Belgique : feu Joe Van Holsbeek, icône malgré lui d’un mouvement d’hystérie collective à tendance communautariste
C’est l’histoire d’un fait divers crapuleux, qu’on ne souhaite à personne. Joe Van Holsbeek a été poignardé froidement, en pleine journée, dans le hall d’entrée d’une des plus grandes gares de Bruxelles ville. Poignardé pour quoi ? Pour son lecteur MP3 qu’il ne voulait pas donner à une petite frappe sans scrupule. L’histoire aurait pu s’arrêter là. Du moins, la justice aurait fait l’enquête ; et la famille, son deuil. Pourtant, l’affaire ne s’arrête pas là. De manière tout à fait inattendue, le fait divers se transforme en feuilleton dramatique, avec ses épisodes, ses héros et ses méchants. Quand les techniques du reality show s’emparent de la réalité...
Mercredi 12 avril, Joe et un ami se trouvent dans la gare centrale de Bruxelles ville. Ce qui aurait pu être une soirée banale pour ces deux jeunes de 17 ans se transforme en cauchemar quand deux autres jeunes s’approchent et tentent de dérober le lecteur MP3 de Joe. Il refuse. Il aura tort. Un des deux agresseurs sort un couteau et le poignarde à cinq reprises. Fatal. Joe va mourir de ses blessures.
Rapidement, les médias s’emparent de l’affaire. On parle évidemment d’un meurtre crapuleux, et les deux suspects sont activement recherchés.
A son corps défendant, Joe Van Holsbeek devient rapidement une star à titre posthume. Garçon à la tignasse crollée, ressemblant plus à un chanteur de rock des années soixante qu’à un Rock Voisine, il a une bonne bouille. On connaît tout de Joe. Des blogs se créent, des photos sont publiées, les scouts s’en mêlent (car Joe était scout). Son enterrement est une véritable mise en scène ; avec écran cinéma géant aux portes de l’église, afin que tout le monde puisse participer à l’événement, tant il y a du monde au balcon. Les télévisions, les radios et les journaux sont présents. Du côté des radios, c’est du direct. On a eu l’impression que le roi était mort, tant cela ressemblait à l’enterrement d’une notoriété publique. Le frère de Joe tient un grand rôle dans cette scène. Lunettes noires, même tignasse explosée à la rock star, il a eu son « one minute of celebrity » en prenant la parole. Tout le monde pleure, tout le monde s’émeut, tout le monde se sent concerné. Des vidéos de l’enterrement circulent sur Internet ; on peut voir le papa, la maman, le frère, les amis et amies... 7sur7TV et RTL proposent même de visionner les « préparatifs des funérailles » ainsi que d’autres vidéos « rares », à condition de s’inscrire sur leur site.
On frôle l’absurde... et ça ne fait que commencer
Vendredi 14 avril, la cousine de Joe décide de créer un blog à la mémoire de son cousin. Ce qui aurait pu être anecdotique dérape rapidement...
Propos d’inconnus glanés dans les commentaires (les textes sont repris tels quels) :
« De citoyen2, posté le Vendredi 21 avril 2006 à 12:39
Lettre ouverte aux parents et aux amis de Joe !
Tout d’abord, nous tenions à vous adresser directement nos condoléances face à l’horreur de l’acte révoltant qui vous a enlevé votre fils et votre ami.
Nous tenions aussi à dire que nous avons entendu vos appels et respecté votre demande initiale. En effet, nous n’avons rien organisé avant les funérailles de votre fils et l’action que nous envisageons samedi ne fait plus référence à son nom.
Mais néanmoins, nous nous manifesterons ce samedi. Tout simplement car ce qui est arrivé à votre fils est plus qu’un simple fait divers individuel. C’est l’illustration du climat de violence, de menaces, de racket que subit une partie de plus en plus grande de nos concitoyens.
Il n’est pas question ici de stigmatiser une communauté bien précise mais bien simplement de défendre la nôtre, car le racisme anti-belge est aujourd’hui une réalité quotidienne comme l’a reconnu, lui-même, le député régional Fouad Ahidar.
On nous accusera de récupération mais le monde politique traditionnel aura bientôt fait de récupérer ce drame. N’est-il déjà pas en train de le faire de manière souterraine avec cette « spontanée » manifestation de dimanche prochain ?
