mardi 11 mars - par Christ Exauce Marsala

Appel à la cohésion nationale en RDC : Felix Tshisekédi joue-t-il franc-jeu ?

Le président de la République Démocratique du Congo (RDC) a ordonné, récemment, à son conseiller en matière de sécurité, Eberande Kolongele, d’amorcer les pourparlers avec la classe politique congolaise et les forces vives du pays en vue de trouver une cohésion nationale pouvant sortir ce pays de la crise sécuritaire qu’il traverse dans sa partie orientale. Mais, les prémices de cette main tendue de Felix Tshisekédi semblent être faussés, en raison de la crispation du climat politique.

le président de la RDC, Felix Tshisekedi

Face à l'avancée des rebelles AFC/M23, qui contrôlent désormais plusieurs localités du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, le président Tshisekédi a, au cours d’une réunion avec les députés nationaux, sénateurs et responsables politiques de sa plateforme, l’Union sacrée de la nation (USN), en février dernier, dit sa déception face au manque d'engagement de certains membres de son camp politique dans la gestion de la crise sécuritaire à l’est de la RDC, tout en saluant quelques figures pour leur implication active.

Saisissant cette occasion, Félix Tshisekédi, a annoncé la constitution imminente d’un gouvernement de cohésion nationale. « Ne soyons pas distraits par des querelles internes, des manipulations extérieures ou des relents tribaux… Nous devons nous unir. Notre force reste des congolais debout et déterminés », a-t-il exhorté, devant ses partisans, insistant sur la nécessité de dépasser les divisions internes pour faire face aux menaces extérieures.

 En faisant cette déclaration, Felix Tshisekédi a-t-il réellement parlé avec son cœur ? s’interrogent de nombreux observateurs africains. Au cours de l’émission « Club 50 » de la chaîne de de télévision « Télé 50 » de Kinshasa, un des invités, Joel Cadet-Danga, journaliste pro-Tshisekediste, a dit à haute voix que «  Felix Tshisekédi ne respecte jamais sa parole. » Jetant un regard rétrospectif sur la récente décision du chef de l’Etat congolais, relative à la « diminution du train de vie de l’Etat », ce journaliste a dit toute sa déception car, selon lui, les conseillers du chef de l’Etat nouvellement nommés sont toujours en nombre pléthorique.

Ces observations du Journaliste, Joel Cadet-Danga, semblent dire tout haut ce que tout le monde pense tout bàs. A scruter de près le climat politique de Kinshasa, l’impression qui semble se dégager est qu' aucun signal fort n’accompagne cette soi-disant main tendue de l’homme fort de Kinshasa. Certainement, une déclaration de plus.

 Une cohésion nationale mise à mal

La cohésion nationale est un processus. La descrispation politique est l’une des étapes cruciales, sauf qu’en RDC c’est totalement le contraire qui se constate. Felix Tshisekédi dit une chose et son contraire. Le président congolais a, en effet, accusé, le14 février, son prédécesseur Joseph Kabila, de commanditer les rebelles du M23 qui envahissent l’Est du pays, avec l’appui de l’armée rwandaise. Il l'a affirmé lors de son séjour en Allemagne, où il a participé à la conférence de Munich sur la sécurité. « Je n’ai absolument pas l’impression que l’opposition qui a pris les armes, qui a fomenté avec le Rwanda ce coup contre la République est dans son bon droit. D’ailleurs, les vrais commanditaires se cachent. Et le vrai commanditaire de cette opposition c’est mon prédécesseur, c’est Joseph Kabila. Mais, il ne l’avoue pas. Il n’assume pas ses actions », a fait savoir le chef de l’Etat congolais.

Le secrétaire exécutif national du Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie, (PPRD), Ferdinand Kambere, regrette que l’actuel président de la RDC incrimine son prédécesseur, au moment où la nation a besoin de l’unité pour faire face à l’agression rwandaise. « Monsieur le Chef de l’Etat, en accusant Joseph Kabila, vous perdez toute l’attention de la nation, alors que vous avez appelé à la solidarité pour faire face à cette guerre du Rwanda et cette guerre d’agression », a réagi ce cadre du PPRD, le 14 février, aux propos de Félix Tshisekedi.

Aussi, au moment où nous mettons cet article sous presse, tout l’état-major du PPRD, le parti de l’ex-président Joseph Kabila a été convoqué devant la justice militaire. Le vice-président du parti Aubin Minaku, le secrétaire permanent Ramazani Shadary, son adjoint Ferdinand Kambere et une douzaine d’autres hauts cadres du parti étaient attendus devant le parquet militaire supérieur de Kinshasa-Gombe. Dans leurs invitations, aucun motif n’était renseigné. Ils étaient tous appelés à «  éclairer la justice ». « Cette campagne ignoble a été lancée par le Chef de l'Etat lui-même et a trouvé, depuis, un amplificateur zélé en la personne de M. Jean Pierre Bemba Gombo, visiblement plus doué pour le rôle de chantre de la haine et de propagandiste du "Roi Soleil" et de son régime, que pour les nobles responsabilités de ministre des transports ou de la défense nationale », lit-on dans le communiqué signé par Raymond Tshibanda, président de la cellule de crise du Front commun pour le Congo (FCC).

