vendredi 22 juillet 2005 - par Michel Monette

Après l’or noir, l’or bleu

Naguère, l’eau était donnée dans les cours d’économie comme exemple d’un bien qui n’a pas de valeur. Car pour qu’un bien acquiert de la valeur, selon la théorie classique, il faut qu’il soit rare. Réjouissez-vous, tous les tenants de la théologie de la libération par le marché, l’eau a depuis été transformée en or. Alleluiah !

Bon, il est fâché. Monsieur l’économiste libéral n’aime pas se faire dire ses quatre vérités ? Monsieur n’aime pas se faire dire qu’on entre en économie comme en religion ? Alors je vais m’adresser à vous, chers lecteurs, pendant que Monsieur boude dans un coin.

Non, la transformation de l’eau en or n’est pas le résultat de quelque sorcellerie d’alchimistes des temps modernes. Nous sommes sérieux ici. Si vous étiez à la recherche de phénomènes paranormaux, allez voir ailleurs.

Quoique l’économie de marché et les phénomènes paranormaux ont un point en commun : les deux misent sur notre crédulité.

Dans sa quête du monde - quête au sens figuré s’entend, je ne suis pas parmi les tenants du grand complot capitaliste, je constate seulement cette tendance systémique des entreprises à vouloir tout contrôler au point où, par exemple, les transactions impliquant des biens et services dans le monde se font de plus en plus à l’intérieur des multinationales - le capitalisme corporatif gruge de plus en plus dans les biens communs.

Dans le cas de l’eau, la manœuvre est d’une simplicité déconcertante : miser sur nos doutes.

Et quels doutes nous assaillent au point de vendre notre eau au Diable ?

Premier doute, bien légitime remarquez : celui de la qualité de l’eau potable, là où elle est disponible évidemment.

Au lieu de demander aux autorités politiques de corriger le problème, puisqu’elles ont l’information nécessaire pour agir, que faisons-nous ? Nous courons au supermarché acheter de l’eau embouteillée.

Bientôt, c’est à la pompe chez les détaillants d’essence, convertis en détaillants d’eau pure, que nous irons l’acheter, cette eau de consommation. Je blaguais.

Deuxième doute, plus sournois parce que bien entretenu par des propos démagogiques : celui de la capacité des autorités politiques de corriger le problème. Mais non, je ne radote pas. Vous avez bien lu deux fois capacité des autorités politiques.

Puisque nos élus n’agissent pas, c’est forcément parce que leurs employés sont incompétents.

Haro sur le fonctionnaire !

Holà, pourfendeurs d’employés du public. Il ne vous est jamais venu à l’esprit que ce sont les élus qui prennent les décisions ?

Un peu de liquide, cela peut les aider à ne pas décider d’améliorer la qualité de l’eau potable. Là aussi, je blaguais. N’empêche.

Liquide ou pas ce second doute, c’est le bassin politique versant vers la marchandisation de l’eau : les fameux partenariats public-privé, quand ce n’est carrément les concessions au privé de l’approvisionnement public en eau.

Gardez-vous cependant de courir acheter des actions des multinationales de l’eau. Il semble bien que les perspectives de profits ne soient pas si fameuses que cela.

On estime à 180 milliards de dollars les besoins en financement des infrastructures pour atteindre l’objectif de l’ONU

de « réduire de moitié le pourcentage de la population qui n’a pas accès de façon durable à un approvisionnement en eau potable » d’ici 2015.

Concessionnaires, partenaires ou contractantes, soyez assurés que les multinationales trouveront bien là de quoi étancher leur soif d’affaires.

Cela vaut-il cependant le coût d’un verre d’eau  ?




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