Au-delà des mots et des maux
Onfray doit-il être vilipendé au seul motif qu'il prêche la modération et non la démesure dans les réactions aux attaques criminelles dont notre sol a été l'objet ?
Il dénonce de longue date un discours jésuitique sur le plan intérieur qui caresse les Musulmans ( mais parfois à rebrousse-poil selon les occurrences de la politique intérieure ) et une politique extérieure au Moyen-Orient alignée sur Washington, elle-même très soucieuse de ménager les susceptibilités - et Dieu sait qu'elles s'expriment avec véhémence - de Tel-Aviv.
Aussi bien le pacifisme serait-il devenu un délit, un défi à l'intelligence ?
Le problème que pose Onfray est d'ordre philosophique aussi bien que stratégique et politique.
D'abord la France n'a pas attendu d'être frappée sur son sol pour s'ingérer dans les affaires intérieures syriennes comme elle n'a pas eu besoin du prétexte de Charlie Hebdo pour faire le ménage – si l'on peut dire – en Libye.
Sans compter d'autres et monstrueux exemples en Afghanistan ou en Irak.
N'ayant aucune légitimité à faire valoir – même pas les droits de l'homme qu'elle n'a pas été la dernière à bafouer en apportant sa collaboration aux tyrans et tyranneaux de la Françafrique et d'ailleurs – pour justifier ses aventures militaires, elle ne peut trouver aujourd'hui que dans l'émotion populaire et son exploitation la légitimité de se plaindre d'être attaquée sur son sol.
Le rôle des intellectuels est de dépasser l'instant et de se projeter dans l'avenir. Analyser pour comprendre et guérir.
Le gouvernement et l'ensemble du corps politique en usent et en abusent de cette corde de la sensiblerie hypocrite : on voit d'ailleurs mal comment il pourrait en être autrement par simple décence pour les malheureuses victimes.
Pourtant après le temps de la fleur au fusil viendra celui de la réflexion et puis celui des historiens.
Car c'est une loi de la physique, l'action amène une réaction et à vouloir le bonheur des peuples malgré eux et surtout à caresser les rêves d'une grandeur impériale révolue, on est immanquablement amenés à balayer devant sa porte ce qu'il faut bien appeler les dégâts collatéraux puisque c'est la terminologie que nous adoptons pour exprimer sous forme de statistiques notre compassion devant les effets meurtriers de nos missiles et bombes sous des cieux où ils n'avaient rien à faire.
Onfray a fort bien analysé les rétroactes de tous ces événements malheureux.
Portons au moins cela à son crédit.
La vérité serait-elle à ce point révolutionnaire que sa révélation pût anesthésier l'élan patriotique ?
Maintenant je suis personnellement en profond désaccord avec Onfray quand il prône le désengagement.
Il est trop tard ; quand la piquette est tirée, il faut assumer les aigreurs à l'estomac et faire en sorte que par un traitement efficace les douleurs s'effacent.
Il faut donc mener jusqu'au bout du bout une opération dont nous aurions dû nous abstenir et ne pas maintenant ajouter à la bêtise le déshonneur de la défaite.
Eût-il été suivi, Onfray, quand il prêchait dans le désert qu'on ne serait pas le nez sur le guidon de la fuite en avant.
Vers quoi ? La destruction de Daech, certes, qui est inscrite dans les probabilités à moyen terme mais comment empêcher l'hydre de se régénérer sans une refonte complète du Moyen-Orient et la mise au pas d'Israël, de l'Arabie saoudite et du Qatar ?
Car la seule tête de l'hydre qu'il faut trancher, c'est celle qui se nourrit du sentiment de frustration de populations qui se sentent méprisées, le « deux poids deux mesures « qui caractérise depuis trop longtemps la diplomatie française dans cette région du monde.