jeudi 31 octobre - par Michel J. Cuny

Avec Thomas Pikettty : prendre Marx à l’envers

L’Introduction rédigée par Thomas Piketty pour son ouvrage Le capital au XXIe siècle débute ainsi :
« La répartition des richesses est l’une des questions les plus vives et les plus débattues aujourd’hui.  » (Idem, page 15.)

En tant qu’il est désormais le principal spécialiste de l’évolution des hauts revenus en France au XXe siècle - selon le titre d’un précédent livre dans lequel il a accumulé une somme considérable de documents tout en réalisant un très intéressant travail d’analyse -, et qu’il a replacé ce problème dans le contexte plus large de l’évolution du revenu moyen des foyers, Thomas Piketty est directement dans son élément dès qu’il s’agit d’analyser la répartition des richesses.

Le capitalisme est-il lui-même une affaire de répartition ? Certainement pas. Ou, tout au moins, pas chez Karl Marx. Mais que vient donc faire ici ce dernier personnage ?

C'est Thomas Piketty qui l’introduit dès la troisième phrase :
« La dynamique de l’accumulation du capital privé conduit-elle inévitablement à une concentration toujours plus forte de la richesse et du pouvoir entre quelques mains, comme l’a cru Marx au XIXe siècle ?  » (Idem, page 15.)

L’enchaînement rapproché de ces deux phrases paraît nous indiquer qu’il y aurait un lien direct entre la répartition des richesses et l’accumulation du capital privé. Peut-être même s’agirait-il d’un rapport entre des personnes : ici les travailleurs, et là les détenteurs du capital, les uns et les autres s’opposant sur le problème de la répartition des richesses.

Une question, tout de suite : d’où vient qu’il y ait des richesses, et des richesses à répartir ? D’une manne quelconque ? Qu’on se distribue ensuite ?

Peut-être pas. Peut-être faut-il tout d’abord avoir mis en œuvre une production, obtenir que quelque chose soit produit : c’est plus sûr.

Voilà tout simplement ce sur quoi Karl Marx a pris la peine de se pencher avec la plus grande attention. Ce qu’il n’a d’ailleurs pas été le premier à faire. Mais chez lui, cette préoccupation est toujours restée dominante pour cette simple raison que, selon lui, rien ne peut s’analyser en économie sans tout faire aller à partir de la production. Qui produit ? Quoi ? Comment ? Pour qui ? À quel prix pour sa santé ? Pour son temps de vie ?... C'est alors qu’on a la surprise de constater à quel point tout le reste vient se ranger à la suite... Quant à la répartition, avant d’avoir la moindre tournure "économique", c’est d’abord le fait de la force (bête et brutale, du point de vue de toute économie) : le pouvoir politique, tel qu’il émane de l’exercice de la souveraineté (quel que soit son système de fondation) à l’intérieur de la cité, ou, plus généralement, des collectivités humaines.

Étant entendu que, pour Karl Marx, le rapport travail-capital héberge en son sein une extrême violence, et qu'il en annonce l'explosion nécessaire, Thomas Piketty ne paraît pas pouvoir se tromper lorsqu'il écrit :
« La croissance moderne et la diffusion des connaissances ont permis d'éviter l'apocalypse marxiste, mais n'ont pas modifié les structures profondes du capital et des inégalités - ou tout du moins pas autant qu'on a pu l'imaginer dans les décennies optimistes de l'après-Seconde Guerre mondiale. » (Idem, page 16.)

Pas d'apocalypse depuis Karl Marx ?... C'est un peu fort d'aveuglement ! Et dans une phrase qui s'achève très tranquillement sur l'évocation de ... la Seconde Guerre mondiale, dont nous voyons qu'elle tire allègrement son intitulé d'une certaine Première Guerre mondiale...

Pas d'apocalypse à Verdun, par exemple... Et rien d'apocalyptique ni à Hiroshima, ni à Nagasaki !... Ah, ce Marx : quel plaisantin !...

