jeudi 26 septembre 2013 - par Coeur de la Beauce

Autonomie des établissements scolaires : mythe et triste réalité

Beaucoup d'observateurs du monde de l'éducation le revendiquent : il faudrait rendre plus autonomes les établissements scolaires et donner par exemple à des chefs d'établissement le pouvoir de recruter leurs enseignants. Ce serait remettre en cause le système scolaire français centralisé et proche de ceux des ex-pays communistes d'Europe de l'est : nomination des profs par l'administration (rectorats et inspections académiques) en fonction des besoins à pourvoir, directeurs d'école et principaux de collèges réduits au rôle de courroie de transmission, interdiction de sélectionner le public, syndicats enseignants "maison" et associations de parents encadrées... tout cela n'est pas reluisant. Et pourtant il n'y a pas d'autres solutions, je vais vous le démontrer...

D'abord un constat : les enseignants sont les premiers à souffrir de ce carcan. Certes le traitement tombe tous les 28 du mois (en principe), chaque prof a l'assurance d'avoir un poste... sauf que. Que beaucoup d'affectations ne sont pas choisies, en région parisienne notamment. Qu'ils sont infantilisés par leur hiérarchie planquée dans les bureaux. Que ceux qui font du zèle n'ont rien à gagner. Du coup la remise en cause du fonctionnariat aurait de bons côtés : un chef d'établissement qui peut recruter ses profs, c'est aussi la liberté de postuler pour ses derniers, mais c'est là que le bât blesse.

Car il ne peut y avoir d'adéquation entre l'offre et la demande. Concrètement, permettre à un principal de collège de Clichy-sous-Bois (93) de recruter à sa guise des enseignants pour se constituer des équipes stables c'est bien, encore faut-il qu'il trouve des candidats à l'embauche ! Et que les embauchés restent en poste au moins une année... pas simple. La plupart des profs affectés en ZEP ne choisissent pas d'y aller... les raisons tout le monde les comprend. Il est difficile de reprocher aux enseignants de chercher à préserver leur santé physique et mentale... de plus n'oublions pas que 25% des élèves français sont scolarisés dans les académies de Paris-Créteil-Versailles ; une région francilienne jeune de ses quartiers HLM à forte démographie et à forte demande scolaire, où les logements privés sont chers pour un salaire de prof, comme pour le reste des salariés.

De plus les "chefs d'établissement" sont-ils volontaires pour devenir des DRH ? Non. Devenir responsable du recrutement serait une charge supplémentaire malvenue, avec les charges juridiques qui s'ensuivraient... il est déjà difficile de trouver des volontaires pour exercer la fonction de directeur d'école et de principal de collège. Ces postes sont exposés : comptes à rendre à une hiérarchie qui les soutient peu par carrièrisme, violences et intimidations dans certains secteurs...

Le problème est délicat. La plupart des profs débutants héritent des postes dont les "anciens" ne veulent pas, c'est ainsi dans toutes les professions. Mais s'il y a des endroits où il est devenu impossible d'enseigner, il faut essayer de comprendre pourquoi... le conformisme et la soumission à l'idéologie pédagogiste ont aggravé les conditions d'enseignement. Des syndicats aux ordres qui encadrent les profs et "recadrent" les rebelles qui se droitiseraient, des associations de parents d'élèves consuméristes et souvent liées aux partis politiques officiels, des élèves dont beaucoup sont en souffrance. Le résultat peut-être d'une trop grande centralisation - tradition jacobine oblige - dès la 3ème république.

L'idée fausse de "l'autonomie" scandée surtout par la classe politique de "droite" ne changerait rien, au contraire. Chaque année 10000 enseignants démissionnent de l'éducation nationale, des milliers dépriment... les cliniques de la MGEN fonctionnent à plein régime. Signe d'un pays qui va mal. Parents immatures et sans repères à transmettre à leur progéniture, enseignants infantilisés et enfermés dans un mur de Berlin sans issue, une société soumise et conformiste qui n'arrive pas à se réformer, manque de volonté de ses citoyens-consommateurs oblige...

Alors que faire me direz-vous ? Le modèle allemand avec son système régionnalisé et ses enseignants recrutés sous contrats, ses rythmes scolaires réfléchis et son organisation toute germanique où le respect est la règle parait attrayant. A noter qu'en Allemagne les directeurs d'établissement sont aussi chargés de classe et montrent l'exemple... mais les mentalités sont différentes chez nos voisins, tout est question d'histoire culturelle et d'habitudes sociales.

A vous maintenant amis internautes de citer des exemples de systèmes scolaires consensuels. Je concluerai par la question qui fâche : ce consensus serait-il possible en France où chacun sait critiquer le voisin à défaut d'agir ? Avant de changer l'école, changeons les mentalités...



