à ordonner le massacre des gilets jaunes. Espérons que cela reste de la politique fiction à moins que ce ne soit déjà la réalité.

La critique du système est aisée, médias et réseaux sociaux n'en tarissent pas, mais on voit très peu de solutions alternatives qui pourraient déclencher l'enthousiasme. C'est pourtant indispensable d'y réfléchir si on veut mettre un terme à ce système en pleine déliquescence. Parmi les propositions de réformes institutionnelles qui circulent (un peu) dans les médias, il y a le RIC et le remplacement du Sénat par une assemblée tirée au sort et qui voterait les lois. Mais faute d'un projet bien cadré et bien organisé, les contempteurs de la démocratie auront tôt fait de développer des arguments fallacieux pour discréditer la démocratie réelle.

Pour ma part, j'irais plus loin que ça, car j'ai beau examiner et réexaminer la question, je ne vois aucun intérêt pour le peuple à ce que le pouvoir législatif soit composé en partie d'élus. Je préconise le remplacement des trois assemblées Républicaines par trois assemblées Démocratiques tirées au sort.

Je ne prétends pas détenir la vérité, j'espère juste me tromper le moins possible et j'invite les lecteurs de cet article qui seraient favorables à ce qu'il y ait des députés élus à me faire part de leurs arguments. Examinons à quoi pourrait ressembler un tel système.

La première assemblée fonctionnerait comme le CESE et aurait le rôle le plus important. Les citoyens qui la composent travailleraient en commission et seraient à l'écoute de la société et de ses différents acteurs. La moitié du temps d'écoute pourrait être consacrés aux élus locaux et membres de l'exécutif (ministres), l'autre moitié aux syndicats, associations, magistrats, simples citoyens, etc. La compétence de cette assemblée s'étendrait à tous les domaines (économique, environnemental, sociétal, culturel, éthique etc). Contrairement au CESE qui n'a qu'un rôle consultatif cette assemblée serait à l'initiative des lois et fixerait l'ordre du jour de la deuxième assemblée. Elle aurait également le pouvoir de proposer un référendum issu d'une initiative citoyenne et de convoquer des conférences de citoyens pour l'aider dans sa mission. La durée du mandat serait de 1 an, et cette assemblée serait renouvelable par tiers.

Le président de cette assemblée et les présidents de commissions seraient élus par les membres de cette même assemblée parmi des personnalités du monde extérieur reconnues pour leurs compétences mais hors partis politiques.

La deuxième assemblée (qui pourrait s'appeler Chambre des Citoyens) qui remplacerait l'Assemblée Nationale aurait pour rôle de rédiger la loi. Elle serait composée de différentes commissions fonctionnant de la même manière qu'un jury de cours d'assise.

Pour chaque projet de loi venant de la première assemblée, on tirerait au sort une quinzaine de citoyens dont la mission serait d'écrire la loi conformément au cahier des charges de la première assemblée. Un citoyen tiré au sort participerait à la rédaction d'une seule loi puis redeviendrait un citoyen normal. Tout comme les jurys d'assises sont assistés par des magistrats professionnels, les 15 citoyens seraient assistés de 2 juristes professionnels ainsi que d'un facilitateur qui organise le débat. Il serait écrit dans la constitution que toute loi doit être rédigée de manière à être intelligible par le plus grand nombre. Le texte serait adopté par consensus puis transmis à la troisième assemblée pour vote.

La troisième assemblée (qui pourrait s'appeler Assemblée du Peuple) qui remplacerait les sénateurs aurait pour rôle essentiel de voter la loi. Cette assemblée aurait un pouvoir d'amendement avec un maximum de 2 navettes entre les 2 assemblées. Les membres de cette assemblée auraient une liberté totale pour leurs votes – le fait d'être tiré au sort assurant la représentativité des opinions. Tout regroupement de membres de cette assemblée en vue de défendre un intérêt commun serait strictement interdit pour ne pas reproduire le fléau des partis politiques. Les tirés au sort auraient un mandat de 1 an et l'assemblée serait renouvelable par tiers  ; ils éliraient leur président parmi des candidats hors partis venus de l'extérieur.

Ainsi les élus, les partis politiques et l'exécutif n'auraient plus qu'un rôle réduit dans l'élaboration de la loi. Ils pourraient donner leur avis dans la première chambre mais l'entrée dans les deux autres chambres leur serait strictement interdite. Un exécutif qui se contente d'exécuter représente une vraie sécurité pour les citoyens  ! Quant aux partis politiques qui sont un fléau pour la démocratie, ils seraient marginalisés ou appelés à disparaître. Ce serait une bonne nouvelle pour la démocratie. Pour se parler et faire de la politique, les citoyens n'ont pas besoin de partis. Les partis servent uniquement à avoir des élus.

Afin d'affaiblir le pouvoir présidentiel il faudrait que le Premier Ministre ne soit plus nommé mais élu au suffrage universel. Le Premier Ministre serait responsable devant l'assemblée du Peuple. L'élection du Président et du Premier Ministre avec un scrutin préférentiel à 1 tour me semble être une bonne idée.

Le tirage au sort inspire de la méfiance et cela est tout à fait normal car il ne nous est pas familier. Examinons les principaux reproches fait au tirage au sort.

