vendredi 27 septembre 2019 - par Desmaretz Gérard

Aménager une cache à l’intérieur d’une construction

Mai 1960, une demi-douzaine d'agents appartenant au Mossad débarque à l'aéroport de Buenos-Aires. L'opération Attila, l'enlèvement d'Adolf Eichmann, est lancée. Un sayan a loué une villa située dans un quartier résidentiel. Le « bricoleur » de l'équipe a remarqué un espace libre entre le sol et la terrasse de la véranda dans lequel il va pouvoir y aménager une cache capable d'accueillir deux hommes. Le vide nettoyé, l'espace est tapissé de couvertures, en cas d'alerte, le prisonnier sera drogué et ligoté sur une civière pour y être glissé et placé sous la responsabilité d'un agent. L'ancien dignitaire nazi sera enlevé le 11 mai et exfiltré le 20 date du 150° anniversaire de l'indépendance de l'Argentine. Le 23, le président de la Knesseth peut annoncer que le criminel de guerre nazi a été arrêté et conduit en prison.

La sûreté d'une cache réside dans la prévoyance et l'attention apportée aux moindres détails. S'agit-il d'une cache destinée à recevoir des objets, des documents, une personne ou d'une panic room ? Dans le premier cas tout peut faire l'affaire : une pile évidée dans laquelle, on place une pile bouton pour en permettre l'usage, le reste de l'espace restant disponible pour de petits objets, dans le clavier d'un ordinateur, un nid de guêpes, etc. S'il s'agit d'une cache plus conséquente : du temps requis pour l'aménager - les aménagements risquent-ils d'attirer l'attention d'une personne quelconque - combien de temps devra-t-elle être occupée ou utilisée - de quels moyens l'intrus dispose pour la découvrir ? S'il s'agit de dissimuler une personne pour seulement quelques dizaines de minutes, n'importe quel endroit inconfortable sommairement dissimulé suffit, même une pièce de mobilier. Un habitant de Floride recherché par la police a été retrouvé, grâce au flair d'un chien, dans un meuble de salon abritant un téléviseur dans lequel il y était roulé en boule.

Il nous faut différencier la cache préparée en prévision de circonstances futures de la cache d'urgence (visite importune, attaque terroriste). Une cache d'urgence repose sur la présence d'un espace déjà existant : vide-sanitaire, puits, attique, placard, plancher, anfractuosité, mobilier, etc. Il existe plusieurs manières de concevoir une cache préparée. Il faut commencer par examiner autour de soi avec une attention toute particulière orientée pour découvrir les modifications qu'il convient d'y apporter. Lors de la perquisition du box loué par Toni Musulim, les policiers n'avaient pas remarqué la fente (joint vif) ménagée dans le mur en parpaings érigé derrière lequel il avait prévu de glisser 450.000 billets dans la coulisse (espace vide). Le convoyeur de fonds avait empilé les liasses de billets contre le double-mur, le temps d'aller acheter un casse-croute, avec l'intention de les y dissimuler à son retour...

Les types d'habitations individuelles varient d'une région à l'autre (ossature bois, béton, meulière, métallique, murs porteurs, en refend, etc.), les fondations : superficielles, semi-profondes ; le soubassement : hérisson (terrain plat), vide sanitaire et le sous-sol dépendent de la nature du terrain, de la nature de l'occupant, locataire ou propriétaire pour engager les travaux. Les immeubles varient surtout selon leur époque de construction et leur destination : habitations, bureaux, entrepôts, agricoles, industriels, etc., certaines périodes se prêtant mieux à l'aménagement d'une cache que d'autres et des connaissances rudimentaires mais pragmatiques sont conseillées.

Hors de question pour découvrir une cache de procéder à un curage (mise à nu de la structure) comme un carrossier le fait pour un véhicule. Pour découvrir une cache dans des locaux bâtis sans disposer de matériel dédié ou de chien, on peut « sonner » les parois. Lorsque l'on frappe une paroi rigide, celle-ci vibre, et une cache retourne un son « creux » caractéristique (plus le matériau est dense, moins il vibre). Différents appareils permettent de déceler une cache. La caméra thermique qui pénètre le brouillard, la fumée, le feuillage, les murs pas trop épais, permet aussi la détection d'un endroit où de la terre a été fraîchement retournée ! Son principe repose sur les corps noirs. Tout corps porté à une température supérieure au zéro absolu (-273° centigrades) rayonne des infrarouges dans la bande 800 à 1400 nanomètres. La loi de Wien nous permet de connaître, en fonction du corps considéré, le spectre d'émission de la source. Pour un homme et une température de 20°C, la longueur des I-R rayonnés sera de 2898/ 273+20, soit 989 nanomètres. Nous sommes donc bien dans la plage de fonctionnement du capteur équipant ces caméras. Mais voici le nec le plus ultra, la source radioactive. Une source de baryum émet des rayons gamma (370 kBq, 10 micros curie) à travers le mur afin d'en analyser la densité. Comme un espace plein renvoie plus d'énergie qu'un espace vide, toute cache est immédiatement mise en évidence sur l'afficheur digital !