Mais portons notre attention sur les lendemains immédiats de la Seconde Guerre mondiale et sur ce qui concerne la politique française... Dès le 8 mai 1945 (pour Sétif, Guelma et Kherrata) et dès le mois de septembre suivant (Indochine), Charles de Gaulle allait prendre deux décisions qui engageraient pour longtemps la souveraineté de la France et déboucheraient directement et indirectement sur la mort de 2 millions d'êtres humains, dont 315.000 Françaises et Français.

Certes, nous n'en sommes encore, là, qu'à des échantillons centrés sur la seule France et dans une forme militaire affirmée : que dire de tous les autres conflits plus ou moins apocalyptiques, et des diverses apocalypses provoquées par la faim, par la soif, et par la maladie, qui, tant qu'elles ne sont pas sanctifiées par la valeur d'échange, sont considérées comme "quantités" négligeables ?...

Et qui croira que cela n'aurait aucun rapport avec l'exploitation de l'être humain par l'être humain ?

Sans vouloir accabler Thomas Piketty - mais puisque c'est bien lui qui est cité ici -, il ne sera peut-être pas inutile de considérer que le début de sa phrase ne perdrait guère en vérité s'il était tout simplement transformé en ceci :
« La croissance moderne et la diffusion des connaissances ont permis d'aller tout droit jusqu'à l'apocalypse marxiste, mais n'ont pas modifié les structures profondes du capital et des inégalités »  (Idem, page 16)
... parmi les puissants de ce monde et leurs ouailles. 

C'est du moins ainsi que je me permets de le traduire.

Michel J. Cuny



7 réactions


  • sylvain sylvain 31 octobre 18:40

    J’apprecie piketty pour son travail de compilation de donnees et de statistique, mais il ne me parait pas si doue pour leur donner un sens.

    Le capitalisme de l’epoque moderne a ete exporte dans les pays dits du sud global.

    Dans une societe de consommateur et non de producteurs, la question de la repartition des richesses remplace plus ou moins celle de la detention des moyens de production

    Et puis le travail humain devenant de plus en plus superflu face a l’essort du monde de la machine, la question de la repartition des richesses est en passe de supplanter celle de la detention des moyens de production .Une sorte de monde de consommateurs, a moins que la machine en decide autrement


  • Opposition contrôlée Opposition contrôlée 31 octobre 18:45

    C’est pas un hasard s’il est tellement médiatisé. 


    • mmbbb 2 novembre 11:28

      @Opposition contrôlée Il est vrai que le communisme a démontré qu il a ete une alternative incontestée au capitaliste .

       Et si tu avais adopté la technologie « de l URSS » pour communiquer tu en serais a la norme VGA !

      J ai toujours apprécié ces grands opposants au capitalisme mais savent si aisément utiliser les technologies du ’ grand satan capitaliste " .

      Apres la chute, l Europe a demontre en revanche tout l etendue de son impuissance et il aussi vrai que les USA ont voulu imposer son hégémonie et notamment ils avaient à dessein de détruire la Russie .


  • Areole Areole 1er novembre 11:35

    Pikettty ? Pikettty ? Serait-y pas l’ex-compagnon d’ Aurelie Filipetttty qui a été condamné pour violence conjugale ?... Celui qui sous le prétexte de justice fiscale voudrait taxer les grands et surtout les petits propiétaires foncier ?

    c’est-y pas le fils caché de Klaus Schwab  : « vous ne posséderez plus rien mais vous serez heureux... »  ?

    Je vous fais un petit cadeau (une vidéo de 2h tout de même) :

    https://www.youtube.com/watch?v=mU8nu5YwZ5Y

    Ne me remerciez pas.


  • Sylfaën.H. Sylfaën.H. 1er novembre 18:08

    Bonjour

    .

    Une question, tout de suite : d’où vient qu’il y ait des richesses, et des richesses à répartir ? D’une manne quelconque ? Qu’ON se distribue ensuite ?

    La Richesse provient d’un Travail produisant une Valeur-Ajoutée à des Ressources que l’homme transforme. L’ETAT Taxe pour s’entretenir.
    La distribution s’opère entre Public et Privé. Le dévoiement du Public vers le Privé par si « ch€r€ pÔliticaille à la gamelle » est La manne du Privé. Plutôt qu’être redistribuée à la plus petite échelle possible, pour tout un chacun, publiquement, le Privé concentre.