Les élus seraient-ils plus compétents  ? Médecins, avocats, hauts fonctionnaires, les députés actuels sont sans doute davantage diplômés que la moyenne des Français. Mais cela en fait-il pour autant de bons représentants  ? La guerre des partis au sein de l'Assemblée Nationale (AN) dont le seul but est la conquête du pouvoir est nuisible au bien commun. À quoi cela sert sert-il d'avoir un député de la majorité qui fait des beaux discours contre le glyphosate si à la fin il retourne sa veste au dernier moment  ? La compétence ne vaut que si elle est au service de l'intérêt général.

À un député beau parleur, supposé compétent, mais hors de contrôle, qui défend l'intérêt des milliardaires et des lobbies  ; je préfère un tiré au sort moins à l'aise qui bafouille un peu, mais qui votera en son âme et conscience pour défendre l'intérêt général.

Je n'ai pas la référence, mais selon l'aveu de certains députés, les articles de lois sont rédigés dans langage tellement abscons que la plupart des députés votent les lois sans même les comprendre  ; d'où la nécessité absolue d'inscrire dans la constitution l'intelligibilité des lois.

On objecte souvent que les citoyens tirés au sort pourraient facilement être corrompus. Mais regardez la loi sur le glyphosate : il suffit de corrompre une seule personne, en l'occurrence notre cher président pour faire basculer le vote à l'AN. Avec un système tel que décrit plus haut ça devient beaucoup plus compliqué pour le corrupteur. Un citoyen tiré au sort n'est pas prévisible comme un élu et en cas de tentative de corruption il pourrait se transformer en lanceur d'alerte.

Une objection courante est le risque de tirer au sort des extrémistes voire des fous. Là non plus l'argument ne tient pas. Admettons que dans l'Assemblée du Peuple (qui vote les lois) de 500 personnes, nous ayons 50 personnes (chiffre improbable volontairement élevé) radicales, extrémistes et dangereuses.

1) Ces personnes auraient à voter pour ou contre des lois qu'elles n'auraient pas rédigées.

2) Comme les regroupements seraient interdits, il serait peu probable que ces personnes s'entendent entre elles.

3) Elles ne représentent que 10 % de l'assemblée.

4) Elles auraient peu de pouvoir et sur une durée très limitée.

5) La constitution pourrait prévoir une procédure exceptionnelle de mise à l'écart (exclusion votée à plus de 80 % de l'assemblée)

Autre objection courante : on aurait une démocratie versatile qui changerait d'avis tout les 6 mois. Là encore le risque me paraît totalement infondé. Le fait d'avoir trois assemblées séparées, une qui propose, une qui rédige et une qui vote est un garant de la stabilité. Pourquoi la première assemblée irait-elle proposer une loi qui déferait celle qu'elle a proposé 6 mois auparavant  ? Et puis quelle garantie aurait-elle que cette loi soit votée par la 3e assemblée  ?

Il faut afficher la comparaison des deux systèmes. La vraie démocratie ne doit pas faire peur, elle doit faire envie. Le fractionnement du pouvoir législatif en trois assemblées avec des mandats courts et non renouvelables permettrait au peuple de se protéger contre de ses propres faiblesses de se protéger contre les abus de pouvoir et donc de prendre en compte l'intérêt général.

Il y a trois piliers à la démocratie : la souveraineté populaire, la souveraineté nationale et la souveraineté monétaire. Nous n'en possédons aucune et aucune des trois ne peut se déléguer. La souveraineté populaire n'a pas de sens si l'Europe nous dicte ses choix ou si les banques privées contrôlent la monnaie. S'ils veulent être totalement libres les peuples doivent se défaire de l'Europe de l'Euro et du système bancaire  ; on ne fera pas l'économie de ses débats. La souveraineté populaire est sans doute la première à conquérir pour accéder aux deux autres. Le RIC peut nous y aider.



4 réactions


  • Rantanplan Pink Marilyn 5 mars 2019 11:09

    Et la marmotte, elle met le chocolat dans le papier alu.


  • baldis30 5 mars 2019 17:04

    bonjour,

     que ceux qui ne veulent pas lire ou ne trouvent pas le temps de lire retiennent bien cette phrase en en-tête du dernier alinéa

     « Il y a trois piliers à la démocratie : la souveraineté populaire, la souveraineté nationale et la souveraineté monétaire. »

     et bien sûr les conclusions logiques qui en résultent ....

    oulalalalala ...

    j’ai utilisé une insulte gravissime qui sera sanctionnée .... « LOGIQUES »


    • cleroterion cleroterion 5 mars 2019 17:27

      @baldis30
      Les trois piliers, ils existent bel et bien que vous vouliez ou non. La souveraineté populaire doit avoir les moyens de s’exercer. Si une instance supérieure comme l’Europe s’oppose à la volonté des citoyens où est la démocratie ?. De même que si le peuple ne dispose pas de la souveraineté monétaire, comment peut-il faire appliquer les décisions qu’il a prises ?
      Les conclusions que j’en tire c’est qu’il doit y avoir un débat. Pour moi comme pour Philippe Séguin, la souveraineté ne se délègue pas. Si vous renoncer à la souveraineté Nationale et monétaire, vous renoncer forcément à la démocratie.
      Ne soyons pas dupe, dans le système actuel ce sont les banques qui gouvernent, et les banques sont protégées par le système Européen.
      Je suis pour une Europe démocratique qui fonctionnerais également avec des assemblées tirées au sort.
      l’Europe actuelle protège les banques, pas les individus


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