Au sein, même, de la majorité au pouvoir, certains leaders politiques surtout de l’est de la RDC ne semblent plus être en odeur de sainteté avec l’UDPS/ Tshisekedi. Il s’agit du président de l’Assemblée nationale, Vital Kambere et de Modeste Bahati Lukwebo, deuxième vice-président du Senat. On reproche à ces deux leaders, leur silence dans le cadre de la mobilisation de la jeunesse pour leur intégration au sein des Forces Armées Congolaises (FARDC) ainsi que de leur sensibilisation pour barrer la route à l’ennemi qui est le l’AFC/M23 et le Rwanda.

Sur la même lancée, un communiqué du ministre de la justice, Constand Mutamba, est venu jéter le pavé dans la marre. Il est promis, dans ce communiqué, une récompense de 5 millions de dollars pour la capture de trois leaders des rebelles M23. Les leaders visés par cette récompense — Corneille Nangaa, Sultani Makenga, et Bertrand Bisimwa — incarnent non seulement des figures militaires et politiques, mais également des pièces d’un échiquier géopolitique où les territoires sont autant un enjeu que les ressources.

Une décision qualifiée par Crispin Tshibangu, journaliste à la chaîne de Télévision « Télé 50 », au cours de la tranche d’animation « Bonjour 50 », de ce 10 février 2025, de « populisme à outrance. » C’est dans ce même climat délétère qu’a repris le procès de Bukanga Lonzo incriminant l’ancien premier ministre, Matata Ponyo, un des leaders actuels de l’opposition.

 Nécessité pour Tshisekedi de jouer franc-jeu

Une frange de l’opposition politique a rejeté cette main tendue de Felix Tshisekedi. Martin Fayulu et Jean Marc Kabund dénoncent son manque de sincérité et son incapacité à tenir ses engagements.

Certes, Tshisekedi a fait un grand pas avec la libération de certains leaders politiques notamment, Seth Kikouni, ancien candidat à la présidentielle, Jean Marc Kabund et Mike Mukebay, opposants au régime de Kinshasa, mais cela ne suffit pas. Le président congolais doit jouer franc-jeu. L’approche développée, par le journal «  Le Potentiel  » de Kinshasa dans sa livraison du 10 mars, sur l’article intitulé « L’appel au gouvernement d’union nationale, une solution provisoire au problème permanent ? » est plus qu’enrichissante. « Si Félix Tshisekedi souhaite réellement instaurer un gouvernement d’union nationale, il doit prouver sa sincérité par des actes concrets. La route vers la réconciliation et la paix est semée d’embûches, mais elle est essentielle pour bâtir une RDC stable et prospère. Les Congolais méritent un leadership qui dépasse les clivages et qui œuvre pour le bien commun, car l’avenir de la nation en dépend. » A écrit ce journal en ligne.

Selon le blog Fatshimétrie, dans un article publié le 8 mars 2025 intitulé « Pourquoi la convocation des responsables du PPRD marque-t-elle un tournant dans la lutte pour le pouvoir en RDC ? », les conséquences des actions judiciaires contre des figures du passé peuvent être imprévisibles. « La manière dont le gouvernement actuel gère cette situation pourrait soit favoriser un processus de réconciliation durable, soit plonger la RDC dans un cycle de violence encore plus préjudiciable. La question de l’avenir politique de Joseph Kabila et de ses alliés se pose également, suscitant des inquiétudes quant à la stabilité du pays. Une prise de pouvoir de facto ou des manœuvres de contre-offensive pourraient faire resurgir des tensions ethniques dans un pays où le nationalisme reste un concept fragile. » s’interroge l’auteur de l’article.

La conclusion tirée par l’auteur de cet article est plus qu’interpellatrice. « L’heure est peut-être venue pour une véritable renaissance politique, mais cela nécessitera bien plus que des poursuites judiciaires : un engagement sincère à traiter les causes profondes des conflits qui continuent de hanter la nation. » Souligne-t-il.

Dans un de ses éditoriaux intitulé « sauver l’essentiel », publié le 29 janvier 2016, Joachim Mbanza, journaliste congolais à la « Semaine Africaine  » paraissant au Congo Brazzaville, tirait sur la sonnette d'alarme. « Quand le discours politique est imbibé de haine et de sentiment de vengeance, quand les partis fanatisent leurs bases comme on l’a vu, la priorité, c’est d’arrêter la mécanique infernale et sauver l’essentiel, la paix et l’unité nationale… »

 Comme on le voit, il n’est jamais trop tard d'inventer les possibles solutions de sortie de crise en RDC, surtout quand il y a de la volonté politique, de la compassion pour le peuple, de l'amour de la justice et la vision d'un futur meilleur.

 



2 réactions


  • SilentArrow 12 mars 08:25

    @Christ Exauce Marsala

    Je comprends que les ressources du Congo suscitent beaucoup de convoitises et que le Rwanda est utilisé par des entités étrangères pour faire main basse sur ces ressources.

    Ce que je comprends moins, c’est qu’un petit pays comme le Rwanda qui se relève a peine d’un génocide puisse menacer militairement un géant comme le Congo.


    • Matlemat Matlemat 12 mars 11:06

      @SilentArrow
       Le Rwanda s’est remis du génocide qui a eu lieu il y a une trentaine d’année, l’armée de ce petit pays est très efficace militairement et a reçu du soutien de son voisin l’Ouganda.
       Le Congo montre toutes ses faiblesses et a abandonné régulièrement lors de ses débandades de grosses quantité d’armes à ses ennemis, armes que par ailleurs il n’a pas le droit d’acheter à l’international.


Réagir