Argent magique & Paradis artificiels
L’argent magique inonde les pays occidentaux : une manifestation, une épidémie, une guerre, tous les maux sont pansés par des flots d’argent venus de nulle part. Les tours de passe-passe financiers suffiront-ils pour accéder au Paradis ?
Les chrétiens promettaient un au-delà peuplé d’angelots où paix et félicité régnaient en maître. D’autres font miroiter les attraits de houris censées combler les désirs les plus secrets. Le Nirvana met fin aux illusions et à l’ignorance pour que s’ouvre le chemin vers l’éveil et la sagesse.
Cependant beaucoup furent déçus de promesses non tenues et s’orientèrent in fine vers des paradis artificiels plus palpables : « Le bon sens nous dit que les choses de la Terre n’existent que bien peu, et que la vraie réalité n’est que dans les rêves. » Pour atteindre ces rêves, la Chimie fut d’un grand secours : hypnotiques, antidépresseurs, cannabis… puis héroïne, cocaïne, ectasy, chemsex... Les bonobobos trouvèrent même ces pratiques très tendances.
Mais l’argent magique solutionne les problèmes à une toute autre échelle pour rendre vivable un monde qui ne l’est plus, il faut le peinturlurer davantage pour le rendre présentable.
Les gens ordinaires pensent que leur travail doit leur permettre un quotidien digne de leurs efforts. L’agriculteur par ses récoltes, le mécanicien par ses machines, l’ingénieur par ses innovations, l’artiste par ses créations… sont producteurs d’un réel visible qui permet de vivre. Les pays au bout de leur course aux richesses n’excellent plus dans aucun de ces domaines, ils se sont recroquevillés dans le domaine bancaire et les usines d’armement, confiants du pouvoir que l’un et l’autre confèrent. Le bien être des occidentaux repose donc pour l’essentiel sur les technologies guerrières et la création monétaire.
Les mécanismes bancaires sont relativement simples mais ils sont complexifiés pour les mettre hors de portée des gens du commun afin de leur donner un caractère divin. Au début des années 1970, le dollar ne fut plus convertible en or, référence absolue jusqu’alors. Le système bancaire n’avait plus de boussole et devint sous la coupe de la volonté des puissants. Le lien entre le verbe et la chair était rompue, l’art oratoire et les rapports de force vont éclipser l’honnêteté pour donner une valeur à tout. Les banques vont constituer des « contreparties » à la masse monétaire en circulation selon la nature des emprunteurs : Etats, investisseurs privés, actifs en devise étrangère. Les banques centrales demeurent les seules à imprimer les billets de banque. Elles imposent également des taux d’intérêt pour maîtriser l’inflation. Le tout est normalement régulé par la concurrence entre banques. Que des carottes ou des missiles balistiques soient échangés, cela ne créé aucune différence si les investissements sont rentables. Les Etats peuvent emprunter pratiquement sans limites à condition qu’« on » veuille bien leur accorder le crédit, ce qui est le cas des pays nantis.
L’argent magique est donc à la portée des pays occidentaux, ce qui restera vrai tant qu’ils resteront riches. S’ils n’ont plus aucun moyen de production, ils feront appel à plus pauvres qu’eux pour trouver la main d’œuvre.
Malgré les tours de passe-passe, il reste une limite incontournable, ce sont les richesses naturelles pour grande partie en quantités finies. Chacun est conscient que tous ne pourront pas bâfrer autant qu’au sein des élites occidentales, La réalité virtuelle pourvoira aux désirs. Les paradis artificiels deviendront virtuels et étroitement surveillés par des algorithmes au service des dominants. Les humains s’effaceront au profit d’hologrammes bien plus plaisants et sociables que les humains. La reproduction sexuée sera remplacée par la biologie moléculaire programmée pour optimiser les rejetons.
Les angelots et les houris ne serviront plus à rien, un casque de réalité virtuelle permettra un accès plus direct au paradis.