D’autres nous disent de respecter la douleur des parents. On nous avait dit la même chose lorsque le jeune scout Bruno Togni avait été assassiné aux cris de « sale Belge » en 1981. On nous avait dit la même chose pour nous dissuader de nous manifester après la mort, en 1994, de ce pompier qui avait fait une chute en intervention et dont des racailles avaient dit : « Laisse, ce n’est jamais qu’un Belge ». On nous avait également dit cela après la mort de cet électricien flamand, Patrick Mombaerts, assassiné à coup de barre de fer à Schaerbeek en 1998 par une jeune racaille avec laquelle la justice se montrera ensuite particulièrement clémente. Dans un autre registre, on nous avait dit encore la même chose au moment de la marche blanche : il fallait respecter la douleur des parents et ne pas politiser. Et qu’est-ce qui a changé ? Rien !
Nos enfants sont de plus en plus en danger, la racaille a un sentiment toujours plus grand d’impunité et le racisme anti-belge s’affirme de plus en plus !
Et c’est pourquoi, nous nous manifesterons samedi après midi à la gare centrale. Et si vous nous interdisez de le faire au nom de Joe, nous le ferons au nom de toutes les victimes passées et à venir de la violence et du racisme anti-belge.
Coordination citoyenne
Rassemblement contre le racisme anti-belge
Samedi 22 avril à 17 h
Gare centrale à Bruxelles »
Mardi 18 avril 2006 à 21:19 « Il est inadmissible d’entendre des actes de ce genreet qui es fait encore par qui ?des noirs , des gens qui ne respecte rien ni personne et en Belgique on dit que le belge est rasciste, non pas du tout quand le gouvernement vat il agir pour la securité de ces citoyens.
de tout coeur avec les parents, sincere condoléence. j’ai ete aussis agressé par un noir pour 20€ à mon travail ».
Et voilà que revient le délit de faciès.
Il faut savoir que la police a rapidement publié les images des caméras de surveillance montrant deux jeunes gens d’origine méditerranéenne et qui seraient les auteurs présumés du meurtre. Le peuple se lâche rapidement car il a enfin trouvé les responsables, facilement identifiables. Depuis ce fait divers crapuleux, c’est une hystérie collective rythmée comme une série télévisée qu’on observe depuis quelques jours.
Les imams de Bruxelles s’y mettent également, en appelant les meurtriers à se rendre à la police. Evidemment, les réactions ne se font pas attendre. Les internautes crient au scandale en avançant que les imams ont plus de pouvoirs que la Justice. Alors que Joe a été victime d’un simple fait divers, crapuleux s’il en est, on glisse rapidement vers un débat de société : « Nous n’avons plus le droit de nous promener librement, sans nous faire agresser, cela doit cesser ».
Toute la Belgique est en colère. Les parents de Joe appellent à une grande marche silencieuse, ce dimanche, qui devra être « une manifestation pacifique en faveur du droit à la liberté de se déplacer en sécurité en ville ». La famille et les amis du jeune homme décédé veulent faire réagir le gouvernement sur les raisons de l’insécurité dans les villes de Belgique.
Le populisme regorge de bonnes intentions.
A quelques mois des élections communales et provinciales en Belgique, ce sursaut sécuritaire paranoïaque a de quoi faire frissonner. La démesure est à nos portes, le peuple est en colère, et il le fait savoir. Et de quelle manière ? En utilisant un fait divers.
La présomption d’innocence est un principe en désuétude en ce moment. Il semblerait que l’esprit du peuple soit échaudé et que les deux jeunes suspects, dont on ne connaît rien, soient catalogués « arabes musulmans » puisqu’ils sont « bronzés » et portent des vêtements de sport. Nous sommes en pleine psychose communautariste.
L’Europe se perd dans ces mouvements de contestation qui ne revendiquent rien, si ce n’est « plus de sécurité ». Dans l’histoire de l’humanité, les sociétés paranoïaques ont toujours eu raison de la rationalité. L’hystérie collective qu’on observe en Belgique en ce moment a de quoi inquiéter, tant elle ne soulève aucun questionnement particulier de la part des intellectuels belges. Alors que la Belgique est victime d’une crise d’anxiété généralisée à tendance xénophobe, il n’y a personne à son chevet. Tout le monde ici semble trouver normaux ces mouvements populaires d’une rare ambiguïté.