8 réactions


  • Robert GIL ROBERT GIL 26 septembre 2013 15:56

    chaque ministre veut mettre sa griffe lors de son passage, mais la realité est que tout est fait pour brader l’education nationale dans son ensemble.

    voir : LA LOI FIORASO OU LA « LRU 2. »

    Sans oublier : L’ECOLE EST FINIE


  • KeVal ? 26 septembre 2013 17:51

    Le constat prétendument fiat dans cet article est faux. C’est le lieu commun répété partout. Par exemple : « le conformisme et la soumission à l’idéologie pédagogiste ont aggravé les conditions d’enseignement. » La pédégogie dans les classes est une pédagogie magistrale qui commence par tâcher de faire taire l’élève pour qu’il reçoive la parole du maître dans une situation de confiance et de soumission. « Répétez dit le maître » comme le disait il y a longtemps Jacques Prévert.
    L’idée d’une soumission à une idéologie « pédagogiste » ne correspond pas à ce qui se passe dans les classes.


  • Axel de Saint Mauxe Axel de Saint Mauxe 26 septembre 2013 22:16

    La plupart des profs affectés en ZEP ne choisissent pas d’y aller... les raisons tout le monde les comprend. Il est difficile de reprocher aux enseignants de chercher à préserver leur santé physique et mentale... 


    C’est hélas bien là que le bât blesse !

    Où sont ils passés les missionnaires, ces moines, ces aventuriers qui consacraient leur vie à une cause, qui n’hésitaient pas guidé par leur foi en Dieu ou en l’homme à prendre des risques souvent mortels... ?

    La République a bâti une société de petits bourgeois frileux et hypocrites préférant donner des leçons de morale depuis les couloirs sinistres des académies plutôt que de plonger corps et âme dans les réalités bourbeuses pour tenter d’apporter un peu de lumière et d’espérance à une humanité en pleine dégénérescence mentale.

    J’ai tort ? Alors prenons le risque de laisser ces hommes et ces femmes d’élite se porter volontaire, plutôt que d’envoyer administrativement au casse-pipe des malheureux.

    Je trouve votre article désespérant.

  • non667 26 septembre 2013 22:25

    en 1984-85 les socialistes ont essayé d’introduire l’autonomie des établissements au lycée = recrutement des prof ,bac spécifique par etablissement +...... bref un pas vers le démantèlement du (mamouth : le therme péjoratif n’est pas innocent ! ) ) national et mise en place de la privatisation
    ps pour
    pc =ras
    seul les trotskistes infiltrés à f.o. ont réussi a mobiliser (pétition ,menace de grève dure ) et mettre en échec ce funeste projet !
    28 ans après les faucialistes essaient de remettre ça en commençant par les écoles puis....
     comme pour le reste la droite en rêvait la gauche le fait !


  • Emmanuel Aguéra Emmanuel Aguéra 27 septembre 2013 13:11

    « Des syndicats aux ordres qui encadrent les profs et »recadrent« les rebelles qui se droitiseraient... »

    Hola... ! Staline est mort depuis un bail, camarade...

    Et je peux vous dire que des « droitisés », comme vous dites, y’en a, et de façon assez incompréhensible pour moi, de plus en plus dans le corps enseignant. Quant au syndicat, en l’occurrence la cgt, sans lui, dans bien des cas je ne sais pas si ce n’est pas tout système qui se casserait la gueule et bien souvent il reste le seul garant de l’institution, je l’ai personnellement constaté.

    Ceci-dit, pour faire bonne mesure, entièrement d’accord avec votre dernière phrase : le mal est plus dans la cité qu’à l’école...


  • béatrice 27 septembre 2013 17:13

    Juste quelques remarques, fortement inspirées de ce document intitulé « Sociologie de l’éducation et de la formation » datant de la fin des années 1990.

    "Fin XX, les enseignants sont de moins en moins des enfants du peuple.« Comme vous le savez le niveau de recrutement est de BAC + 5 et la formation pédagogique (c’est à dire à l’art d’éduquer a disparu depuis belle lurette).
     »Caractéristiques des ZEP :
    - Surreprésentation des élèves des classes populaires.
    - Proportion élevée d’élèves en retard.
    - Infériorité des études longues par rapport aux taux nationaux et académiques.« 

    L’autonomie des établissements et le changement du mode de recrutement sont simplement une proposition de fuite en avant vers la disparition complète d’une éducation nationale.
    Ce qui est d’abord en jeu,
    - ce sont la carte scolaire et la mixité des élèves, autant que faire se peut.
    - les critères de recrutement, la formation des enseignants qui se retrouvent face à des élèves qui leur sont totalement étrangers socialement et culturellement, et dont la fonction est plus que jamais de »former une élite".
    Cette élite qui les dédaigne également car ils sont dans l’incapacité fondamentale de masquer le hiatus entre les programmes d’état et les inégalités sociales.
    Autonomiser, n’est ce pas une façon de privatiser l’exclusion sauf là où peut-être se produiront quelques miracles du travail en équipe et qui seront érigés en exemple pour la République.


  • béatrice 27 septembre 2013 17:22

    seser.free.fr/Master/SOCIOLOGIE.doc‎


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