Avant de déterminer l'emplacement d'une cache, toujours s'assurer qu'elle restera accessible à n'importe quel moment. Si l'accès à un bâtiment repose sur une relation personnelle avec un occupant des lieux, il faut être certain qu'il ne sera pas tenté de l'utiliser pour son usage personnel..., ni que son départ, son absence ou la vente de la propriété rende l'accès à la cache inaccessible. Un point souvent passé sous silence, celui de la territorialisation de l'espace. Lorsqu'on entre dans un lieu privé, on pénètre sur un « territoire » dont les parties sont divisées en zones communes et selon leur degré d'intimité. L'invité peut utiliser les toilettes, mais seuls les occupants habituels franchissent le seuil de la chambre à coucher. L'ordre croissant d'intimité : entrée, salon, toilettes, salle à manger, cuisine, bureau, chambre. Les policiers qui viennent pour interpeller un jeune, filent directement à sa chambre avant de passer aux autres pièces, idem pour les cambrioleurs. Une réflexion anticipatrice pourra faire la différence.

L'emplacement défini, la cache doit prendre en compte la corpulence et la souplesse de l'individu. Un Japonnais intrigué par la disparition d'aliments dans son réfrigérateur, a eu la surprise de découvrir qu'une femme vivait dans un placard de la maison depuis plusieurs mois ! Ce n'est qu'après l'installation d'une caméra qu'il a pu voir sur l'écran de son Smartphone, la femme circuler dans son appartement. La femme a été découverte dans la partie haute du placard, un espace à peine suffisant pour accueillir une personne allongée ! Une position inconfortable peut vite se révéler douloureuse (l'employé de l'imprimerie attaquée par les frères Kouachi est resté dissimulé 8 heures dans un meuble sous-évier). Au-delà d'une certaine durée, il faut aménager une cache plus importante et ventilée correctement. Le conduit d'aération peut être relié à celui de la cheminée, par exemple, pour canaliser les odeurs à l'extérieur.

La cache peut être tapissée avec un isolant phonique capable d'amortir les vibrations mécaniques ou au contraire les justifier (lambris, placo-plâtre, laine de roche, etc.), et thermique (IR). Il faut supprimer les « ponts » acoustiques, c'est-à-dire ajuster la trappe de la cache avec son dormant en utilisant un joint élastomère (joint de frappe). Cela permet de contenir les odeurs, les effluves et le CO2 expiré. L'astuce consiste à déposer du silicone dans la feuillure et à le recouvrir d'un film en polypropylène. En refermant le battant, le silicone se trouve refoulé dans les vides à combler et l'excédant à l'extérieur. Après séchage, il suffit d'ôter le film de protection et de supprimer le silicone qui a débordé (attention à certains produits, l'odeur d'acide acétique pourra être assimilée par un chien à de la drogue).

Une femme ayant hérité d'un pavillon dans la région albigeoise en 2005, a découvert une cache aménagée dans le sous-sol dont l'entrée était accessible par une galerie située au fond du puits dans le jardin ! Lorsque l'on pense à une porte ou à une trappe de dimensions réduites, on pense trop souvent au vantail vertical qui pivote sur ses gonds oubliant qu'il existe d'autres systèmes. Le choix pourra se porter sur une ouverture à l'italienne - à la française - à l'anglaise. Le battant ou vantail sera : pivotant, coulissant, oscillant, pliant, voire reprendre le principe d'un tiroir horizontal ou vertical : en caisson - suspendu - traditionnel - spécial pour un angle, sans oublier le couvre-joint masquant l'interstice. L'ouverture devra se faire sur le principe d'une « boite à secret », deux ou trois actions ordonnées pour libérer l'ouverture. L'entrée pourra avoir une forme géométrique inhabituelle..., disposer d'un siphon passant sous un mur ou une cloison, recevoir une trémie comblée avec des pierres. Une fois à l'intérieur, le volet inférieur est libéré et les gravas tombent pour venir former un monticule d'« éboulis » derrière la porte.

