Avril 21- La guerre civile s’achève, Lénine se souvient du capitalisme
Ce texte est de Lénine (T32 des OC-1963 - l'impôt en nature). Il surprendra tous ceux qui, imbibés dans l'antisoviètisme, matiné d'antistalinisme des six décennies qui ont suivi, croient encore que les communistes rafolent des capitalistes cuits au court bouillon.
Au passage, on notera la parenté du "capitalisme d'état" préconisé ici par Lénine avec celui qui prévaut actuellement à Pékin, suite aux réformes de Deng Xiao Ping (1980). Deng a fait appel aux "joint-venture", Lénine aux "concessions". On est à des kms des obsséssions qui prévaudront après la mort de Lénine, conduisant au développement autarcique, mais "pénurique" du "socialisme dans un seul pays".
Avril 1921 - Quest-ce que les concessions ?
Le socialisme est impossible sans la technique du grand capitalisme, concue d'après le dernier mot de la science moderne, sans une organisation d'état methodique qui subordonne des dizaines de millions d'homme à l'observation la plus rigoureuse d'une norme unique dans la production et la répartition des produits. (...)
Le cas ou l'exemple le plus simple de la façon dont le pouvoir soviétique oriente le développement du capitalisme dans la voie du "capitalisme d'état",ce sont les concessions. A présent, chez nous, tous sont d'accord pour reconnaitre la nécessité des concessions, mais tous ne réfléchissent pas à leur portée. Que sont les concessions dans le système soviétique, si on les envisage du point de vue des ordres économiques de notre société, ainsi que de leurs rapports entre eux ? C'est un contrat, un bloc, une alliance du pouvoir d'état soviétique, c'est à dire prolétarien, avec le capitalisme d'état, contre l'élément petit-propriétaire (patriarcal et petit bourgeois). Le concessionnaire est un capitaliste. Il agit en capitaliste, pour tirer des bénéfices. Il consent à traiter avec le pouvoir prolétarien pour toucher des bénéfices immédiats, supérieurs, ou pour capter des matières premières impossibles à obtenir autrement. Le pouvoir soviétique y trouve avantage ; les forces productives se développent, la quantité des produits augmente immédiatement ou dans des délais brefs.
Nous avons, disons une centaine d'exploitations, de mines, de secteurs forestiers. Nous ne pouvons tous les mettre en valeur, en raison de la pénurie de machines, de vivres et de moyens de transport. Pour les même raisons nous exploitons mal les autres secteurs. L'exploitation défectueuse et insuffisante des grandes entreprises a pour résultat de renforcer l'élément petit-propriétaire dans toutes ses manifestations : affaiblissement de l'économie paysanne environnante (et puis toute entière), déclin des forces productives et baisse de la confiance envers le pouvoir soviétique, déprédations, et petite spéculation généralisée (la plus dangereuse)etc... En "implantant" le capitalisme d'état sous la forme de concessions, le pouvoir soviétique renforce la grande production au regard de la petite, la production évoluée au regard de l'arrièrée, la production mécanisée au regard de la manuelle ; Il augmente la quantité de produits de la grande industrie, il renforce les rapports économiques régits par l'état, à l'opposé des rapports anarchiques petit-bourgeois. Appliquée avec mesure et prudence,la politique des concessions nous aidera de façon certaine à améliorer rapidement l'état de la production, la situation des ouvriers et des paysans, bien entedu, au prix de certains sacrifices et de l'abandon aux capitalistes de matières infiniment précieuses. La mesure et les conditions auxquelles les concessions nous sont avantageuses et sans danger sont fonction du rapport des forces ; c'est la lutte qui décide car les concessions sont aussi un aspect de la lutte des classes sous une autre forme, avec des méthodes que la pratique définira.
Le capitalisme d'état sous la forme des concessions est, en comparaison avec les autre formes sans doute la plus simple, la plus précise, la plus claire et la plus nettement délimitée. Nous avons là un contrat direct établi dans les formes, par écrit, avec le capitalisme d'Europe occidentale, le plus cultivé, le plus évolué. Nous connaissons exactement nos pertes et nos avantages, nos droits et nos obligations, le délai de la concession, les conditions du rachat éventuel avant terme si le contrat prévoit ce droit. Nous payons un "tribut" au capitalisme mondial, et sous certains aspects une "rançon" qui en fait, renforce, au plan économique, le pouvoir soviétique.La difficulté du problème est de penser à tout, de peser tout en passant la concession et aussi de savoir veiller, ensuite, à son exécution. Des erreurs seront probablement inévitables au début, mais comparé aux autres tâches de la révolution sociale, elle sont minimes. (...)
La politique des concessions, si elle réussit, nous donnera un nombre réduit de grosses entreprises modèles, en comparaison avec les notres, au niveau du capitalisme moderne avancé, et d'ici quelque dizaines d'années, ces entreprises seront entièrement à nous. (...)
Souvent, il nous arrive de nous abuser avec ce raisonnement : "le capitalisme est un mal, le socialisme est un bien". Ce raisonnement est inexact, si le capitalisme est un mal par rapport au socialisme, c'est un bien par rapport au Moyen Age et sa petite production. (...) Nous ne devons pas craindre d'avouer que nous avons encore beaucoup à apprendre des capitalistes (...)
La radio émerge, Lénine saute sur l'occasion pour défendre son point de vue
N'est-il pas dangereux d'inviter les capitalistes ? Cela n'équivaut-il pas à développer le capitalisme ? Oui, mais ce n'est pas dangereux car le pouvoir reste entre les mains des ouvriers et des paysans, et la propriété des grands propriétaires fonciers n'est pas restaurée. Une concession est une sorte de contrat de location. Le capitaliste devient locataire d'une partie de la propriété de l'état suivant un contrat et pour un délai déterminé.La propriété reste à l'état.
Le pouvoir soviétique veillra à ce que le capitaliste-locataire respecte le contrat, et que ce contrat soit avantageux pour nous et qu'il améliore la situation des ouvriers et paysans. Dans ces conditions, le développement du capitalisme n'est pas dangereux puisqu'il augmente la quantité de produits disponibles pour les ouvriers et paysans.