    .

    Peut-être pas. Peut-être faut-il tout d’abord avoir mis en œuvre une production, obtenir que quelque chose soit produit : c’est plus sûr.

    C’est plus sûr d’Assurer la mise en oeuvre d’une production, en assurant à tout un chacun d’être opérationnel pour Travailler, être assuré d’un Minimum.

    Le découplage Revenu-Prix-(Delors) a signé la Mort de l’homme face à la Machine ;

    ou quelquechose comme çà smiley


    • Michel J. Cuny Michel J. Cuny 1er novembre 18:32

      @Sylfaën.H.
      Merci pour votre souci d’ouvrir le questionnement présenté ici.
      Il nous renvoie à notre propre expérience de la vie de travail.


  • mmbbb 2 novembre 10:59

    Si le gouvernement provisoire de Gaulle eut une réplique impitoyable sous la férule du general Duval lors de l ecrasement de cette rébellion , la quatrieme républque notamment Guy Mollet et Mittérand furent aussi les promoteurs de cette Algérie Francaise.

    Guy Mollet dans une tres belle langue de bois minimisa les exactions de l armée francaise.

    Et cette 4 républque fut si faible qu elle ne sut imposée une ligne politique honorable pour la décolonisation , les grands colons " eux surent s imposer .

    D ou la crise politique et l opportunité de Gaulle pour reprendre le pouvoir .

    Une situation inextricable .

    et ce fut la troisieme republique sous l egide du franc mac Ferry qui fut l instigateur de la population des colons en Algérie .

    Je n apprécie pas votre parti pris , et comme l a affirmé Stora au College de France , il s étonna du mutisme des intellectuels de gauche durant cette période ou Mittérand fit marcher la guillotine .

    Tres bon reportage sur la 5 en cinq volets et dont l ensemble de la chronologie des événements furent mis en perspective .

    Et Messali , Ferhat Abbas des modérés dont la voix n a pas été retenue a provoqué , une montée aux extrémes

    Et l histoire évolue , Mollet , Mitterrand furent cités et leur responsabilité ne furent pas éludée

    Quant à De Gaulle , si il fut l homme de l honneur pour que la France retrouve son rang , il n eut pas une grande vision lorsqu il fut au gouvernement provisoire .

    C est Leclerc qui établit le corps expéditionnaire en Indochine . Le même mépris affiché pour ces « indigènes » , Ils ne comprirent pas que l histoire marqua son empreinte et le temps des colonies etaient révolues .

    Macron affirma que la France avait commis des crimes contre l humanité , c est que retient le droit internationale désormais , Il provoqua l ire des « anciens » , ce qui prouve que le schéma de pensée n a pas évolué .

    Et dans l histoire de France , préfacée , par G Duby ,  cette période a été décrite ainsi , un coût social — plus d un million d appelés et economique alors que l Allemagne se redressait a grand pas ,.

    Quant à Marx , il est vrai que la loi d airain etait la regle et au début de la révolution industrielle la condition ouvrière etait celle de l esclavagisme .

    Quelle différence entre un noir dans sons champ de coton et  l ouvrier au fond de la mine arrachant le charbon à la pioche  .

    et l avènement du communisme ne déboucha pas sur un meilleur régime .

    Quant a Piketty , c est surtout la financiarisation de l economie qui ne permet pas à l economie réelle de s imposer .

    Et quant à notre économie , nos politiques ont suivi aveuglément un théoricien Touraine qui avait annonce " la fin de la révolution post industrielle" .

    Erreur funeste en croyant que la Chine aurait été l eternel atelier du monde .

    Et le savoir , les chinois l ont acquis et maitrise

    Nous, nous privilégions l enseignement de la théorie du genre , l ecriture inclusive un excès du « pédagogisme » et une destructuration de l enseignement .

    Est ce un problème capitalisme , non c est notre problème et la source de nos maux est due a notre inconséquence . Piketty ne l affirmera pas il appartient au serail ,

    La preuve est que notre déficit du commerce extérieur hors hydro carbure est en constante augmentation ,


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