Pour ne pas modifier d'une façon trop évidente les dimensions d'un endroit ou d'une pièce, il faut repartir le volume de la cache entre deux parties, une citerne, une piscine, voire une fosse sceptique..., ou procéder à de simples adaptations : rogner sur la profondeur d'un couloir, d'une niche, la hauteur, profiter d'un espace existant, obturer une embrasure de porte, empiéter sur une parie commune ou mitoyenne, tricher avec les proportions de l'endroit, jouer avec les couleurs, l'éclairage, la décoration, l'agencement du mobilier pour dissimuler l'entrée de la cache ou la cache elle-même, disposer des miroirs comme le font les magiciens pour dissimuler une partie de la pièce. Si un plan de la construction peut se révéler très utile, un diagramme de distribution (sorte d'organigramme) peut l'être tout autant, surtout en présence d'une volumétrie complexe. Les axes de transparence (ouverture sur l'extérieur) et axes de vision longitudinaux ou transversaux semblant agrandir ou réduire les surfaces, deviennent des axes de tir lors d'une intervention armée.

On triche plus facilement qu'on ne l'imagine avec les couleurs et l'orientation des lignes jusqu'à aboutir à des illusions d'optique. Les teintes claires agrandissent l'espace tandis que les couleurs sombres le réduisent tout en contribuant à le rendre plus austère. On peut faire appel à plusieurs couleurs et à des lignes différentes pour aboutir à un meilleur résultat. La dissimulation peut être améliorée par la manière d'utiliser les matériaux (briques, crépis, moquette, etc.) et/ou des astuces décoratives : meubles, guéridon, consoles, étagères, rideaux, tapisserie, plantes, trompe l'œil, sans oublier le désordre, voire le capharnaüm. Il convient cependant de respecter une cohérence de construction, du béton cellulaire dans une grange en torchis indique un remaniement...

Une étagère vide ou trop encombrée, des traces d'essuyage de la poussière, des rayures devient immédiatement suspecte. Rappelez-vous la cache aménagée par Dutroux dans sa cave et devant laquelle quatre gendarmes sont passés sans la déceler... Les étagères supportaient des boîtes de lait et d'eau minérale. Les étagères en forme de vague peuvent apporter une solution, mais elles sembleront « anachroniques » dans une cave. Chaque situation est particulière, mais un peu d'astuce et des connaissances pragmatiques et orientées permettront d'obtenir un résultat acceptable. Vladimiros Montesinos, le directeur du service secret péruvien, avait fait aménager une planque sous la salle de bain. Il fallait soulever la baignoire pour y accéder. Attention ! la présence d'outils, de matériaux, ou de revues de bricolage peut faire naître un doute.

L'éclairage satisfait à deux exigences, il participe à la décoration en créant une ambiance tout en contribuant à dissimuler l'entrée de la cache. Il peut favoriser une zone en attirant les regards (feu dans la cheminée, bibelot mis en valeur, etc.) ou en estomper une autre. On distingue l'éclairage direct et indirect. L'éclairage direct est utilisé principalement pour la lecture et la mise en valeur d'un objet ou d'une zone en canalisant le regard vers cet endroit. On peut « jouer » avec l'intensité de la source lumineuse, sa couleur, un éclairage tamisé, fixé derrière ou sous un objet. La source de lumière indirecte est orientée vers une surface réfléchissante avant de baigner l'endroit d'une lumière diffuse qui contribue à gommer les contrastes et les ombres portées ; l'éclairage mixte consiste à répartir le flux lumineux à la fois vers le bas et vers le haut. Il peut arriver qu'un type éclairage s'impose : direct, indirect, mixte. Le manque de clarté ou un éclairage fort (éblouissement) peut servir à occulter l'entrée de la cache. Une vue « panoramique » faite de miroirs donnant plus de volume peut se prolonger sur le mur en vis-à-vis et contribuer à venir masquer une extrémité (couloir).

La surface occupée peut être très restreinte, un homme âgé de 50 ans a vécu durant 15 ans dans un local mansardé parisien de 4 m2. Toute cache prévue pour une longue durée d'occupation devra disposer de vivres dont on aura ôté la date de péremption et le code barre pour ne livrer aucune information placés dans des containers hermétiques (pour ne pas attirer les rongeurs) et pouvant être consommés sans avoir besoin d'être réchauffés, de vêtements propres placés dans des sacs hermétiques afin de ne pas s'imprégner d'une odeur caractéristique propre à un type de lieu, de lingettes pour faire sa toilette sans eau, sans oublier les toilettes volantes... S'il faut sortir (de préférence lors de période de mauvaise visibilité et d'activités réduites), toujours veiller à conserver une présentation nette. Pas de trace de « salpêtre » sur les vêtements ni de boue sur les chaussures... L'individu peut être un passe-muraille à l'image de sa cache, mais gare à la loi de Murphy !

 

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