jeudi 6 décembre 2018 - par BretonEnColère

Arkéa : l’opération séduction est lancée

Le projet d’indépendance d’Arkéa a du plomb dans l’aile. Notre patron, Jean-Pierre Denis, a donc lancé les grandes manœuvres pour sauver les apparences.

Arkéa, vous connaissez ? Non ? Vous n’êtes pas les seuls. Il s’agit d’une petite banque basée en Bretagne dans laquelle je travaille, spécialisée dans les nouveaux services bancaires en ligne — Fortuneo ? C’est Arkéa. Leetchi ? Idem –, actuellement rattachée au Crédit Mutuel. Un Crédit Mutuel dont nos dirigeants ont bien l’intention de se séparer afin de devenir indépendants, ce qui donne lieu à une véritable guerre médiatique depuis plusieurs mois.

Problème : selon un article du Figaro, « pour l’heure, la marque Arkéa, bien que très visible, reste mal connue, y compris auprès de certains de ses clients en Bretagne, son fief ». Un comble, et un double problème, d’ailleurs, puisque notre banque, si elle réussit à devenir indépendante, perdra la marque Crédit Mutuel et devra assumer son aventure en solo sous son propre nom... que personne ou presque ne connaît, donc. Qu’à cela ne tienne : notre direction multiplie les opérations de partenariat et de sponsoring pour se faire connaître.

Méconnue dans sa propre région de naissance, Arkéa mise donc sur le sport, et la petite reine, pour gagner en notoriété. L’équipe de vélo bretonne Fortuneo-Samsic, qui évolue en deuxième division et qui compte dans ses rangs des sprinters comme Warren Barguil ou André Greipel, sera donc appelée l’équipe Arkéa-Samsic à partir du 1er janvier 2019. Un énième changement de nom — le septième en quatorze ans d’existence ; à ce rythme, pas étonnant que personne n’ait le temps de se rappeler du nom des sponsors ! —, qui doit servir les ambitions tant du club que de la banque.

« Je sais qu’Arkéa attend beaucoup de ce partenariat », confirme le manager de l’équipe, Emmanuel Hubert : « nos coureurs en sont conscients (ah bon ? Ils se sentent menacés ?) et travaillent pour être performants. Nous avons un projet ambitieux, nous voulons faire partie des meilleures équipes mondiales, tout en conservant un visage humain depuis notre territoire breton historiquement lié à la bicyclette ». Un visage « humain » et « breton » qui n’empêche notre direction ni d’empocher des salaires dignes de PDG du CAC 40, ni de fréquenter les salons parisiens, ni de braconner sur des terres bien loin de l’Armorique.

Car pour se faire un nom au soleil — c’est le cas de le dire —, la banque bretonne vient également d’accoler sa marque à une nouvelle grande salle de spectacle à Bordeaux, région où elle est également implantée. Le Bordeaux Métropole Arena devient donc le Arkéa Arena. Un « partenariat de dix ans qui constitue une opportunité de visibilité inédite pour les savoir-faire du groupe Arkéa (et) qui renforce ainsi sa présence en Nouvelle-Aquitaine », selon nos dirigeants. Une présence « renforcée » dont on ignore le coût.

Donner son nom à des clubs sportifs ou des infrastructures événementielles n’a rien de nouveau ni de honteux pour une entreprise souhaitant accroître sa notoriété. Mais dans le cas d’Arkéa, cette récente boulimie de communication a tout d’une opération d’enfumage. Car le projet d’indépendance de notre direction prend l’eau de partout : il a d’ores et déjà été retoqué par, tenez-vous bien, rien moins que la Banque de France, la Banque centrale européenne (BCE), l’Autorité bancaire française (APCR) — ces deux dernières considérant le projet de scission « d’une validité juridique douteuse » — et, last but not least, l’Autorité des marchés financiers (AMF).

Contrainte de répondre aux exigences de l’AMF, notre direction a pondu, le 29 août, un nouveau « document de référence actualisé » présentant son projet. Et de reconnaître noir sur blanc qu’elle n’a pas la moindre idée de ce qu’elle fait, mettant en avant « les risques relatifs à la complexité du contexte et des risques liés à la désaffiliation du Groupe Crédit Mutuel Arkéa de l’ensemble Crédit Mutuel ».

Florilège : « la situation liée au projet de désaffiliations du Groupe Crédit Mutuel Arkéa de l’ensemble Crédit Mutuel est complexe et des incertitudes et des risques associés existent. Par ailleurs, les éventuels enjeux commerciaux liés à la perte de la marque “Crédit Mutuel” et l’adoption par Crédit Mutuel Arkéa d’une dénomination et de marques commerciales ne reprenant pas les termes “Crédit Mutuel” doivent être pris en considération ». Encore ?

Encore : notre banque reconnaît que « sa désaffiliation de l’ensemble Crédit Mutuel a des conséquences qui peuvent être difficiles à appréhender » et qu’elle « ne peut garantir que le projet sera conduit à son terme, qu’il ne devra pas faire l’objet de modifications majeures par rapport à ce qui était initialement prévu ou que des difficultés nouvelles émergent lors de sa mise en œuvre ». La preuve : le vote des caisses locales du projet d’indépendance, prévu cet automne, est repoussé aux calendes grecques.

Et c’est sans parler des « risques prudentiels », de la « perte du bénéfice de l’agrément bancaire collectif », de « l’incapacité des caisses locales » à émettre des parts sociales pour se financer, de l’absence « d’accord des autorités de contrôle » ou de la dégradation de sa notation financière, que le document de référence reconnaît également. Pendant ce temps, toujours selon Le Figaro, « à la différence d’autres groupes mutualistes, (Arkéa) s’endette sur les marchés en ce moment, afin de transformer son bilan »… 



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